Toujours nanti de cette insouciance qui le caractérisait, le jeune Alexandrov arpentait les couloirs de Las Noches. Son dernier jeu en date, pour ne pas se perdre, consistait à déposer derrière lui un petit tas de sable, à la manière d'un petit Poucet chez les hollow, afin de pouvoir revenir sur ses pas, si l'envie lui prenait. Cette action n'était nullement motivée par la logique, puisque l'ingénu avait commencé cette lubie au beau milieu de nulle part, plus précisément à un carrefour comportant de multiples voies. A son centre exact, en fait. Toujours est il qu'il s'appliquait à la manière d'un enfant qui joue avec les fourmis, ou d'un jardinier s'occupant de ses plantes, le fessier bien levé et la face touchant quasiment le sol à chacun de ses dépôts. Le tout accompagné de ses baragouinages habituels.

- Gnienh...si deux plus un ananas font de la sauge, qui va donc voler ton auge? Trompette et calamar, ça j'en ai dans le slibard!

Le pauvre bougre était bien sûr inconscient des luttes de pouvoir qui se jouaient à un tout autre niveau, initiées par le camouflet de l'ex-Tercera à l'encontre de son Seigneur et Maitre supposé, et de son bannissement adjoint d'un avis de recherche, plus mort que vif dans les faits. Il ne savait pas non plus qu'étant l'un des seuls apte à pouvoir retrouver sa Maitresse, par un lien obscur les unissant - ou peut être tout simplement par coup de bol pour lui, ou de malchance pour elle! - il était un pion de choix dans la quête de la nouvelle femme à abattre. Bienheureux les simples d'esprit...

- Une baguette pas trop cuite! C'était une boucherie! Ahaaaaah!

En outre, véritable épée de Damoclès aux dents multiples et acérées, la mort flottait au dessus de sa tête par l'intermédiaire des deux Espadas qu'il avait échaudé lors de son apparition à un meeting au sommet. Il y avait même, par mégarde, aidé le Rey à se remettre sur pied, bien que le puissant ne soit pas versé dans la reconnaissance et n'ait finalement fait que constater l'injure faite à base de tripes et de roches à ses sous-fifres. Un homme plus avisé aurait sans doute utilisé le potentiel destructeur et créatif de l'albinos à des fins quelconques...mais Grimmjow n'était pas avisé. C'est du moins ce que devaient se dire les grands esprits du monde creux, car l'Aleksi était incapable d'une telle réflexion. D'ailleurs il avait oublié cet épisode ludique, le gardant sans doute dans l'un des compartiments de son esprit pour le ressortir comme un diable de sa boite le moment venu...

Cette sombre affaire ne manquait pas de l'inquiéter. Le caractère emportée de la Tercera avait finalement fait des étincelles et la Panthère avait enfin cogné du poing sur la table, ordonnant au Primera sa liquidation. Le fait que ce soit Dark qui soit désigné pour la traque le dérangeait plus que le comportement de Daestra. Bien que cela ralentisse ses propres projets, il savait la jeune femme suffisamment expérimentée pour se sortir de situations dangereuses. Mais le Primera avait reçu un ordre clair et précis. Et avec l'expérience, Borick savait qu'il y avait peut-être anguille sous roche. Si le Roi commençait à douter de la sincérité de certains, c’était mauvais signe. Bien entendu, le blondinet savait comment se terminerait cette traque. Un statu quo. Il ne pouvait en être autrement avec les deux personnes les plus importantes de son vaste projet. Mais ce qui avait mis la puce à l'oreille de l'Empereur, c'était que la Panthère avait adjoint à Dark un autre Espada. L'une de ses plus fidèles alliées. Lili. Un témoin gênant. Dont il fallait se débarrasser au plus tôt.

N'ayant pas eu le temps de parler à son frère avant qu'ils ne partent en chasse, il n'avait pu lui mettre dans la tête le projet de faire disparaitre cette femme aussi dangereuse que folle. Une traque contre l'ancienne Tercera ne pouvait se passer sans danger et il aurait été facile d'expliquer à la Panthère que Lili avait succombé à ses blessures. Mais l'ancien Quincy était un homme intelligent, à défaut d'être patient, et peut-être avait-il déjà pensé à cette éventualité.

Pour sa part, cette chasse donnait également du travail à l'Empereur. Car si la Principessa était pour le moment hors de danger, Grimmjow ne s’arrêterait peut-être pas là. Et selon ses informations et ses découvertes, il savait que sa complice possédait une Fraccion. Autre que sa troupe de requin. Un Fraccion qui connaissait très certainement la localisation précise des caches de la chasseresse. Et avant qu'un autre que lui ne parvienne à lui mettre la main dessus, il devait le trouver. Ce pourquoi il arpentait ce jour les couloirs de Las Noches. Nul besoin de faire appel à son armée, il préférait le trouver seul plutôt que d'avoir à se débarrasser d'oreilles indiscrètes. Que connaissait-il de cet Aleksi ? Bien peu de choses en réalité. En dehors d'une rumeur qui le disait très dérangé. S'il s'avérait trop fou et trop enclin à dévoiler la position de sa maîtresse, il n'aurait alors à qu'à l'exécuter.

La traque ne dura guère longtemps avant qu'il ne trouve une piste. Et quelle piste. Un tas de sable posé là, suivi d'autres plus loin. Était-ce lui ? Remonter la piste allait s'avérer plus facile que prévu s'il s'agissait bien de lui. Cette fois, pressé par le temps comme il l'était, Borick ne s'embarrassait pas de remonter les couloirs en marchant. Usant de son sonido, il ne lui fallut que peu de temps pour se retrouver face à un être étrange, dans une posture tout aussi bizarre. Il s'agissait bien de lui selon la description qu'il avait. Et visiblement, il était aussi le responsable de ces tas qui traversaient ces couloirs. Borick poussa un petit soupir tout en se rapprochant de lui. L'autre ne l'avait sans doute même pas senti arriver. Il ne prêtait aucune attention à ses marmonnements. Mais comptait bien en finir rapidement.

- Debout, Arrancar !

La voix du chef de l'Exequias n'était pas agressive. Seulement il n'allait certainement pas parler à un croupion qui marmonne. Attendant que l'autre prenne conscience qu'il n'était pas seul, Borick posa la paume de sa main gauche sur le pommeau de son Zanpakutô accroché à sa taille. Tout de blanc vêtu, comme à l'ordinaire, il se dégageait de lui quelque chose d'étrange. Borick était patient. Mais il espérait que cet ingénu ne l'éprouverait pas. Il reprit aussitôt qu'il eut enfin l'attention - partielle ? - de son interlocuteur.

- Es-tu celui que l'on nomme Aleksi Alexandrov, Fraccion de la Principessa ? Je suis Borick "El Emperador" et je souhaiterai t'interroger à son sujet.

Se présenter était une habitude pour lui. Il exigeait que les autres respectent cela et était donc le premier à montrer l'exemple. Ce qu'il ne pouvait imaginer, c'est qu'il venait de faire une première erreur en mentionnant son nom...

- Ah gnagnagnagnagna, ah gnagnagnagnagna...

Oh, qu'il était concentré dans sa tâche! Et comme il ne s'attendait pas à recevoir la visite d'un quidam, ses sens servant tout bonnement à lui faire ressentir une approche à quelques mètres de lui - mais son esprit bien incapable de traiter l'info! Ainsi l'injonction le frappa comme un coup au plexus. Tout juste eut-il le temps de ressentir une vague surprise, ses pupilles s’étrécissant sous l'effet de la stupeur, sa bouche s'arrondissant en un "oh!" muet, avant que le regard se voile, que sa posture se fasse raide et qu'il se lève tel un automate pour faire face au nouvel arrivant.



Car dans l'esprit morcelé de l'abruti une seule constante venait rompre le chaos comme un récif au milieu de la tempête: il était conditionné à obéir instantanément et sans tergiverser à tous les désirs de cette voix suave aux accents aristocratiques. C'était le Maitre Absolu, le Marionnettiste en Chef, l'Esturgeon Impérial, La Reine d'Angleterre! Il était donc logique - quoi?!? - qu'Aleksi soit changé en véritable automate, légume tout dévoué au blondinet au port altier. Une question fusa. Puis une autre. Le ton monocorde, c'est tout naturellement que le jeune Arrancar répondit.

- Je me nomme Aleksi Alexandrov, Fraccion de la Tercera Daëstra Chibi...

#ZZZZZZZZZZWAP#

Le Cero était parti comme un pet sur une toile cirée. Rien de bien méchant, juste un Cero de base, qui eut tout de même pour effet de filer droit, véritable rayon de la mort, et d'aller créer une nouvelle ouverture dans l'assemblage d'ivoire et de stuc des murs immaculés de la citadelle. Il n'avait pu faire autrement, à la mention du nom de son interlocuteur, associée à la destruction totale des ennemis de l'Imperador, du temps où il n'était encore qu'un assemblage de créatures de faible niveau au nez en pointe. D'ailleurs, lorsque la fumée due à l'explosion retomberait, l'homme au casque d'or pourrait voir que le longiligne albinos n'avait pas bougé d'un pouce, se contentant de rester les bras collés au corps, exception faite de sa main qui s'était tordue pour faire face au mur opposé. Brave bête, il s'était contenté d'exécuter le premier ordre, à savoir "vaporise moi ça", sans pour autant prendre l'initiative d'une pose dramatique.

C'était sûrement à cet instant que le grand Bor...le magnifique blondinet verrait le potentiel inestimable que représentait ce fou furieux mis au ban de la société par pure incompréhension - et peut être aussi par peur, ou par dégoût, ou par...bref. Ou peut être comprendrait il ça plus tard, seul le temps le dirait.

Une fois de plus, l'intervention de l'Exequias avait été aussi prompte qu'efficace. Alors que les débris retombaient sur le sol, les silhouettes d'une dizaine d'Exequais, lame au clair, étaient désormais visible autour du Fraccion de l'ex-Tercera Espada. Ils reconnaissaient la puissance de l'homme qui venait de libérer cet assaut mais ce n'était pas suffisant pour les empêcher de se sacrifier pour leur Empereur. Ils n'attendaient que l'ordre de Borick qui ne s'empressait pas de le donner. Ce dernier était dubitatif. La réaction de l'homme avait été soudaine, inexplicable et violente. Mais il n'avait à aucun moment visé le blondinet. Il avait comme qui dirait répondu à un ordre muet et l'attitude dans laquelle il s'était figé en était la preuve absolue. Quelque chose clochait et Borick ne comprenait pas pourquoi. Et s'il y a une chose qu'il détestait plus que tout, c'était bien de ne pas comprendre.

D'un signe de la main, il apaisait son élite. Ces derniers se reculèrent à mesure que Borick se rapprochait d'Aleksi. Ils ne disparurent pas pour autant. Borick constatait avec amusement qu'ils n'avaient pas non plus rengainés leurs armes, considérant à juste titre que cet Arrancar était une menace. Une hypothèse avait germée dans l'esprit retors du chef de l'Exequias. Mais avant de prendre les mesures adéquates, il devait vérifier cela.

- Inutile de t'inquiéter pour ce petit détail.

D'un signe de la tête, Borick désignait l'ouverture béante qui avait désormais prit place. Ce genre de problème pouvait subvenir et les Espada étaient régulièrement responsables. Ainsi, les petites mains se chargeraient rapidement de ce détail. Il jouait également la carte de l'apaisement, sans pour autant savoir si cela fonctionnerait. Il l'avait remarqué : cet homme ne s'était pas montré menaçant et avait même commencé à lui répondre avant d'être prit par ce coup de folie. Il allait donc opter pour une méthode plus douce. Un simple regard à un de ses lieutenants lui fit comprendre que leur présence était de nouveau superflue. D'ailleurs, il venait de se souvenir que ses ordres précédents avaient été de ne pas les avoir dans ses pattes. Ils avaient désobéis. Il allait devoir se montrer plus sévère avec eux. Les présences disparurent aussi vite qu'elles étaient arrivées. Mais il savait qu'elles veilleraient au grain. Elles étaient trop attachées à leur mission primaire. Comment leur en vouloir en réalité ?

- Puis-je savoir pourquoi tu as tiré ce Cero, Aleksi ? Et pourquoi à cet endroit ?

Comprendre était une absolue nécessité pour évaluer le danger de cet homme. Ainsi que son état mental. Les avis étaient unanimes quant à ses facultés mais il souhaitait évaluer lui-même à quel point il était fou. Si Daestra l'avait gardé sous contrôle, c'est qu'elle avait eu ses raisons. Et ces celles-ci qu'il souhaitait comprendre. Il représentait un danger pour la Principessa. Et cela, il ne pouvait le permettre. Elle était une des pierres angulaires de son projet et il ne pouvait permettre sa disparition. Même si Grimmjow en avait donné l'ordre. Dark allait devoir la couvrir. Lui agirait à un tout autre niveau.

- Ensuite, j'aimerai savoir si tu sais ce qui se passe avec ta maîtresse. Notre Roi a ordonné sa traque. Je tenais à ce que tu le saches avant que tu puisses répondre à cette question : sais-tu où la trouver ?

Aleski ne s'en doutait peut-être pas... Mais la réponse à cette simple question déterminerait le reste de son existence. De sa franchise dépendrait sa survie. Il n'était plus maître de son destin. Plus maintenant.

Il n'avait pas bougé d'un pouce et pourtant le monde s'était animé devant lui. Pléthore de types s'étaient immiscés dans la discussion, l'air vaguement irrité, voir nerveux. Bien sûr, ce déluge d'émotion passait sur l'Arrancar albinos comme un pet sur de la soie, puisqu'il en était réduit pour l'heure à l'état de légume en stase, le regard aussi perdu que pourrait avoir quiconque resterait trop longtemps devant une télé-réalité. La bouche entrouverte, l’œil morne, il attendait la suite, n'ayant pas fait le moindre mouvement depuis l'explosion. Il n'était qu'en veille, attendait d'autres ordres de l'Empereur, comme il en avait déjà été le cas si souvent par le passé.

D'ailleurs sa Majesté s'avançait vers lui, faisant fi des réticences de sa cours, constatant de son illustre personne les dégâts causés par le malencontreux mais bien réfléchi tir dans le tas. Le suivant des yeux, la bouche toujours à demi ouverte, le jeune homme ne comprit même pas les paroles rassurantes de l'impérial, se contentant de le fixer avec l'étincelle d'un poisson mort. Puis une question toute simple rompit la veille, forçant le candide démon à s'expliquer.

- C'est le nom, le nom de celui qui tue. On dit le nom, et hop! Un cero sur la cible. Une introduction, une présentation, et la fin de l'auditoire. Pouf, Menos Grande, pouf, Cero Grande. A plus la cible.

Il avait maintenu ce ton monocorde sans émotion aucune, à en glacer le sang, quand soudain ses yeux papillonnèrent, le ramenant à la réalité. Regardant autour de lui comme s'il voyait le monde pour la première fois, il put jauger la qualité de ses spectateur, avant de se pencher en avant vers eux, et de balayer le couloir de sa voix, dans un mouvement circulaire qui permit à chaque Exequias présent de pouvoir lire sur les lèvres la teneur de son message.



- Chaaaaaaaaaaaaaatte!

Tel une étoile filante, cet éclair de luci...cet éclair de quelque chose, passa. Il en était revenu à son état normal. Véritable soldat de pierre modelé pour suivre son Empereur jusque dans la tombe et combattre pour lui à son réveil, il n'était que le résultat du conditionnement des multitudes d'âmes hollowesques qui le composaient alors, à son stade de Pinocchio gueulant comme un orque épaulard de film. La question suivante provoqua tout de même une réaction plus importante: un semblant de vie. Oui, sur celle-là, il reprenait contenance.

- Ah oui, la Maitresssse, ah oui oui oui, ah...non. Ah oui? Ah non. Pas de traque, c'est elle qui traque, elle qui mange et qui copule, elle qui doit nous offrir la belle mort, m'offrir la mort? Manger, tuer, fourrer. Ah ça c'est bien fourrer.

Pause.

- Savoir où est la Maitresse? Mais oui! Pas de problème, simple comme bon séjour! Facile à trouver, facile de tomber dessus. Plein de chance! Jamais trompé! Peut prendre du temps, mais c'est quoi le temps? C'EST QUOI LE TEMPS?!?

Cri d'angoisse. Normal en même temps. Faut pas trop le laisser jouer avec des notion de mise en abîme. Ça a tendance à le rendre chafouin. D'ailleurs devant tant de problème, l'Alexandrov n'eut d'autre choix que de se mettre des petites claques désordonnées du bout des doigts, se frappant comme si sa main n'était que coton. Le genre de truc qui fait penser à une bataille d'ivrogne, mais tout seul.

C'était bien la première fois depuis très longtemps qu'une personne parvenait à surprendre Borick. Avec ses explications, Aleksi venait de mettre en lumière le lien si particulier qui existait entre l'Empereur et lui. Comme tout à chacun, il avait été Menos. Et comme ceux qui avaient évolués, il avait pris le pas sur les autres personnalités pour évoluer et devenir autre chose. Mais de ce passé révolu était resté ce sentiment de devoir obéir au Maître des Gillians, soit lui-même. Un véritable conditionnement auquel l'Arrancar ne semblait pas pouvoir se soustraire. Il réagissait à un déclencheur. Mais lequel... Quoi qu'il en soit, cet homme venait de faire un bond sur le tableau d'intérêt de l'Exequias. Et alors que la folie regagnait le corps de cet Arrancar, les méninges de Borick s'activaient à la vitesse grand "V".

Jamais à ce jour il n'avait vu ce genre de comportement. Savoir qu'il avait fait appel à lui alors qu'il était encore sous sa forme de Menos Grande l'intriguait. Savoir qui lui restait des souvenirs latents lui apportait de nouvelles données qui pourraient s'avérer d'une utilité remarquable s'il parvenait à l'exploiter. Combien d'autres comme lui ? Sans doute aucun, bien malheureusement. Ce qui le rendait plus rare et plus précieux qu'il ne l'avait espéré. Un tel individu entre les mains d'un autre lui paraissait désormais impossible. Il devait y veiller.

Il fut rapidement conforté dans sa décision en constatant que cet homme pouvait retrouver aisément sa maîtresse. Qu'importe qu'il ne respecte pas l'étiquette, il allait devoir s'en accommoder à titre exceptionnel. Et cette fois, il n'était plus question de se débarrasser de lui à cause de ce qu'il savait. Il devait le préserver. Le garder près de lui. Et se servir de ce qu'il pouvait lui apporter. Les Gillians étaient utiles mais d'une faiblesse affligeante. Mais Aleksi avait été Fraccion de la Principessa. Un homme qui avait survécu à l'appétit sans limite d'une chasseresse. Il disposait très probablement de capacités allant au-delà de ce qu'il pouvait imaginer.

- Calme-toi donc, Aleksi. Et écoute-moi très attentivement ! Il en va de la survie de ta maîtresse.

Il espérait pouvoir le calmer avant qu'il ne se blesse. Et désormais qu'il savait posséder un certain ascendant sur lui, il comptait sur ça pour parvenir à ses fins. Encore que la folie de l'homme était si développée qu'il craignait perdre le contrôle. Et dans ce cas, il n'aurait d'autre choix que de l'abattre. Il ne voulait pas en arriver là.

- Ce que tu sais d'elle, ta capacité à pouvoir la retrouver où qu'elle se trouve, tout ceci font que tu représentes le plus grand danger qui soit pour elle. Si ses ennemis te retrouvent, tu seras contraint de les conduire à elle. Et ils la tueront.

Instinctivement, Borick s'était reculé, portant la paume de sa main sur le manche de son Zanpakutô. Il ne savait pas comment réagirait l'individu à cette remarque. Une remarque qui était proche de la réalité. Et s'il ne mentionnait pas le nom de ces ennemis - Espada et Grimmjow notamment - c'était seulement parce qu'il ne souhaitait pas le voir agir avec impudence.

- Tu dois préserver ce secret. N'en parler à personne ! Ils chercheront à t'attraper pour savoir où elle se trouve car tu es sa Fraccion. Mais si tu rejoins mon élite, si tu intègres l'Exequias, alors tu la sauveras. Tu es libre de choisir, Aleksi. Mais réfléchis vite ! Le te... Les choses pressent !

Inutile de refaire mention du temps qui passe, au vue de sa précédente réaction. Il était libre d'agir à sa guise. Mais Borick ne le laisserait jamais fuir. Pas avec ce qu'il savait de lui désormais.

Il se frappait toujours, la morve coulant de son nez humide s'ajoutant au chaos de ses doigts pour former des toiles arachnéennes peu ragoutantes. Mais cela prit fin à l'injonction subtile du Chef de l'Exequias, qui força simplement Aleksi grâce à ses mot à garder un stoïcisme de statue. Cet homme avait un pouvoir absolu sur l'Arrancar, et ses mots pouvaient tout aussi bien déclencher la tempête qu'initier un calme d'hiver enneigé. Un puissant pouvoir, à vrai dire, surtout si l'on parle beaucoup. A vrai dire, si le jeune homme tendit l'oreille vers son interlocuteur si illustre, c'était surtout parce qu'il l'avait ordonné. Il ne concevait pas que sa Maitresse puisse passer de vie à trépas, puisqu'il se considérait en son fort intérieur comme la seule personne capable de la ravager et de mettre un terme à son existence. C'était ça, ou le contraire de toute façon. Petit manquement à l'étiquette, il ne put cependant s'empêcher de répondre à son maitre, cherchant surtout à clarifier sa position par rapport au danger qu'encourait la Principessa.

- Personne ne trouve la Maitresssse, personne à par nous. C'est elle qui trouve, elle qui chasse. Aleksi chasse aussi, des fois. Ou il fait l'appât. Des fois il tue aussi. Beaucoup. Il joue avec la nourriture! C'est #ZAP# et voici mes conseils pour faireuh uneuh bonne sauce à l'estragong avé la crème #ZAP# ah tu l'aime ma grosse intelligence hein! Tu l'ai #ZAP# amusant.

En tout cas, il n'irait pas dire qu'il pouvait mentir quand au fait de retrouver sans peine la Chibiko. Tout simplement parce que l'idée ne lui venait même pas à l'esprit. D'où le danger dans lequel cette situation le mettait. Car il était bien loin d'un stratège. Autant qu'un fou peut l'être, en fait. Problème épineux qui fut réglé instantanément par l'injonction de parler à quiconque de ces faits, bien sûr ordonnée par l'Imperador himself. Et hop! On prend le disque dur, et on le bloque. Bon, fallait noter que le blond avait strictement mentionné "personne". Ce qui pourrait poser des problèmes pour la suite. Mais ça, il s'en rendrait compte par lui-même à un moment donné...

- Parler de quoi? De quoi il faut pas parler? Moi je sais pas de quoi vous parlez. J'essaie, on essaie, tous, oui, oui, mais rien ne vient. C'est le vide! Néant! Parler de quoi?!? Par...

D'un coup d'un seul, l'homme se jeta à genou, se servant de son élan formidable pour assener un magistral coup de tête dans le sol. Parfaitement parallèle au marbre, lors de l'impact, son visage s'écrasa sur la surface dans un plat retentissant, de même que ses rotules fracturaient le dallage. C'est réinitialisé, le visage craquelé, tel un masque d'argile fendu, qu'il releva les yeux vers son Maitre.



- Obéir. Protéger et servir le Maiiiitre. Exequias? Oui. Commando funéraire. On aime les funérailles! Parfait, parfait! #ZAP# L'ange de la Mort t'attends! #ZAP# ELLE EST MORTE MÉMÉ! #ZAP# ordonne et je ferais.

Il avait relevé un genou, laissant l'autre en terre en signe d'allégeance, sans pour autant s'empêcher de divaguer. Aujourd'hui, le Fou protégeait le Roi. Et ses déplacements diagonaux allaient mettre sans dessus dessous l'échiquier politique.

Déroutant. Perturbant. Aleksi était véritablement une créature à part et ce n'était certainement pas plus mal. Car s'il était difficile de tenir une discussion avec lui, Borick n'osait même pas s'imaginer la situation s'ils avaient été plus nombreux. En tout cas, il semblait comprendre ce que lui disait l'Exequias et c'était amplement suffisant pour le moment. Quoi que le doute puisse encore persister dans l'esprit de Borick : la Fraccion de l'ancienne Tercera faisait-il mine d'avoir oublié où se trouvait sa maîtresse ou bien l’information venait réellement d'être balayé de son esprit par l'injonction de son nouveau maître ? La question méritait d'être approfondie mais pas pour l'heure. Pour le moment, s'assurer que l'Alexandrov ne serait pas un danger pour Daestra primait encore. Et s'il y a une chose qu'il savait, c'est que l'on ne devait jamais parier sur le fou.

Alors que l'autre posait genou à terre, accédant ainsi à sa requête, une part de l'esprit d'El Emperador ne pouvait s'empêcher de douter du bien-fondé de sa demande. Sa décision paraissait être la plus à même de préserver encore quelque temps l'intégrité de la Principessa, l'un de ses atouts majeurs, mais cette solution ne risquait-elle pas d'être pire encore que le mal actuel ? Il était malheureusement trop tôt pour le savoir et la prise de risque était nécessaire, même pour un maître marionnettiste. Il ne doutait pourtant pas de la sincérité de la créature. Et si celle-ci avait survécu jusque-là, c'est qu'elle possédait d'indéniables talents. Oui... Le risque était grand. Mais le gain serait encore plus colossal encore.

Et ces dernières pensées firent apparaître un bien étrange sourire sur le visage angélique de l'Exequias. Grimmjow ne verrait aucun inconvénient à ce qu'il incorpore la créature à son armée. Et les autres ne comprendraient sans doute pas l'utilité du fou aux projets de Borick. Finalement, peut-être y avait-il quelque chose d'intéressant à tirer de la défection de Daestra. La course en avant était relancée. Grâce à un Arrancar dont personne ne suspectait l'importance. Grâce à Aleksi qui ne comprendrait lui-même certainement jamais à quel point il serait une pierre angulaire aux projets de celui qu'il considérait déjà comme son maître absolu.

- Relève-toi. Tu deviens dès aujourd'hui un membre à part entière de l'Exequias. Tes ordres seront toujours pris auprès de moi et il ne peut exister aucune exception, j'espère me faire bien comprendre. J'en informerai le Roi en personne afin que nul ne puisse t'atteindre sans encourir ma colère. Nous allons protéger la Principessa ainsi, jusqu'au jour où nos routes se retrouveront.

Grimmjow lui-même n’interférait jamais avec les simples membres de son unité, préférant voir directement avec El Emperador lorsqu'il en éprouvait la nécessité. Ainsi, personne ne mettrait la main sur cet atout si précieux sans son autorisation. Et les malheureux qui oseraient braver cet interdit seraient récompensés par une mise à mort prompte. D'ailleurs, la puissance de son nouveau guerrier équivalait largement à celle d'un Espada. Et cette simple constatation l'amusait terriblement. Ces créatures tatouées se croyaient au-dessus du peuple alors même que dans l'ombre, l'armée de Borick prenait de l'ampleur et de la puissance. Riez, pauvres fous. Tant que vous le pouvez encore !

- Si tu n'as rien d'autres à me dire, j'irai voir le Rey. Je ne peux que te conseiller de toujours te tenir prêt, Aleksi. Notre unité fait de l'ombre à l'Espada et certains d'entre eux sont suffisamment idiots pour tenter de t'approcher.