Seul. Le vent était fort aujourd'hui, comme si la nature savait ce qui allait se passer ici. Mais cette fois, ce n'était pas un mal que personne ne soit là pour l'assister. Combien de fois était-il venu dans cette plaine avant de devenir le Kenpachi ? Cet endroit avait vu naître le véritable Shinjirô. Cet endroit avait vu apparaître pour la première fois le Bankai du colosse. Et ce n'était pas sans raison s'il était venu ici, en ce jour. Il se sentait véritablement apaisé ici. Et il savait que quoi qu'il arrive, il ne pourrait blesser personne d'autre que lui-même. Ce qui en faisait la zone la plus à même d'accueillir sa colère. Une pierre qui se trouvait sur son chemin fut ainsi envoyé au loin d'un grand coup de pied.

Jusqu'à maintenant, jamais il n'avait ressenti cette impuissance qu'il avait perçue pendant son combat contre Mayuri, il y avait deux ans de cela. Les choses lui avaient échappés et il n'avait pas été en mesure de briser son ennemi. Tout du moins, pas sans se court-circuiter lui-même. Et pour le Kenpachi qu'il était, ce n'était pas concevable. Il était tombé, inconscient, après avoir emporté sous un déluge de coup le célèbre Mayuri. Mais à quoi bon vaincre si c'est pour sombrer ensuite ? A quoi bon être considéré comme le guerrier le plus terrifiant du Seireitei si c'est pour être K.O dès le premier combat ? Il y avait quelque chose à faire, forcément, et il ne pouvait se permettre d'être aussi faible. Bien entendu, personne ne le lui reprochait. Personne en dehors de lui. Et seul son avis comptait, évidemment. Mais avec l’émergence de ces Reapers, cette façon de vouloir les canaliser, Shinjirô ne se sentait plus maître de lui-même. Une situation qu'il ne pouvait pas accepté.

Autant de questions qui l'avaient poussée à revenir ici. Doucement, il avançait aux travers des gravats et des rochers, laissant son regard vagabonder d'impacts en impacts, tandis que ses souvenirs affluaient en masse. Il en avait bavé face à la véritable apparence de Kaimetsu. Mais il ne le regrettait pas, malgré ses incessantes bravades. Elle avait fait de lui le guerrier le plus terrible du Seireitei. Tout du moins y avait contribué. Mais pour ce qu'il souhaitait acquérir, il allait devoir se passer de son pouvoir. Il le savait. Il allait aussi devoir communier une fois encore avec son âme sœur. Là se trouvait la partie la plus délicate de l'équation. Mais quel autre choix avait-il ?

Il s'arrêta finalement à l'endroit qui semblait être le centre de cette plaine, à peu de chose près. Il fit alors basculer sa lame devant lui, fixant son attention sur cette dernière, y transférant par pensée ce qu'il désirait. Elle était réceptive, il le savait. Mais restait muette en permanence, ne s'adressant à lui que lorsqu'il regagnait ce royaume intérieur. Où régnait en maître Kaimetsu, le Géant guerrier. D'un geste, il planta la lame dans le sol, laissant celle-ci s'enfoncer d'une bonne moitié. Puis, ôtant le Haori qu'il portait, il se posa face à Kaimetsu, assis à même la terre, plongeant son regard dans son reflet. Il était prêt. Prêt à se lancer dans cette étrange aventure. Lentement, il ferma les yeux. Il n'était pas doué pour le Jinzen mais savait comment s'y prendre tout de même. Il ressentait plus qu'à l'ordinaire l'aura de Kaimetsu. Il focalisa son attention dessus. Alors, au plus profond de son âme, une lueur apparut. Et le happa.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il se trouvait là où il souhaitait être. L'immense champ de bataille se dressait là, devant ses yeux, avec son lot de corps, d'armes et de sang. Jusque dans l'odeur qu'il percevait, la guerre était présente. Là, au travers de la brume, se dressait le trône de Kyojin Kaimetsu, véritable nom de son Zanpakutô. Une apparence qui n'était pas celle déployée dans le monde véritable. Et pour cause : Kyojin Kaimetsu était un géant, un titan de l'ancien Royaume. Dieu de la guerre. Il le regardait avec amusement. Les yeux de ce titan traversaient la brume naissante. Il pouvait lire dans les émotions de son porteur. Et s'il l'avait accepté comme maître, il n'en restait pas moins toujours enclin à le défier. Un grondement secoua la terre alors que Shinjirô se rapprochait de lui. Ce n'était pas un tremblement, seulement le rire de Kaimetsu qui se délectait des raisons ayant poussées Shinjirô à venir à lui.

- Eh bien, eh bien ! Tu ne viens pas souvent à moi, mon petit bonhomme ! Ce spectacle te manquait ?

D'un geste du bras, il désignait l'étendue qui se dressait face à lui. Ce simple mouvement souleva une bourrasque qui fit reculer Shinjirô d'un pas. Ici, il n'était pas le Colosse Argenté. Pas vraiment. Mais il n'était pas là pour jouer. Crachant au sol, il jeta un regard emplit de défi à la créature titanesque qui le regardait de haut.

- Garde tes plaisanteries à la con pour toi ! Tu sais très bien pourquoi je suis là. Tu l'as combattu, comme moi. Tu l'as vu au travers de moi ! J'ai besoin de plus... Tu sais ce que je suis venu chercher !

- Oui, je le sais. Kamigami no ishi, l'Aura des dieux. Mais es-tu prêt à posséder une telle force ? Je ne t'en crois pas capable, Shinjirô.

L'aura des Dieux. Ce pouvoir était connu de Shinjirô pour la simple et bonne raison qu'il l'avait affronté. Le manteau de Reiatsu qui enveloppait Kaimetsu quand il se battait, tel était ce don. Il savait s'en servir sur une ou deux attaques mais guère plus. Il s'agissait là de l'héritage de son Zanpakutô. Il tirait son essence de ce véritable pouvoir. Plus que la manipulation des ondes magnétiques, plus encore que les séismes qui en découlaient. La véritable force de Shinjirô, c'était cette technique absolue. Car il s'agissait là du secret qui permettait à son sabre de garder sa forme Shikai en permanence. Le symbole de la force destructrice du colosse. Poings serrés, il adressa cette dernière bravade à la créature. Il ne partirait pas sans avoir l'essence divine à portée de main.

- Alors mets-moi au défi ! N'importe lequel. Et je le relèverais. Tu me croyais incapable aussi de te maîtriser, t'as oublié ? Et aujourd'hui, je suis ton maître !

Le géant se leva de son siège, descendant les marches en pierres qui se trouvaient sous le trône. Au moment où son pied atteignit le sol, une large fissure s'ouvrit devant lui, rapidement suivi par d'autres, plus petites mais toujours plus nombreuses. Il poussa un terrible grognement qui montrait clairement une chose : il n'appréciait pas le ton du Kiryû. Deux nouveaux pas... La fissure gagnait de l'ampleur. Des failles s'ouvrirent tout autour de Shinjirô. Une aura argentée enveloppait désormais l'intégralité du corps de ce titan. Voilà ce qu'était l'essence divine. Cette aura que Shinjirô ne parvenait à manipuler que l'espace d'un bref instant sur terre. Mais aujourd'hui, il devait apprendre à manipuler cette énergie pour qu'elle reste en permanence à sa disposition.

- Ne déclenche pas ma colère, gamin. Ou je te briserais. Mais si tu veux obtenir ce pouvoir, alors passe ce test. Et nous verrons ensuite !

Rapide comme l'éclair, il abattit sa main contre le sol. L'onde acheva de briser les dernières parcelles de terre qui tenaient encore. Et le bloc sur lequel se trouvait Shinjirô sombra dans les abysses de ce monde. La chute fit si soudaine, si rapide, que le corps du colosse fut plaqué au sol. Les roches pleuvaient par centaine autour de lui, toutes ayant la même destination. Impact il y eut. Et la violence de ce dernier envoya projeter Shinjirô au sol. Il perdit connaissance...

Combien de temps fut-il inconscient ? Il n'en eut pas la moindre idée. Mais lorsqu’il reprit connaissance, il sentit qu'il n'était pas indemne. Il prit quelques minutes avant de se relever, remerciant sa forte résistance pour lui avoir permis de survivre à une telle chute. Kaimetsu n'y avait pas été de main morte mais semblait avoir accepté le test. L'Aura des Dieux était à portée de main, encore fallait-il qu'il passe cette épreuve. Mais quelle était-elle ? Pour l'heure, il n'en savait rien. Ce qu'il constatait néanmoins, c'était l'absence de son sabre. Bien sûr, il s'en doutait mais c'était toujours étrange pour lui de sentir ce vide. Le paysage qui se dressait face à lui n'était pas sans lui rappeler ce qui se trouvait sur Terre. Il se trouvait au milieu d'une forêt où la verdure s'étendait à perte de vue. Au loin, il percevait le bruit de l'eau qui s'écrasait sur quelque chose. Cascade ? Rivière ? Il n'en savait rien. Levant les yeux au ciel, le passage qu'il avait emprunté pour arriver ici était déjà refermé. Il était encore dans son monde intérieur, c'était une évidence. Mais jamais encore il n'avait été confronté à un tel changement. En dehors de ça, il n'y avait rien. Rien du tout.

Ce qu'il devait faire pour obtenir son Bankai, à l'époque, il l'avait su d'instinct. Mais là, rien. Pas d'indice, pas d'ennemi logique. Il prit sur lui de ne pas s'agacer. Même s'il avait une envie soudaine d'insulter Kaimetsu. Le titan n'avait rien dit, se contentant de le projeter ici. Lorsqu'il lui remettrait la main dessus, il lui dirait deux ou trois mots bien sentis. Puisqu'il n'y avait rien, il avancerait. Son problème majoritaire, évidemment, était sa totale incapacité à percevoir les auras spirituelles. Sans quoi, il aurait perçu qu'on le suivait.

Se fiant au son, il remonta la piste qui semblait conduire à ce bruit d'eau. La verdure foisonnante ne permettait pas au colosse de traverser la zone très facilement, l'obligeant à écarter les lianes, branches et autres obstacles qui se dressaient face à lui. Et à mesure qu'il avançait, sa colère grandissait. Que foutait-il-il là, bon sang ! Alors qu'il écartait d'un coup de poing rageur un énième tronc qui se trouvait là, projetant au passage les copeaux dans toutes les directions, la cascade apparut devant ses yeux. Même lui, qui n'était pas pourtant porté sur les énergies, il ressentit que cet endroit était particulier. Il s'avança au milieu de cette étrange clairière, ne parvenant pas à détacher le regard des magnifiques roches qui s'élevaient haut dans le ciel, tandis qu'un véritable torrent d'eau tombait de l'extrémité de cette cascade sans discontinuer, déversant des tonnes de litres dans ce qui semblait être une rivière. Le courant semblait fort et de la brume se formait aux pieds des parois. Se rapprochant plus encore du rebord, il ressentait que cette eau n'avait rien de naturel. Il perçut plus en aval une sorte de barrage gigantesque qui retenait cette eau. Il perçut d'instinct que ce barrage n'avait pas lieu d'être. Qu'il était contre nature.

Son regard se porta de nouveau sur l'eau face à lui. C'était du Reiatsu, à l'état pur. Une source perpétuelle, terriblement puissante. Mais alors qu'il se penchait pour y plonger la main, il ressentit le choc. On venait de le frapper. Un coup si fort qu'il en fut projeté plusieurs mètres en arrière. Là où précédemment, il n'y avait encore personne, des dizaines de silhouettes sortirent de derrière les arbres. Et à l'endroit exact où il s'était tenu quelques secondes auparavant se trouvait désormais un homme. Shinjirô se releva, portant sa main à l'épaule. Il avait eu mal. Vraiment mal. Alors qu'il n'avait reçu qu'un unique coup. Ce n'était ni courant, ni normal pour lui. Son regard parcourut rapidement les personnes qui venaient d'apparaître, évaluant ses chances de s'en sortir face à eux. L'homme face à la cascade prit alors la parole. De cette même voix qu'il connaissait tant. Celle de Kaimetsu...

- Tu te trouves au coeur de ton véritable monde. Même toi, tu as du comprendre ce que c'était que ça ! Il désignait la cascade. La source de ton pouvoir. L'essence même qui fait de toi un Shinigami. C'est également de là que je tire ma force et ma capacité à rester sous forme Shikai.

Les questions se bousculaient dans sa tête. S'il comprenait bien, ce qu'il avait toujours considéré comme son monde intérieur, ce monde de désolation et de morts, cette terre de guerre où se trouvait le titan Kaimetsu, n'était en réalité qu'une façade ? Et ce gars était donc la forme véritable de Kaimetsu ? L'entité face à lui se mit à sourire, comme si elle lisait dans ses pensées.

- Oui et non, Shinjirô. Ma véritable forme est exactement celle que tu vois lorsque tu viens à moi. Mais ici, nous sommes au point d'origine. Ta force entière est représentée par cette cascade. Ici, je ne suis qu'un simple observateur. Il m'est plus facile de revêtir cette forme. Eux par contre... Ils en sont les gardiens. Comprends-tu ?

Un courant d'air se leva et les silhouettes derrière lui disparurent pour réapparaître le long de la berge. Ils bloquaient désormais complétement l'accès à ce point d'eau. Mais évidemment, Shinjirô ne comprenait pas tout...

- Très franchement, pas trop mon pote ! Bon OK, toi t'es là pour m'observer. Ce truc-là, c'est la source de ma force. Bizarre mais pourquoi pas. Mais eux, des gardiens ? Sans déconner, gardien de quoi si c'est ma force à moi ? Tu m'embrouilles !

Il se massait les tempes, comme si son cerveau venait d'être soumis à un test difficile. La représentation de Kaimetsu secoua la tête, en souriant. Il le connaissait parfaitement. Sa réaction ne le surprenait donc pas. Il allait devoir s'expliquer un peu plus longuement. Là où un autre aurait sans doute déjà fait le rapprochement. Mais en un sens, il était fier de ce colosse. Car les Shinigamis qui atteignaient cette seconde "entrée" dans leur esprit étaient excessivement rares.

- Tu as vu ce barrage, n'est-ce pas ? Il est là pour éviter à ton corps d'être débordé par la puissance qui s'écoule en toi. Lorsque tu fais appel à ce pouvoir supplémentaire, le barrage libère une parcelle de ce dernier. Ce qui te donne cette aura, cette force. Et ces gardiens sont là pour éviter qu'il y ait un afflux trop important. Pour éviter de te saborder tout seul avec cette force destructrice. Ton corps n'est pas prêt à en subir les conséquences, vois-tu. Ce sont des défenses érigées par ton esprit. Et le seul moyen que tu as d'obtenir le Kamigami no Ishi, c'est de vaincre ces défenses et de détruire ce bar...

Mais avant qu'il ne puisse terminer son explication, le colosse se rua en avant, un immense sourire aux lèvres. La synthèse s'était faite d'elle-même dans son crâne : tu butes les gardiens, tu tapes le barrage et t'es fort. Résumé simpliste mais il n'avait besoin de rien d'autres. Il poussa un rugissement terrible alors qu'il atteignait les premiers hommes.

- Trop faciiiiiiiiiiiiiiile !

Mais son poing fut stoppé en pleine course par l'un des hommes. D'un mouvement, ce dernier le fit basculer par-dessus lui. Un second se projeta alors vers le colosse, le frappant du poing en pleine poitrine. L'onde qui en résulta projeta le Kiryû au sol facilement. Ce dernier en eut le souffle coupé et il lui fallut quelques secondes pour s'en remettre. Il n'avait pas retenu son coup... Et avait été si aisément repoussé. Quelque chose clochait. Jamais personne n'avait soutenu réellement la comparaison face à lui en Hakuda pur. Et là, il venait d'être balayé par un seul homme.

- Tu n'as pas écouté ? Ces gardiens ont été créés par ton esprit. Ils sont bien plus fort que tu ne l'es pour le moment. Il te faut autre chose que de simplement cogner.

- Mon cul ouais ! T'as toujours pas compris depuis le temps, tête de pioche ? Y'a rien de plus important que la force brute. Rien ! Ils sont forts ? J'm'en branle. J'vais les péter en deux et j'vais récupérer ce qui est à moi. Mon corps peut pas survivre si je pète ce putain de barrage ? Tu m'as pris pour qui ? J'VAIS TE MONTRER MOI, QUI J'SUIS !!!!!!!!!!

Et il se rua de nouveau vers eux. Deux des gardiens s'interposèrent. Mais la silhouette de Kaimetsu se mit à sourire. Les propos de Shinjirô lui faisaient écho. Une aura argentée enveloppa le corps du colosse. Et Kaimetsu murmura ces quelques mots, à lui-même...

- Toujours aussi buté, mon ami. Mais c'est ce qui fait ta force... Avance donc et montre-moi que tu peux obtenir ce sésame.

L'attaque fut foudroyante. Mais inutile. Alors qu'il parvenait à prendre le dessus sur le premier, portant de terribles coups, le second intervint et le repoussa en arrière. Affronter deux adversaires ne le gênait pas. Néanmoins ils frappaient forts et savaient où cogner pour prendre le dessus. Il fut repoussé alors qu'il n'affrontait que deux individus sur la dizaine présente. Les choses débutaient mal. S'essuyant le visage d'un revers de la main - l'un des coups lui avait fendu la lèvre - il cracha au sol et tenta de se vider le crâne. Agir impulsivement ne lui ferait pas gagner cette bataille, il le devinait. Jamais il n'avait ignoré son instinct. Et ce dernier lui disait de prendre son temps, pour une fois. Il reprit alors sa traditionnelle posture de combat, une garde haute, les jambes légèrement arquées, prêt à se lancer de nouveau dans la bataille. Mais il n'en fit rien. Il observait.

Les minutes passèrent. Et il ne bronchait pas. Mais eux non plus. Il comprit alors que le but de ces créatures était simplement de lui empêcher l'accès à cette rivière. Selon Kaimetsu, qui l'observait du haut de son promontoire, il s'agissait d'une défense naturelle de son corps pour lui éviter de se laisser déborder par sa propre force. Ce qui expliquait que ces gardiens soient aussi forts que lui. Et qu'ils devinent ses actions. Seuls deux êtres étaient avancés, les autres fermaient les yeux, bras croisés, longeant la source de son pouvoir. S'il vainquait les deux premiers, nul doute qu'il aurait les autres sur la tronche juste après. Et s'il avait déjà du mal à abattre ces deux-là, il n'aurait alors aucune chance face à ces types. Sauf à faire appel à son pouvoir ultime. Et c'était là que le problème majoritaire se posait.

S'il avait cherché à atteindre ce pouvoir, c'était précisément parce qu'il ne parvenait pas à rester debout après l'utilisation de sa technique la plus terrible. Mais quelle autre chance avait-il sans ça ? Non, il devait attendre. Il devait se rapprocher, abattre ses ennemis et atteindre son objectif. Il fit un pas. Les deux se mirent une fois encore en opposition. Mais cette fois, il ne se jeta pas en avant. Ici, son pouvoir ne lui était d'aucune utilité, et pour cause : Kaimetsu était là, debout derrière ces gardiens, à observer la scène. Il n'interviendrait pas. Ni en sa faveur, ni pour l'empêcher de détruire le barrage en contrebas. Bien solide sur ses jambes, Kiryû refit un pas. Sentant le danger, le premier soldat se rua vers lui. Mais cette fois, sans se précipiter, il laissa ses talents au corps à corps prendre le dessus.

Esquives. Petit pas sur le côté. Monstrueux direct en plein plexus. L'assaut ne dura que quelques secondes mais l'impact entre le poing du géant et son adversaire fut terrible : le corps de sa cible se brisa. Mais ce qui suivit surprit le colosse... Plutôt que de se relever et de poursuivre le combat, le corps ennemi se changea en énergie pure pour être complétement assimilée par le corps du colosse. Un regain d'énergie le prit et quelques-unes de ses blessures précédentes se refermèrent. D'abord étonné, il reporta son attention sur le second adversaire direct, constatant dans le même temps que les autres avaient également fait un pas supplémentaire. L'addition fut simple : détruire, gagner de la puissance, détruire encore plus. Il éclata alors de rire. Il pouvait le faire.

Il repartit à l'attaque. Il ne se rendit même pas compte que son corps luisait d'une étrange lueur argentée. Le second, sur ses gardes, parvint à l'atteindre à plusieurs reprises. Mais il tenait bon, cherchant la faille dans cette défense. Il l'a trouva plus tardivement qu'il ne l'avait espéré. Mais l'essentiel était là. L'autre frappa fort en direction de son visage. Le colosse eut le bon réflexe : il mit son corps en opposition et de la main, il stoppa le poing ennemi. Immédiatement, il projeta son propre corps afin de se donner plus de vitesse. L'ennemi fut soulevé du sol. Et avec une force énorme, il envoya ce poids contre un rocher à proximité. Comme le premier, il se disloqua pour venir grandir les réserves du géant. Mais les autres sortirent de leur torpeur.

- Tous en même temps, hein ? On va s'marrer les mecs !

Ils se jetèrent tous comme un seul homme. Un enchevêtrement de jambes et de bras. Un combat titanesque où le corps du colosse subissait de terribles dommages. Il savait que ce serait difficile. Il n'était pas pour autant inactif. Ses coups portaient. Et alors que la bataille faisait rage, il s'aperçut que quelques-uns de ses ennemis disparaissaient sous ses attaques. Il encaissait beaucoup mais sa résistance était sa plus grande force. Cela avait toujours été le cas. Eux l'étaient beaucoup moins. Focalisé comme il l'était par son propre combat, il ne perçut pas le changement majeur qui s'opérait en lui. Et sur l'apparence terrestre de son sabre.

Kaimetsu restait immobile. Mais alors que Shinjirô absorbait peu à peu l'énergie de ceux qu'il parvenait à vaincre, faisant grandir cette aura argentée autour de lui, la présence de Kaimetsu perdait de son éclat. Il avait fermé les yeux et peu à peu, son corps s’effaçait. Ce qui ne l'empêchait pas lui aussi de sourire. Il ne restait que trois ou quatre de ces corps de défense. Mais la fatigue était désormais grande pour le Kenpachi. Ses muscles endoloris et les coups qu'il avait pris ne lui laissait pas le loisir de courir tout autour de la zone pour esquiver. Aussi dangereux que cela puisse lui paraître, il arrêta sa décision. Il se recula d'un pas. Puis de deux. Et dressa son poing face à lui. La sueur perlait sur son visage, se mêlant au sang.

- Pas le choix... Hrungnir !

L'aura ténue qui l'avait enveloppé précédemment explosa littéralement, libérant une onde de choc terrible qui fit reculer les adversaires qu'il avait. Autour de son poing se rassemblait sa force - toute sa force. Et dans son dos, ce manteau de Reiatsu semblait former l'apparence d'un titan. D'un bond, Shinjirô fusa vers l'avant. Et il frappa. Une fois. Une unique fois. Mais l'énergie accumulée libéra une explosion. Les corps furent soufflés par cette force brute tandis que le corps du Kenpachi atterrissait au sol, près de la rivière. L'énergie des derniers survivants, plutôt que de venir accroitre la réserve de Shinjirô, se mêlèrent aux flots tumultueux. Sous la puissance de l'onde, le barrage en aval se fissura à plusieurs endroits. Un craquement sourd se fit entendre alors que ce monde artificiel commençait à trembler à son tour, secouant Kiryû. Mais le colosse ne pouvait plus se relever. Il était une fois encore face à sa faiblesse. Incapable d'agir après avoir porté un coup comme celui-ci.

La silhouette désormais fantomatique de Kaimetsu se matérialisa près de lui, posant une main translucide sur l'épaule de son âme sœur. Aussitôt, Kiryû se sentit ragaillardi. Pas au point de se lever mais au moins de prêter attention à son sabre. Ce dernier pointa alors du doigt le barrage. Les fissures étaient désormais plus grandes et ne cessaient de gagner du terrain sur l’édifice. Même Shinjirô pouvait comprendre qu'il ne manquait pas grand-chose pour l'abattre. Mais comment faire ? Comment faire sans énergie ? Il grogna.

- Tu as réussi à abattre ces gardiens. Et à fissurer ce barrage qui retient ta force, Shinjirô. Je ne te croyais pas capable d'atteindre à un tel résultat. Je me suis trompé sur toi, mon vieil ami. Permets-moi alors de t'offrir cet ultime cadeau. Un gage de ma confiance, si tu préfères.

Se redressant, le fantôme fit un simple geste de la main en direction du barrage avant de se dissiper complétement. L'eau de la rivière enfla, le courant se fit plus rapide. Et alors que le colosse observait al scène sans comprendre, une vague se forma pour aller s'écraser contre l'édifice plus que fragile. Le résultat ne se fit pas attendre. Il fut emporté par les flots. Son monde cessa de trembler. Mais les flots, retenus depuis des siècles par cette barrière, se déversèrent sur les terres, engloutissant avec force et rage ce qui se dressait autour de la berge. Reprenant possession de ce monde qui lui appartenait, en réalité. Et alors qu'il allait être emporté par ce courant, quelque chose se passa.

Le corps du colosse se dissipa à son tour. Pour aller regagner son corps d'origine. Il ouvrit les yeux et chancela. Posant sa main sur son crâne, il fit la grimace. Son corps avait mal. Très mal. Ses yeux se posèrent sur la lame face à lui. Et il ne put s'empêcher de sourire. Puis d'éclater de rire. Trop faible, pourtant, il se laissa tomber dos au sol, braquant son regard dans les cieux. Il sentait que quelque chose s'était brisée en lui. Il était... Différent. Plus serein, plu fort aussi. Son être dégageait cette force terrible. Implacable. Etait-il enfin devenu le véritable Kenpachi comme il cherchait à l’être depuis tant de génération ? Le temps seul le dirait. Mais le colosse était désormais fier et serein. Mort de fatigue, il ferma les yeux. Pour s'endormir. Un bref instant, avant de se laisser porter par le sommeil, il entendit ces quelques mots dans son esprit. Kaimetsu...

- Tu es désormais un véritable Dieu de la Guerre, mon ami.

Fin du rp