- Nouvelles créatures ? Vous d'vez parler des Vizards...

Nonchalamment allongé sur une dune de sable, Salvador fit signe à son interlocuteur de continuer. Ce dernier, une sorte de grande mante religieuse squelettique dont le torse était creusé d'un trou béant, avait des allures et des proportions de géant comparé au minuscule enfant qui l'écoutait. Pourtant, une véritable sueur froide coulait le long de l'armature osseuse qui protégeait l'Adjuchas alors que le mioche en costume semblait parfaitement serein.

- Vous d'vez vous d'mander qui sont ces Vizards. Pour être franc, j'm'y connais pas vraiment. À c'qui paraît, ce seraient d'anciens Shingamis qui auraient mutés, 'fin quelque chose com'ça..
- Intéressant. Et tu dis qu'il y en aurait à Las Noches ? Mais comment un cancrelat comme toi peut-il bien le savoir?

Salvador venait de poser cette question d'une voix détachée, sans la moindre animosité, comme s'il s'agissait du simple constat que peut faire un chirurgien à son patient lorsqu'il lui annonce sa mort prochaine. L'intonation de sa voix appelait à une réponse claire et nette dont dépendait directement la vie de l'Adjuchas. Autant dire que ce dernier déglutissait avec peine.

- Ahem, j'en ai vu un l'aut' jour qui s'exerçait dans le Yermo, aux alentours du palais. Même si j'suis resté à une distance raisonnable, j'ai pu reconnaître l'apparence singulière d'ces salopards qui ont tué mon frangin ! Il y a des Vizards également chez les Shinigamis et c'est l'un d'eux, alors que Jack s'amusait dans le monde des...
- Stop. Bien que j'ai l'éternité devant moi, tes divagations à propos de ton frère ne m'intéresse pas. Dis-m'en plus quant aux pouvoirs de ces... Vizards.
- Ben... Comment dire... J'sais pas.

L'être gigantesque sembla tenter de se tasser sur lui-même, comme un oisillon en proie à la peur qui tente de se dissimuler à la vue d'un prédateur. Jouant le rôle du condamné à mort, la tête placée sur le billot, il attendait que la sentence tombe et, avec elle, que s'achève son existence.

Tel n'en fut pas le cas. Salvador pouvait se montrer cruel, certes, mais il lui arrivait également de faire acte de clémence, surtout lorsque l'un de ses informateurs lui apprenait des choses intéressantes. Sans dire un seul mot, il se leva et passa à côté de la créature tremblante dans le silence le plus absolu. La vérité était une vertu qu'il appréciait, et l'Adjuchas s'était montré franc. De plus, il détestait perdre son temps et, en tentant de mentir, en faussant les informations données, l'Adjuchas aurait pu en faire perdre énormément à l'ancien Vasto Lorde. Ainsi, en relâchant dans la nature ce petit poisson terrorisé, Salvador se doutait qu'il n'allait pas tarder à obtenir une réponse fiable à ses questions.

En effet, le frère de Jack allait sans doute demander des informations à ses confrères Adjuchas, pour éviter de se retrouver démuni lors d'une nouvelle confrontation avec l'enfant millénaire. C'était comme ça qu'agissait la moitié des anciens informateurs de ce dernier. Quant à l'autre moitié, elle avait connu la mort avant même d'avoir pu maudire leur manque de sagacité ou leurs recherches infructueuses.

Tandis qu'il progressait parmi les dunes, Salvador se plongea dans ses pensées : il fallait au plus vite qu'il mette la main sur un Vizard, afin d'obtenir des réponses à ses questions. Bien que connu pour sa patience, ce nouveau facteur à prendre en compte dans la hiérarchie du pouvoir l'excitait tant et si bien qu'il accaparait tout son esprit.

Justement, comme si le destin avait décidé de réaliser ses fantasmes, le jeune garçon vit une silhouette humanoïde se détacher de l'horizon : il ne pouvait s'agir que d'un Arrancar ou d'un Vizard. Et, rien qu'à l'idée que cette deuxième possibilité puisse être vraie, le cœur de l'Arrancar bondit dans sa poitrine. Enfin, façon de parler.

Assis à la cool sur une dune de sable, Logan était serein. Il contemplait ce nouveau monde avec admiration, comme s'il s'était finalement toujours senti chez lui. Dans la plupart des cas, l'insertion au Hueco Mundo ne devait pas être aussi simple. Déjà, il fallait supporter cette nuit éternelle qui ne laissait jamais sa place à la lumière. Pour vivre dans les ténèbres, y être né était un plus indéniable et le blondinet savait très bien qu'il ne serait jamais autant à l'aise qu'eux. Lui-même avait eu beaucoup de mal à accepter ce changement au début, en revanche, la partie sombre qui sommeillait en lui, son côté hollow donc, lui permettait de ne pas ressentir les effets pernicieux de cette terre. En tant qu'exilé, il possédait une grande connaissance sur les trois mondes, et chaque environnement apportait un plus qu'il appréciait. Tant de philosophie et nostalgie n'étaient pas dans la nature du dragueur habituellement. Une soudaine méditation qui tenait plus d'un défaut de pouvoir faire autre chose que d'une véritable envie.

La vraie raison de sa présence ici n'avait rien d'anodin, ou plutôt si. Logan est ce que l'on appelle un intuitif, ce qui lui vaut parfois de se retrouver à des endroits hasardeux sans qu'il ne l'ait vraiment cherché. Si le Huecu Mundo possédait des avantages incontestables, il disposait aussi d'un gros souci... Pourquoi aucune indication n’informait le chemin à prendre pour rejoindre Las Noches ?! L'homme à la longue chevelure c'était en effet paumé en plein désert alors qu'il suivait une jeune femme en scred. Au départ tout, s'était bien passé, il était à deux doigts de l'accoster lorsqu’une rafale de vent l'interrompit dans sa chasse à la gazelle. Résultat, mini-tempête de sable qui gâche tout ; deuxième résultat, perte de la jolie brune qui en a profité pour disparaitre à l'improviste. Quel destin cruel ! Et dire que c'était la troisième fois de la semaine qu'il se paumait aussi maladroitement, et trois fois qu'il recommençait les mêmes bourdes. On peut appeler ça comme on veut, de l'absurdité, de la perversité obsessive, d'une connerie ultime sans bornes, lui qualifiait ça de détermination divine. Bon, chacun utilise les mots qu'il préfère, en fin de compte l'important, c'est qu'il y croyait. Depuis sa perte totale d'orientation, il avait bien essayé de prendre une direction au pif, mais plus il avançait, plus il s'était retrouvé confronté à des Hollows sauvages. Ces enfoirés l'avaient agressé sans aucune raison valable, alors il s'est défendu comme tout homme digne de ce nom. M'enfin bon, est-ce que c'était valable pour lui tomber dessus comme ça ? Certaines personnes manquent encore cruellement de swag.

Au bout du compte, il se décida finalement à bouger son cul lorsqu'il vit une sorte d'animal. OK, c'était pas une femme et l'animal qu'il prenait pour tel était en fait un énorme Hollow bossu avec le crâne déplumé, un trou immense dans la main et un menton proéminent. En bref, un homme vraiment, mais alors vraiment moche, d'où son erreur de le considérer comme une bestiole. Comme l’« on ne sait jamais ce qui nus attend » était l'une de ses devises, ce dernier le suivit dans l'espoir qu'il s'approche du palais, et avec de la chance qu'il connaisse peut-être le chat, on sait jamais on ne peut rêver ! Tout est permis, c'est n'importe quoi, mais on s'en fout ! Si le truc pas très beau ne l'emmenait pas jusqu'au palais, il venait néanmoins de lui permettre de voir un autre individu. Eh ouais ! Un peu plus loin, une silhouette peu visible semblait l'observer. N'ayant aucune information de qui ou de quoi il s'agissait, le séducteur dans l'âme qu'il était prit d'emblée une pose de badass. Les bras croisés, la main sous le menton, un regard enjôleur et un sourire de beau gosse. La panoplie était dépliée en moins de deux. Pour le coup, il refusait de jouer la délicatesse, tenter le tout pour le tout s’avérait parfois payant (très rare dans son cas cela dit). Avant de s'approcher, il remercia toutefois le Hollow qui l'avait orienté sans le savoir jusqu'ici en passant son bras autour de son cou comme s'il était son nouveau poto.

« Grazie l'ami ! Je te revaudrais ça avec un rendez-vous chez le chirurgien. »

Un râle de sa part et un grognement plus tard, le séducteur disparut en pas moins de dix secondes afin de rejoindre cette ombre. Problème d'envergure, plus il s'approchait et plus il concevait que c'était un homme qui se cachait derrière. Bien, bien, bien, il aurait dû repérer le terrain avant de se lancer, mais tant pis ! Ce gars pouvait au moins lui servir de guide touristique. En deux, deux, il rejoignit le personnage et lui tendit amicalement sa main en guise de politesse. Le sourire en banane, il se présenta franchement.

« Yeah new compagnon ! T'es moins laid que l'autre c'est mieux pour ma réputation. Appelle-moi Logan. Autant être direct, je me suis paumé et je voudrais rentrer pour pelo... exercer ma passion. »

Le Vizard -Salvador était presque sûr que c'en était un- n'était pas seul et, non loin de lui, se trouvait un Hollow que le garçon factice considéra avec mépris. Comment une autre créature pouvait-elle se permettre de s'approcher de ce Vizard qu'il avait tant hâte d'étudier ? De plus, la créature se retrouva enlacée fraternellement par l'être humanoïde, ce qui baissa l'estime que Salvador éprouvait à l'égard du représentant d'une race qu'il ne connaissait pas.

Aussi, lorsque l'individu blond se présenta avec un sourire à faire pâlir les créateurs d'une certaine pub terrienne tout en lui tendant la main, Salvador considéra cette dernière comme s'il s'agissait d'un excrément particulièrement répugnant et refusa de tendre la sienne. Il évalua ensuite du regard celui qui venait de se donner le nom de Logan. Il semblait beaucoup apprécier son corps, son physique, et n'hésitait pas à dévoiler ses pectoraux, que la veste qui l'habillait ne suffisait pas à cacher. Sa coiffure, une longue chevelure blonde, était sensé être prise au piège d'un chapeau noir et ornementé d'un crâne, mais de nombreuses mèches se répandaient sur son torse. Quant à ses yeux, dissimulés derrière une paire de lunettes teintes, Salvador ne risquait pas de les voir même s'il pouvait en deviner la couleur grâce à la légère transparence du verre et à sa connaissance des correspondances entre les nuances de gris et les couleurs : bleus, tout comme l'étaient les siens.

- Pardonne mon léger manque de politesse mais la main que tu me tends a traîné dans des endroits peu fréquentables.

Salvador voulait bien entendu parler de l'accolade donnée par Logan à un certain Hollow.

- Tu veux rentrer... Mais rentrer où ? D'où peut bien venir une créature aussi fascinante que toi? Au fait, j'ai pour nom Salvador.

Un sourire aimable et chaleureux s'épanouit sur les lèvres du jeune garçon, tandis qu'il tendait sa main gauche afin de serrer la main non souillée du Vizard. Il ne tentait pas de flatter Logan, puisqu'il le trouvait réellement fascinant, et bien plus intéressant que la majorité des habitants du Yermo. Tout, de la silhouette humaine à l'attitude humaine, passionnait Salvador qui se retenait à grand peine de taper des mains comme un enfant. On lui servait sur un plateau d'argent le dîner qu'il n'avait pas pris sur le menu mais qu'il désirait en secret, et ce, en lui faisant grâce de l'addition.

Il écouta en silence la réponse du mètre quatre-vingt-dix de muscles, puis il se recula de son interlocuteur afin d'éviter de devoir trop lever la tête pour lui adresser la parole (vu son faible mètre quarante). Maintenant qu'il connaissait la destination du dénommé Logan, il devenait bien pensif. En réalité, il réfléchissait à ce qu'il pourrait bien faire au Vizard dans son laboratoire. Il devait étudier les raisons qui avaient poussé un Shinigami et un Hollow à cohabiter. Et vu que le jeune homme ne se laisserait probablement pas faire, il fallait donc improviser.

- Puis-je te proposer de te ramener et de te servir de guide ? C'est de toute évidence ce que tu attendais de moi, au vu de ta phrase d'approche...

L'offre de l'Arrancar était aussi alléchante que la vue du sachet de bonbons proposé par un camionneur quinquagénaire peut l'être à un enfant. Mais Logan allait-il accepter de se faire guider ou préférait-il chercher sa route par ses propres moyens ?

Confirmation confirmée, c'était pas du tout une gonzesse, loin de làààà ! Un enfant, voilà qu'il n'aurait pas pu mieux se tromper. Un jeune garçon probablement mineur. Comment LUI, avec son radar de meuf avait pu se tromper de la sorte ? La lune, c'était surement à cause d'elle. Au final, dans l'obscurité c'était beaucoup plus difficile de reconnaitre une personne par son sexe, surtout quand on ne peut pas la toucher pour être sûr de son coup. Qu'à cela ne tienne, il ne referait plus deux fois la même erreur, oh ça non ! Toujours est-il que le garçon qu'il avait interpelé lui fit part d'un dégout vis-à-vis du Hollow de tout à l'heure, suite de quoi il refusa de lui serrer la main droite, préférant choisir la gauche pour d'obscures raisons. Ola là, ce type était soit extrêmement fermé dans ses relations multiraces, soit c'était un antisocial de première ligne. Dans les deux cas c'était assez emmerdant dans le sens où Logan était tout l'inverse. D'un autre côté, si le défi consistait à le « décoincer » un peu par rapport à ça, alors le challenge était accepté sans hésitation !

En parlant de ce jeune homme, son physique se rapprochait au mieux du monde dans lequel il vivait. D'apparence plutôt sombre, que ce soit ses cheveux ou ses yeux, il était assez facile de voir qu'il connaissait le désert comme sa poche. Bingo ! Ça au moins c'était positif ! Le truc, c'est qu'il avait au moins ce sourire propre à lui-même, à la fois flippant et amical, mais un peu plus flippant quand même. Il accepta sans trop se poser de questions de le servir comme guide. Oh ben mince, en fait, il était très sympa, le petit. Comme quoi faut jamais se fier aux aprioris. « Fascinant » lui ? Yes, c'est pas faux. Seulement il était fascinant dans une catégorie bien précise, et le blondinet doutait fortement que l'Arrancar ait un jour pu s'en rendre compte. A moins que... non, non, non ! OK il était parfois trop fêtard, mais jamais encore il n'aurait fait et oublié quelque chose comme ça, même après une de ses plus folles soirées. En zappant un peu ce qualificatif qui lui était dû, mais qu'il ne comprenait toujours pas, il savait cependant très bien où se situait sa destination. Indiquant une direction au pif avec son index, Logan essayait au moins de ne pas paraitre complètement paumé.

« En fait, tu te doutes bien que si je venais du désert alors je ne serais pas vraiment perdu. Je pourrais toujours creuser un trou pour me faire un p'tit nid... enfin bon ! Je viens de Las Noches, la cité des nanas aux boobs aussi énorme qu'un ballon de basket. C'est le pied là-bas, en plus elles ont une de ces... Désolé petit, c'est pas de ton âge. Je veux me rendre au palais pour des p'tites affaires personnelles, je crois que t'as pigé. »

Logan parlait peut-être trop. Et pourtant, il aurait pu facilement faire une dissertation complète sur la façon dont il voyait les femmes, et la manière qu'il avait de les décrire était aussi loufoque que le personnage qu'il incarnait. Il devait un peu freiner les monologues sur son sujet préféré pour éviter de faire fuir Salvador, qui était déjà bien sympathique de l'accompagner. La question était de savoir combien de temps il tiendrait en sa compagnie, chose que les hommes n'arrivent pas à faire plus de dix minutes en général, du moins dans la norme. L'offre était donc approuvée pour le Vizard, qui pour dévoiler sa joie, ne trouva rien de mieux à faire que de marcher sur les mains comme un petit fou sur plusieurs mètres, avant de revenir vers son guide tout désigné.

Il se releva ensuite, retroussa ses manches, retira son chapeau qu'il cala dans le haut du dos grâce à une attache prévue à cet effet, remit ses gants correctement, attacha les boutons du bas de sa veste et termina l'effet par une re-coiffure brève et nette de la main. Des étapes qu'il semblait maitriser de A à Z pour partir à l'aventure. Oui, c'est vrai, cela pouvait se trouver tout près, mais dans le doute il ne fallait pas lésiner sur la préparation.

« Let's go, p'tit-boy ! C'est quand tu veux. J'suis chaud pour faire un bon cent kilomètres là. »

Si Logan paraissait aussi confiant et qu'il ne posait aucune question à son partenaire de voyage, c'est qu'il ne se sentait pas menacer. Il avait pleine confiance en lui, et ça, c'était largement suffisant pour se sortir de toutes les situations inimaginables. Plein d'entrain, le jeune Shinigami masqué poussa une petite chansonnette en suivant la cadence du conducteur.

Non loin de nos deux compères, à seulement une dizaine de kilomètres, se tenait une réunion peu catholique. En petit comité, toutefois, puisqu'elle ne comptait que trois membres dont un qui ne nous était pas totalement inconnu. En effet, la créature squelettique pourvue d'antennes et d'un masque présentait l'abdomen et les lames osseuses si caractéristiques des mantes. Ces compagnons n'étaient pas en reste niveau laideur : celui qui était en train de parler n'était qu'une sorte d'immense œil dont la pupille, cerclée d'un épais Hierro, était braquée sur Logan et Salvador qui, à cette distance, ne pouvaient se douter de rien. L'apparence singulière de l'Adjuchas ne s'arrêtait pas là : une espèce de matière gluante et noirâtre s'étirant en filaments constituait le corps de la créature, sur lequel on pouvait trouver le masque si caractéristique des Hollows. Mais le dernier conspirateur était celui qui détonnait le plus, ne serait-ce que par sa taille : alors que les deux Adjuchas atteignaient bien les dix mètres de hauteur, celui-ci avait une taille et une allure presque humaine, trahissant ainsi sa nature d'Arrancar. De plus, il était difficile de décrire son apparence physique puisque cette dernière ne faisait que changer. Pendant quelques secondes, il arborait un torse ferme et musclé digne du dénommé Logan en personne puis, l'instant d'après, il avait une poitrine ferme et rebondie et dévoilait ses charmes aux spectateurs.

Ou spectatrices. Allez savoir le sexe que pouvaient bien avoir les deux créatures hideuses qui l'entouraient.

- T'es bien sûr de toi, John? demandait l'être changeforme. Cet arrancar n'avait pas la moindre trace de hierro?
- Pour la énième fois, Morgan(e), oui ! Pas l'moindre trace d'protection. Suffit qu'l'un d'nous trois fasse diversion et hop ! Fini d'sa suffisance ! J'suis certain qu'en l'dévorant, on atteindra l'stade de Vasto Lorde ! répliqua avec enthousiasme John, mâchant encore plus les mots dans son excitation.
- Vous atteindrez. Je te rap'...
- Fallait pas faire confiance à c'mec ! T'aurais encore ton masque !
- Mouais. Qu'en est-il de la cible, Dolly? demanda l'infortuné(e) au gigantesque globe oculaire.

Il n'eut pas tout de suite sa réponse car l'Adjuchas était de toute évidence perdu dans d'autres lieux. Dotée du don de lire sur les lèvres tout comme de celui de voir à distance, elle n'avait rien perdu de la conversation entre nos deux héros. Enfin, n'allez pas croire que c'était une sorte de télescope Hubble organique, hein ! Son pouvoir lui permettait, à condition qu'on lui indique le lieu et qu'il ne soit pas distant de plus d'une vingtaine de kilomètres, d'observer un lieu aussi facilement que si elle s'y trouvait. Bien sûr, à cause des protections qui le protégeaient, cela ne fonctionnait pas pour Las Noches ou pour les autres lieux de pouvoir situés au Hueco Mundo. Mais pour espionner deux personnes qui voyageaient dans le Yermo, ce n'était pas bien dur.

- Ahem. Ils ont fini les présentations, je crois. Et le gamin n'est plus tout seul, il y a une sorte de grand blond avec lui. Un Vizard, il me semble. D'ailleurs, je comprends pas trop ce que je lis sur ses lèvres. Il parlait de nanas et de boobs, et maintenant, il dit des trucs bizarres. Qui n'ont ni queue ni tête.

Les deux autres étaient à présent pendus à ses lèvres, bien loin de se douter que le séducteur était seulement en train de chanter. Que disait-il de si important.

- Euh, p't-être qu'il communique en langage codé, suggéra John, plein d'espoir.
- Il a peut-être éventé nos plans et est en train de prévenir l'arrancar. Rah ! Perdre si près du but...

Dolly était loin de partager de pessimisme de ses confrères, surtout qu'elle ne voyait pas qui serait en mesure de contrer ses pouvoirs à elle. Elle s'en servit d'ailleurs pour observer les magnifiques courbures des pectoraux de ce blondinet si craquant, en parfaite voyeuse et perverse. Ah, si seulement elle avait été capable de voir à travers ses habits...

- Dolly, ça va ? Tu respires bizarrement, là...

♣♣♣

Mais laissons de côté ces dégénérés et leur fan club anti-Salvador pour rejoindre les véritables héros de l'histoire que je suis en train de vous conter. Je parle bien sûr d'un certain gamin ténébreux et de son acolyte, le séducteur qui s’improvise ménestrel.

Salvador écoutait sans grande conviction Logan lui décrire les attributs sexués féminins que possédaient les (jeunes?) créatures de sexe féminin de Las Noches. Et son manque d'intérêt n'avait rien à voir avec son apparence juvénile, ni même avec la longueur des phrases du supposé Vizard. Pour Salvador, le sexe, en tant qu'attribut organique ou même en tant qu'activité, faisait parti des variables inutiles de l'existence. Il ne voyait pas pourquoi la présence d'un organe ou son absence devait influer sur les relations qu'avaient les êtres pensants entre eux. D'ailleurs, l'ancien Vasto Lorde était presque certain que, s'il avait possédé des obus de chair, Logan se serait montré encore plus malléable qu'il ne l'était actuellement.

D'ailleurs, pourquoi Salvador ne tenterait-il pas de créer une molécule qui permettrait de moduler l'apparence des gens ? Ou même d'intervertir leur sexe ? Puisque cela avait tant d'importance pour eux, puisqu'ils semblaient, humains comme immortels, accorder beaucoup d'attention à l'apparence, pourquoi ne pas s'en servir pour leur nuire ? L'enfant démoniaque remercia -en pensée seulement- le séducteur de lui avoir donné une telle idée.

Le fait que Logan soit de Las Noches avait également son importance, mais Salvador garda pour lui la question qui lui brûlait les lèvres, et se mit à marcher dans la direction indiquée par Logan lorsque celui-ci commença son « Let's go ». L'être millénaire maîtrisait assez la langue de Shakespeare pour comprendre ce que cela sous-entendait.

Toutefois, tout en marchant, l'innocent enfant modifiait légèrement leur trajectoire, se décalant petit à petit de quelques degrés vers l'Est, mais pas trop pour que ce soit flagrant. La direction proposée par Logan n'était ni celle de Las Noches, ni celle de son laboratoire. Et vu qu'il voulait amener le Vizard à ce dernier...

De plus, même s'il ne disait rien, Salvador trouvait la performance musicale de Logan... très, très lourde. Il en avait tué pour moins que ça, à vrai dire, et pourtant l'enfant savait être patient. Aussi, plus pour arrêter le carnage vocal que parce qu'il pensait que le moment était venu, il se décida à poser sa question:

- J'ai parlé plus tôt de créature fascinante mais... t'es bien un Vizard, c'est ça ? Cela te dérangerait de me raconter comment t'en es arrivé là ? Je me demande comment un Shinigami et un Hollow peuvent ne faire qu'un...

L'être à l'allure enfantine avait conscience qu'il demandait à un inconnu, qu'il venait tout juste de rencontrer, de lui raconter des confidences qu'il n'avait peut-être jamais faites à personne. Il s'attendait donc à un refus. Mais bon, Logan n'était pas si prévisible que ça, et allait jusqu'à tutoyer l'Arrancar. Pourquoi ne pas jouer sur la fibre de la confiance mutuelle? Enfin, pas trop, car il faut miser sur l'intérêt personnel, jamais sur la pitié ni la reconnaissance.

- Enfin, ce serait plutôt donnant-donnant. Une sorte d'échange viril, d'un homme à un autre. Si ça t'intéresse, je te raconterais comment j'ai pu devenir un Arrancar. Peut-être que t'y trouveras l'inspiration pour séduire les Arrancars de sexe féminin, qui sait?

Salvador n'était pas sûr que c'étaient les mots qu'il devait employer avec Logan, mais il y mit toutefois toute la conviction que sa petite voix d'enfant pouvait contenir. Le Vizard l'intriguait, et c'était une situation nouvelle qui s'offrait à lui : pour la première fois, l'ancien Vasto Lorde devait traiter quelqu'un en égal plutôt que se contenter de le soumettre par la force. Et c'était étonnamment rafraîchissant.

Il fallait parfois s'accroupir à la hauteur des insectes si on voulait avoir suffisamment d'élan pour regagner les cieux.

Le parcours de deux hommes s'unissant devant l'inconnu continuait, ouais c'était du pur délire et ouais Logan était plus préoccupé par le fonctionnement de son radar cherche-femelle que de retourner au plus vite dans sa demeure à la recherche de sa « famille ». Il n’en avait pas grand-chose à foutre de ça, au final la seule chose qui lui manquait réellement c'était de ne pas être entouré de femmes fraichement sorties pour le diner. Toutefois, ce petit interlude ne lui déplaisait pas pour autant, il n'était pas un maniaque sexuel incapable de contrôler ses hormones après tout. Salvador était un chic type au fond, il l'aidait à retrouver sa route alors qu'ils se connaissaient à peine. Si ça, c'était pas gentillet comme comportement. Attention, la réelle confiance qu'il lui portait n'avait rien à voir avec une quelconque naïveté ou imprudence de sa part. Logan savait pertinemment où il foutait les pieds et les risques qu'il prenait à suivre n'importe qui. Là encore, il était suffisamment fort et fier pour s'en sortir convenablement sans crever l'heure qui suit.

Malgré tout, le séducteur était incapable d'aller à l'encontre de ses envies. Quand il voulait quelque chose, il lui suffisait d'écouter son instinct lui dicter sa conduite, et généralement ce même instinct disposait de gouts identiques à son maitre. Laissant le jeune Salvador durant quelques secondes, l'homme à la longue chevelure s'entretenait avec toutes les créatures féminines qui peuplaient le désert, et autant dire que la population hors Las Noches était aussi, voire bien plus importante qu'au sein du palais, ce qui lui valut de nombreux tours et détours à fricoter avec ces dernières. Autant dire que le guide devait absolument être TRÈS patient si aucun désir de meurtre ne lui effleurait l'esprit. Toutefois, au terme de quelques longues et pénibles minutes interminables, le Vizard cessa de batifoler avec tout et n'importe quoi pour se centrer sur la route à prendre. Mais soudainement, sans aucune raison apparente, l'homme s'arrêta net. Non il n'avait pas repéré une énième proie à séduire. Son visage était par ailleurs plus sérieux qu'à l'accoutumée, ses yeux dérivant dans tous les sens à la recherche de quelque chose. Son instinct essayait de lui communiquer quelque chose. Peut-être se trompait-il, mais il avait un mauvais pressentiment, tout en ignorant la raison. Salvador le sortit alors de ses songes quand il voulait en savoir plus sur lui. Savoir si oui ou non il était bel et bien un Vizard semblait important pour le garçon. Les Arrancars et les rares Vizards qui étaient d'ici partageaient le même monde depuis peu, il était alors compréhensible qu'un intérêt réciproque ou non puisse se développer pour une race dont ils ont l'opposition et la ressemblance.

« Tu as raison, je suis bien ce qu'on appelle un Vizard. Moi et mon autre moi avons toujours été proche je crois, je ne sais pas si c'est normal. C'est en tout cas ce qui nous donne cette force. »

Si Logan parlait à la première personne du pluriel, c'est qu'il respectait un tant soit peu le Hollow qui partageait son âme. Depuis leur rencontre, ils avaient tous deux privilégié une confiance mutuelle, ce qui par excellence, permettait à Logan de ne jamais craindre une trahison de de son colocataire si les choses venaient à se compliquer. L'histoire unique qu'il avait vécue était sans nul doute une bonne expérience à partager avec ceux qui s'intéressaient au processus, mais le blondinet n'était peut-être pas aussi bavard que ça. En échange de cette information, le jeune guide pouvait lui en dire plus sur les Arrancars pour éventuellement apprendre à les séduire. Si la demande était bien tentante, ce n'était pas das le caractère du charmeur de se faciliter les choses auprès des femmes. Tout savoir sur une personne laisse peu de place à la surprise, ce qui est plutôt embêtant dans une découverte que l'on souhaite faire soi-même. Il avait une autre proposition, alors qu'il était toujours à l'arrêt.

« C'est sympa de proposer, mais non merci, je me débrouillerais. Salvador, que dirais-tu d'arrêter ce petit jeu ? Je sais bien que mon caractère que l'on dit trop enjoué peut me faire confondre avec la stupidité, mais ce n'est pas le cas. Je vois très bien que tu me détournes de plus en plus de Las Noches. Soyons clairs, je te fais encore confiance malgré ça, mais si tu attends quelque chose de moi, je te conseille de jouer franc-jeu. »

Certes, le soudain sérieux avec lequel il avait fait l’aveu de son « pigeonnage » pouvait surprendre. Et pourtant, Logan en restait le même homme au sourire de déconneur qu'il s'empressa d'ajouter à la fin de sa phrase. Au fond, que Salvador soit un vil manipulateur ou bien un strict maladroit il n'en avait rien à faire. L'homme à la grande taille pouvait l'accepter si et seulement si ses intentions étaient bonnes.

Ce mec, derrière son aspect de dragueur du dimanche, était trop perspicace. Dans un sens, c'était bien car ça lui donnait plus d'intérêt aux yeux de Salvador. Mais ça irritait également ce dernier, qui se trouvait obligé de modifier ses plans.

Il se contenta de sourire lorsque Logan lui conseilla de jouer franc-jeu. Accepterait-il réellement ce que l'Arrancar attendait de lui ? Ce dernier en doutai fortement. Il faudrait être sacrément bizarre et tordu pour accepter d'être le fruit d'une analyse poussée, pouvant être composée d'une dissection.

Aussi, Salvador ne pouvait pas révéler ses desseins au grand échalas blond. Ce dernier lui faisait encore confiance, mais cette confiance n'avait jamais été réciproque. S'il avouait à Logan qu'il le guidait vers son laboratoire, afin de l'étudier, ce dernier pourrait très bien refuser de l'accompagner puis rentrer à Las Noches et en parler à ses supérieurs.

Trop risqué.

Aux yeux du palais et de ses habitants, Salvador devait rester un simple Arrancar, dénué de talents. Personne ne devait connaître ses origines princières ; le faux garçon tenait trop à sa tranquillité. Son statut de scientifique, et d'Arrancar de base Vasto Lorde devrait rester inconnu, afin d'éviter qu'on tente de le recruter.

Salvador n'aimait pas les emmerdeurs.

- Quelque chose de toi ? Oh non, à part que tu m'en dises un peu plus sur le processus qui a fait de toi un Vizard. Mais tu as raison, nous n'allons pas vers Las Noches. Je suis contraint de faire un détour afin de nous éviter des rencontres peu recommandables. On dit qu'il y a un Arrancar de base Vasto Lorde qui traîne dans les parages, et qu'il extermine tous les groupes qu'il rencontre...

Cessant de sourire et arborant une mine qui ne manquait pas de rappeler celle d'un gamin apeuré, il ajouta:

- Je tiens beaucoup trop à ma peau pour la risquer pour un inconnu. Je ne sais pas pour toi, mais je suis incapable de tenir tête à un Arrancar de cette trempe. Déjà que j'ai du mal avec les Adjuchas... Nous allons donc continuer sur cette voie-là, puis nous changerons de direction afin de prendre celle de Las Noches. C'est juste un petit détour le long du territoire de ce tueur millénaire.

Si Logan était en mesure de lire dans les pensées du mioche, il comprendrait que l'Arrancar de base Vasto Lorde dont le gamin parler n'était autre que lui-même. Le séducteur voyageait actuellement en compagnie de la plus dangereuse créature des environs. Et plutôt que de longer son territoire, il ne faisait que s'y enfoncer davantage.

Finalement, Salvador était toujours décidé à amener le Vizard à son laboratoire. Et il s'arrangeait pour que celui-ci ne puisse plus jamais en repartir.

- Mais si tu souhaites prendre le risque de traverser son territoire, nous pouvons toujours changer de direction maintenant...

Toutefois, le mioche ne voulait pas que son compagnon se sente « forcé » aussi voulait-il lui donner le choix. Il était persuadé que Logan ne se risquerait pas à traverser le territoire inventé de ladite créature. Mais qui sait ?

La réponse de Salvador ne convenait pas tout à fait au Vizard. Il était de plus en plus persuadé que ce dernier ne lui disait pas toute la vérité. Logan était peut-être incapable de sentir l'énergie spirituelle pour jauger le niveau de quelqu'un, mais son instinct et sa perspicacité lui avaient rarement fait faux bond. Il savait généralement reconnaitre un homme aguerri au combat, tout comme il savait reconnaitre la beauté d'une femme. De plus, il ressentait une étrange vibration qui parcourait son corps. Est-ce que son Hollow essayait de lui dire quelque chose ? C'était probable. Le fait est que Logan devait de toute façon jouer le jeu, et si la séduction était l'un de ses atouts, la comédie figurait aussi dans son CV. Pour le coup, il n'avait rien d'autre à faire que de rester tel qu'il est, c'est à dire le plus naturel possible. Si le jeune homme le détournait bel et bien de Las Noches comme il le pensait, il ne tarderait certainement pas à le découvrir.

Si la récente naissance de cette méfiance pouvait généralement en rebuter plus d'un sur le plan social, ce n'était pas le cas de l'étalon qui voulait toujours poursuivre la conversation afin d'en apprendre plus sur son interlocuteur. Avec un peu de chance, il finirait par apprendre que ce n'est pas un psychopathe serial killer qui l'amenait dans sa tanière pour le manger. C'est bien la dernière chose qu'il espérait découvrir si jamais cette supposition s'avérait exacte ! Néanmoins, si Salvador apportait un bon argument pour ne pas prendre le chemin le plus court, prétextant qu'un dangereux Vasto Lorde se baladait tranquillement dans le désert -ce qui est finalement très normal, l'inverse étant plus inquiétant- ce dernier était loin de décourager l'homme à moitié dévêtu. Sa force de caractère voulait qu'il ne soit jamais impressionné par un nom ou une appellation. Pour lui, le titre d'Espada était déjà discutable sur bon nombre de sujets, alors celui e Vasto Lorde ne signifiait pas plus que ça pour lui. Logan était le genre d'individus à ne pas juger uniquement les personnes qu'il rencontrait sur la puissance. La personnalité étant une force à part, sa curiosité le poussait à vouloir rencontrer ce type.

« Si ce que tu dis est vrai, alors allons-y ! Je veux le voir. Bien sûr si tu as peur je ne te forcerais pas, mais je kifferais vraiment rencontrer un de ces animaux sauvages. Au palais, ils sont tous apprivoisés, c'est moins fun. »

Et c'est vrai, il trouvait ça vraiment fun. Il suffisait de voir sa nouvelle posture, le regard au loin avec le poing serré vers le ciel en guise de profonde excitation avec en bonus l'un de ses plus beaux smiles. C'était un passionné de la vie et des découvertes. À peine avait-il proposé de rebrousser chemin pour se rendre ans l'antre de la bête que le déjanté de l'impro se faisait déjà la malle dans la direction opposée à leur première destination.

« Allez, vient l'ami ! Même si je me prends la branlée de ma vie, j'suis convaincu que je pourrais me relever plus fort après ça. Et puis, j'aimerais savoir s'ils sont tous pareils. »

Il parlait évidemment de la froideur légendaire des Arrancars au-dessus du lot. Par expérience, il savait que les personnages dotés de bonne qualité combattive et intellectuelle regardaient toujours les autres de haut. Un esprit dont il n'était pas très fan, typiquement de ceux qui pouvaient le mettre en colère, ce qui arrivait assez rarement.

Salvador était contrarié : le dénommé Logan n'était pas une proie mais plutôt un habile et rusé renard. Ou alors, il était tout simplement inconscient voire stupide. Toujours est-il que le grand blond s'était mis en tête de traverser la zone sensée être dangereuse, n'hésitant pas à braver le danger illusoire qu'elle représentait.

Il allait même jusqu'à dire que si Salvador avait peur, il ne le forcerait pas à s'aventurer sur le territoire de l'ancien Vasto Lorde. La créature à l'apparence juvénile se crispa, malgré elle. La peur n'était pas une émotion qu'elle pouvait aisément ressentir. Non, c'était plus l'agacement qu'il ressentait en ce moment. Oui, il avait joué la carte de la créature sans défenses. Oui, il se faisait passer pour un simple Arrancar. Mais il ne fallait pas pour autant sous-entendre qu'il avait peur.

- Des animaux... Tes paroles pourraient en froisser plus d'un.

Mais l'arrancar ne l'écoutait plus. Il lui tournait déjà le dos, et s'élançait dans la direction opposé avec un sourire malicieux plaqué sur le visage et le poing levé, montrant son enthousiasme. L'enfant millénaire n'aurait peut-être pas dû lui proposer de prendre le risque de passer par ce chemin, qui menait bien trop directement à Las Noches.

Quelques secondes plus tard, Logan enjoignit Salvador de le rejoindre, déclarant qu'il pensait survivre à un éventuel affrontement avec un arrancar de base Vasto Lorde, et s'en relever plus fort. Non, il n'était pas rusé mais bel et bien inconscient. L'ancien Vasto Lorde qui lui tenait lieu de guide ne le sous-estimait pas, loin de là, mais personne ne pouvait ressentir un tel enthousiasme à se frotter à ce genre de prédateur. Personne de sensé, en tout cas.

Même Salvador évitait de se trouver en conflit avec les autres seigneurs du désert.

- Tous pareils... Que veux-tu dire par là ? Comment sont les Arrancars du palais ? Enfin, ceux issus d'une aussi haute et noble race, le questionna Salvador, curieux.

Se pouvait-il que ses semblables soient devenus de vulgaires déchets, sous la domination de Grimmjow ? L'idée était bien plus que dérangeante. Cela lui rappelait une fable humaine, non dénuée d'un certain bon sens. Le loup et le chien. Est-il préférable de choisir une vie de servitude, mais confortable, ou une vie de liberté, mais où la liberté a un certain prix ? Salvador avait fait le second choix, et ne le regrettait pas. Après tout, n'était-il pas libre ET repu ?

Il avait même le luxe de jouer avec la nourriture, ou même de lui parler.

L'enfant reprit la tête du groupe d'un rapide Sonido, ne tentant plus d'influer sur la direction du parcours. Il allait ramener Logan à destination. Mais il n'était pas dit qu'il ne fasse aucune mauvaise rencontre en route, surtout en sachant qu'un trio d'individus louches les observaient depuis un bon bout de temps.

- Très bien. Avec un peu de chance, on évitera le danger.

Mais niveau chance, nos deux héros ne semblaient pas en avoir une insolente... S'ils continuaient à marcher à cette allure, et dans cette direction, ils n'allaient pas tarder à tomber dans une embuscade tendue par deux Adjuchas et un Arrancar.

Enfin, aucun d'entre eux ne semblait s'en inquiéter. Salvador était bien trop persuadé qu'il n'y avait pas de réel danger pour ça. Quant à Logan... Le territoire était sensé appartenir à un ancien Vasto Lorde et ça ne l'inquiétait pas. Que dire de plus ?

De la provocation ? De la bouche d'un autre, utiliser l'adjectif « animal » l'aurait certainement été. Mais pas e la bouche de Logan, qui comme la plupart du temps ne se rendait pas compte de ce qu'il déclarait. Il vivait maintenant sur le territoire de ceux qu'il appelait comme tel, et dans le cas présent, il était même en compagnie de l'un d'eux. D'un autre côté, s'il parvenait effectivement à froisser un Arrancar avec un mot si dérisoire, c'est qu'à l'instar des animaux, ils s'emportaient pour des broutilles. Sa récente approbation au sein du Hueco Mundo et les quelques fréquentations avec eux, y compris Salvador le poussaient néanmoins à croire qu'ils étaient loin d'être stupide. Il gardait en tête que tous avaient leurs propres visions des autres. Aux yeux du séducteur, il semblait même évident qu'aux yeux de son guide, c'était lui l'animal sans cervelle, un avis qu'il devait partager avec de nombreuses personnes. Si la question méritait d'être posé, la réponse elle, demeurait à ce jour encore irrésolue.

C'est alors que, durant le détour auquel le blond s'était décidé à emprunter, le jeune garçon se demandait judicieusement comment étaient les Arrancars au palais. Sincèrement, il n'avait pas eu beaucoup d'occasions pour se familiariser avec ses habitants. Il fréquentait souvent les jeunes femmes issues du même rang que lui, celles qui ne se prenaient pas la tête. Celles-ci étaient comme lui, semblables aux shinigamis et aux humains. Concernant les plus attitrés du palais, les choses étaient naturellement plus compliquées, ils étaient quasi-inaccessibles. Logan cherchait une réponse honnête à confier à son ami.

« Si tu veux savoir comment sont l'Espada ou les fraccions, je dirais que je n'ai encore rien vu de bienveillant chez eux. Je ne sais pas si ça vient de moi, en tout cas si je devais évaluer leur plus gros défaut, ce serait sans hésiter leur arrogance. Comme les humains et les shinigamis qui ont du pouvoir, ils ont tendance à penser que ceux qui n'ont n'ont pas ne valent rien. C'est encore plus vrai à Las Noches, et c'est une grave erreur. »

Avait-il prononcé sur un ton à la fois sentencieux et joyeux, après quoi il termina son monologue d'un autre sourire envers son nouveau pote. Avec ce qu'il venait de dire, n'importe qui aurait eu tendance à penser qu'il réprouvait Las Noches au lieu de l'admirer. Là aussi, le mystère se posait. Salavador reprit finalement les devants du trajet suite à cette réponse. C'était mieux ainsi, puisque de toute façon le charmeur n'avait pas les compétences requises pour pister quelqu'un, et encore moins un Vasto Lorde qui pouvait se dissimuler n'importe où. À son tour, le Vizard avait également une question sur le bout des lèvres. En fait non, il en avait des tonnes, mais pour raison de pratique et moins d'emmerdements, une seule d'entre elles le perturbait réellement. Son comportement amical revint rapidement au galop lorsqu'il s'avança rapidement vers le jeune homme pour lui donner une petite tape dans le dos.

« Dis-moi Salvy. Je suis curieux de savoir pourquoi tu as une apparence si humaine. Je sais par le biais de mes connaissances et d'une vieille fréquentation Arrancar que les Vasto Lorde ont une silhouette plus humaine que les autres. Au minimum tu es un Adjuchas, je me trompe ? »

Le détective Van Singer était au rendez-vous ! Il avait pour mission de percer le mystère de son acolyte qui restait bien trop silencieux sur lui-même. Une réponse acceptable aurait été la bienvenue, malheureusement un incident inattendu les prit de court. Logan ne voyait rien de ses propres yeux pour le moment, pourtant l’atmosphère avait changé. Le vent se faisant plus violent, c'est aussi l'attitude de son camarade qui s'était arrêté qui l'avait prévenu. S'agissait-il d'une embuscade ou du Vasto Lorde qui protégeait sa zone ? L'un comme l'autre, il fallait être sur ses gardes afin de ne subir aucune attaque.

« Oh oh, le temps se gâte ! Ça va enfin devenir chaud ! »

Contre toute attente, le Vizard dévêtu sentait l'excitation monter en lui.

Salvador se laissa taper le dos sans rien dire, n'étant pas de ces individus prétentieux et imbus d'eux-mêmes qui répugnent à se faire toucher par quiconque. Enfin, si Logan avait été un Hollow, il ne se serait pas laissé toucher : apprécierez-vous qu'un rôti de porc saute de votre assiette pour vous frapper dans le dos ?

Et il écouta la question du Vizard avec attention, ignorant le « Salvy » bien trop familier. Il s'apprêta à répondre, mais se figea soudainement : il lui semblait entendre une agitation, derrière les dunes. Et un brusque vent venait d'une direction opposée, ce qui était étrange puisque, quelques minutes auparavant, il n'y avait pas un souffle de vent. Comme si ce phénomène apparemment naturel venait faire diversion.

Sans le savoir, Salvador sauta aux mêmes conclusions que Logan. Enfin, à la même, car l'enfant savait très bien qu'il n'y avait pas d'Arrancar de souche Vasto Lorde dans cette partie-là du désert. Du moins, pas d'autre Arrancar d'origine Vasto Lorde. Une nouvelle fois, un groupe d'Adjuchas venait le défier, en tentant de lui tendre une embuscade. Après s'être figé, le jeune garçon décida d'adopter sa posture de chasseur.

Il reprit sa route, et marcha plus sereinement. Il ignorait totalement la remarque de Logan comme quoi le temps se gâter, bien qu'il soit rassuré que son compagnon soit tout aussi perspicace que lui. Toutefois, en apparence, il semblait calme, décontracté, à des lieues de se douter qu'on s'apprêtait à l'attaquer. Mais en réalité, il attendait juste que ses ennemis baissent leur garde, et se décident à passer à l'attaque.

Le moment où le chasseur est le plus vulnérable, c'est quand il sort de sa cachette pour s'abattre sur sa proie.

Salvador n'avait rien contre jouer au chat et à la souris. Il faisait une très mignonne et très petite souris, dotée d'une très grande et très meurtrière dentition. De quoi dévorer une famille de chats, en admettant que la métaphore puisse être poussée jusque-là. Il décida donc de répondre à Logan, la réponse s'envolant de ses lèvres pour se nicher dans le creux des oreilles du Vizard.

- Je suis issu d'un Adjuchas, tu as raison. Mais il ne faut pas toujours se baser sur l'apparence physique : lorsqu'un Menos Grande devient un Arrancar, il s'humanise, peu importe son origine. Il est donc difficile de différencier Arrancars de base Adjuchas et Arrancars de base Vasto Lorde.

Il était inutile de s'étendre encore plus sur le sujet. L'enfant millénaire ne semblait plus soumis aux caprices du temps mais ne le négligeait pas pour autant : chaque seconde avait de la valeur et il ne servait à rien de la gaspiller en paroles superflues, qui ne feraient que les déconcentrer.

Il fallait paraître décontracté tout en ne l'étant pas. Pourtant, ce que Salvador vit ensuite ne put que le surprendre : une jeune femme paniquée déboula sur leur chemin. Il semblait s'agir d'une jeune Arrancar, à la poitrine prodigieusement bien fournie et aux lèvres tentatrices. Mais, pour l'heure, l'homme moyen ne pouvait qu'avoir envie de la prendre dans ses bras, pour la consoler... et plus, si affinité.

- Aidez-moi, je vous en prie ! Je voulais rentrer à Las Noches après avoir chassé pour mon maître mais je me suis perdu... se lamentait-elle, tout en dévoilant (innocemment?) ses attributs en accompagnant ses paroles d'une gestuelle pleine de grâce.

Salvador n'était pas chaud pour réconforter, rassurer ou aider la jeune femme, d'autant plus que le danger n'avait pas disparu pour lui. Mais qu'en était-il de Logan ?