Les divisions du Goteï 13 ne se démarquaient généralement pas par leur sens de l’hospitalité. Organisés en compagnies militaires autonomes, presque indépendantes, les 13 divisions vivaient dans une quasi autarcie qui ne tolérait que rarement l’introduction d’éléments étrangers et intrusifs. Les Divisions ne partageaient des liens que par l’intermédiaire de leurs capitaines respectifs, et si ce n’était le ciment qu’imposait d’une main de fer le Capitaine Commandant à cette fondation fragile rien n’empêchait l’apparition de heurts. Ceci n’était pas le cas de la Quatrième Division où en sa qualité d’officier affecté à une « opération de liaison », elle avait dû s’habituer à l’usage de termes officiels, on avait toléré sa présence allongée au sein des lieux. « Tolérer ». Le mot avait été utilisé davantage pour garder la face, à dire vrai Kai doutait sérieusement que quiconque ici eu le cran de l’impolitesse pour lui demander de partir. Non que personne n’en eut été capable, la vice-capitaine avait suffisamment entendu parler de la furie qu’était son homologue de cette division, mais l’ambiance des lieux ne prêtaient guère à cette idée. L’endroit poussait à aspirer à la retraite et à la méditation. Véritable oasis de calme et de paix au milieu de l’agitation martial et grouillante propre au Seireitei, les quartiers de la Quatrième Division du Goteï 13 imposaient leur marque particulière.

Il y régnait une atmosphère saine et soigné que l’on pouvait sentir dans l’air : tout y semblait plus pur et plus immaculé. Un trait que l’on devait sans doute aux mains affairés des membres de la Division que l’on voyait ici et là s’occuper à diverses tâches ménagères. Le balai et la serpillère apparaissaient ici comme un équipement plus fréquent que le port du zanpakutô, un trait que releva la jeune vice-capitaine de la Seconde Division non sans une certaine dérision. Peu prompt à émettre des jugements hâtifs ou à embrasser les préjugés, Kai pouvait néanmoins remarquer l’ardeur que mettait les membres de cette division à s’occuper de tout sauf à exercer leurs talents martiaux. La réputation de cette division s'avérait pour le moment en bonne voie de se voir confirmer. Une division de faibles potentiels, déguisant derrière leur rôle de « soutient au combat » une faiblesse intrinsèque qui se reflétait chez chacun de ses membres incapable de tenir une place efficiente sur un champ de bataille. Duperie. La réalité était infiniment plus subtil comme pouvait le deviner Kai de ses observations. Les membres de la Quatrième Division étaient parfaitement formés pour leur rôle qui leur était attribué, ni plus ni moins. L’ensemble des tâches qui leurs étaient attribués avaient beau être ingrates ces dernières étaient accomplis avec une célérité, une efficacité et une discipline proprement militaire caractéristique d’une division du Goteï. En tant que membre des Forces Spéciales la vice-capitaine savait parfaitement que ceux qui accomplissaient le travail le moins reluisant, et souvent le plus utile, recevait davantage le mépris que les louanges.

La quatrième division paraissait cependant trouver une forme de fierté à prendre à bras le corps le fardeau de leur office rebutant mais essentiel. Peu habituée à vadrouiller aussi librement et de façon aussi insouciante au sein des quartiers d’une division étrangère, la vice-capitaine de la Seconde Division relevait l’état incapable des casernements et des stations de secours. Gigantesque fourmilière en ébullition constante, le tout s’organisait en un ballet parfaitement orchestré où chaque élément trouvait sa place dans une gigantesque horlogerie humaine. Du haut de son perchoir Kai, dissimulée par habitude dans l’ombre du toit d’un bâtiment, embrassait cette vision d’un œil acéré. Elle pouvait apprécier le degré d’organisation qui correspondait d’une certaine manière à celui de sa division, à la différence fondamentale que les membres de cette division sauvaient des vies tandis qu’elle-même et ses subordonnées se chargeaient de les abréger. Il était surprenant de voir avec quelle efficacité ils parvenaient à maintenir le fonctionnement des lieux en dépit de l’instabilité régnante à la tête de leur division. La jeune femme avait eu son content d’observations et elle s’esquiva sans un bruit de sa position, un pas de shunpô la ramenant au milieu du flot mouvant des larges croisées des quartiers. Ignorant les regards craintifs et interrogateurs qui pesaient sur sa personne, Kai gagna un lieu plus tranquille. Elle avait besoin de méditer ce qu’elle avait vu ici, si la Seconde Division comptait accueillir en ses rangs des éléments des équipes médicales elle voulait au moins se faire sa propre opinion. Une opinion qu’elle prendrait sûrement le soin de partager avec son capitaine, si tenté que celui-ci se montrerait intéressé.

L’intimité et le mépris cordial qui régnait entre les membres de la 11eme division et les soigneurs de la quatrième était chose connue, or Kai n’était pas sans ignorer l’ancienne allégeance du Vif-Argent. Cela ne l’avait pourtant pas empêché de faire appel à eux cependant. Preuve que quelque part il leur reconnaissait des qualités. La shinigami gagna un terrain dégagé où figuraient des mannequins d’entraînement : pantins de bois prompt à prendre les coups et réticents à riposter. Certains tombaient en ruines, davantage par l’effet du temps que celui d’un exercice intensif. D’autres portaient néanmoins des marques de coup de sabre, assez récent de ce qu’elle pouvait en juger, nota la vice-capitaine en passant la main sur le bois grossier du mannequin pour se piquer les doigts sur une écharde. Elle se plaça face à la cible de bois et d’un geste et fluide libéra son zanpakutô de son fourreau pour frapper d’un coup d’estoc dans le même mouvement. Le tranchant glissa aisément sur le torse insensible dans une diagonale parfaite et la jeune femme rengaina la lame. Son mouvement exécuté et la moitié supérieure du mannequin tombait au sol dans un bruit mat. Le bois devait sans doute être déjà pourri se dit Kai en poussant du pied le reste de son infortunée victime. Elle se hérissa soudain, ses nerfs tendus en même temps que ses muscles et elle se retourna la main sur la garde de son trancheur d’âme, prête à agir. Elle plissa les yeux en voyant le personnage qui venait dans sa direction, précisément il était venu dans son dos. Et cette pensée était en soit suffisamment inconfortable pour un membre des Forces Spéciales pour qu’il sente le besoin de montrer les crocs.

Kai préféra opter pour son attitude froide habituelle pour se montrer plus diplomate. Sans doute ce que l’on attendait d’elle.

-Est-ce là une habitude des membres de la Quatrième Division d’arriver par un angle mort sans prévenir ? De là où je viens cela peut être interprété d’une façon bien particulière.

Dit-elle avec de la glace dans la voix.