Y'a des quartiers comme ça, qui respirent la luxure et la débauche. Les femmes se pavanent et c'est à celle qui fera le plus preuve d'arguments proéminents. Les décolletés sont plongeants, les hanches roulent et les regards attisent. Et les hommes, ces chiens, se laissent complètement avoir pour un bout de chair. Une bande de rustres, sales et transpirant la vinasse par tous les ports. C'est un lieu de dépravation pure ce quartier. Alors pourquoi je ressens le besoin d'y aller ? Pourquoi me perdre dans ce coin perdu ? Peut-être parce que ça me rappelle les "merveilleux" souvenirs de mon propre quartier ? Peut-être parce que je veux essayer de maintenir l'ordre, comme mon grade devrait me forcer à le faire ? Ou peut-être que je veux simplement m'enfoncer dans cette débauche moi aussi. Car au fond ce quartier, aussi corrompu soit-il, me ressemble plutôt bien. Et me rappelle surtout d'où je viens.

J'ai flâné un moment, comme si j'attendais que quelque chose se produise. Ici, ma tenue suffisait à ce que les hommes ne m'approchent pas - cette bande de lâches. Ils se contentaient de me lorgner comme un bout de viande qu'ils auraient bien aimé posséder. Un nouveau jouet, qu'ils n'auraient pas encore ravagé. Mais ils savaient que de ce jouet-là, seuls meilleurs qu'eux pouvaient y gouter. Alors ces faibles se faisaient oublier, aucun n'avait osé quoi que ce soit. Mais qu'est-ce que j'espérais rencontrer de mieux au fond ? Les shinigamis ne viennent pas ici. Bien trop sale. Bien trop décadent pour cette bande de généreux seigneurs bien-pensant.

Je suis entrée dans une taverne au hasard. J'avais envie de boire. Quelque chose de fort. De me divertir moi aussi ! L'odeur du tabac et des drogues a envahi mes narines. La pièce était modeste, mais j'avais l'impression de pénétrer dans une véritable tanière. Il faisait chaud, la fumée obscurcissait l'environnement et mes yeux ont fait un rapide tour du propriétaire vaguement curieux. Pourtant ils captèrent rapidement quelque chose d'étonnant, si bien que mon corps s'est carrément tourné pour vérifier que mes sens ne me trompaient pas. Il y avait bel et bien cet homme, assit au bar. Il était tout vêtu de noir et ses yeux ne me lâchaient pas. Mais surtout, il n'y avait aucun doute quant au fait qu'il soit un pur Shinigami. Ici.

Mes yeux ont glissé vers la poule qu'il tenait sur lui et un sourire en coin est apparu sur mon visage. En voilà un qui ne correspondait pas tellement au standard moyen des nobles Shinigamis du Gotei 13. Intriguée, j'ai avancé droit vers eux sans le lâcher des yeux avant de me détourner et de m'accouder au bar. Juste à côté d'eux. Le patron est venu me servir. Du saké. J'en ai bu une grande gorgée avant de soupirer d'aise et d'entendre la fille glousser étrangement, ce qui força mon regard à s'attarder de nouveau sur mon compagnon d'arme. Ses yeux étaient aussi mauves que ses cheveux.

▬ Tu as de drôles de fréquentations...

Mes lèvres se sont de nouveau attardées sur mon saké, que j'ai fini d'une traite. Puis, d'un mouvement leste, je me suis complètement tournée vers eux, pleinement satisfaite d'avoir trouver de quoi me distraire.

▬ On se demande bien pourquoi tu l'as choisie... lançai-je ironiquement tout en lançant un regard appuyé vers la poitrine opulente de la jeune femme.

J'avisais mon verre vide tout en repensant aux remarques de mon voisin. Ce qu'on lui avait servi à lui semblait en effet quelque peu meilleur en comparaison. Non pas que ça m'importait, je n'étais surement pas venu ici dans l'espoir de boire de l'alcool de qualité. Mais qu'il soit servi ainsi ne pouvait signifier qu'une chose : c'était visiblement un habitué.

Sa coureuse ne sembla plus pouvoir tenir le choc plus longtemps, sans doute trop secouée sur les genoux du shinigami et par l'alcool dont elle avait clairement abusé. Elle s'en alla en titubant, sous l'ordre de son tourtereau qui semblait bien conscient de ce qui risquait d'arriver. J'étais plutôt satisfaite de son initiative. Je n'avais pas spécialement envie non plus de voir miss obus vomir tripes et boyaux sur le comptoir. Et j'avais désormais en plus, la pleine attention de mon voisin.

Mes yeux papillonnèrent un instant vers ses tatouages que je pouvais apercevoir et je me suis demandée un instant combien d'autres pouvaient être dissimulés sous sa tenue. J'ai fait un signe au patron pour qu'il me serve à nouveau, en précisant que je voulais la même chose que précédemment. J'en bu une nouvelle gorgée, satisfaite de sentir le liquide me brûler la gorge comme il le faut.

▬ Lexie.

Juste Lexie. Je ne tenais pas à en dire plus et il devrait s'en contenter. En réalité, je n'avais surtout pas envie de parler shinigami, rang et responsabilité. J'étais venu au Rukongai, mais surement pas en temps que cinquième siège de ma division. J'étais là en temps que cliente lassée et ennuyée par le manque de divertissement et qui cherchait donc juste à tuer le temps par n'importe quel moyen. Je me suis retournée dos au comptoir, les coudes repliés contre ce dernier. Puis mes yeux se sont redressés vers la vue de la taverne bien remplie.

▬ Tu fumes, tu bois... énonçai-je pensive à voix haute. Si bien que je commence à me demander si je ne vais pas avoir l'honneur de rencontrer ta troisième amie. La luxure ?

Ma tête s'est penchée vers lui et je n'ai pas pu m'empêcher de lui lancer un regard provocateur.

▬ Tu penses juste tenter ta chance pour avoir une nouvelle fille dans ton lit et si tu échoues tant pis ?

Mon corps s'est de nouveau tourné complètement face à lui et un sourire effronté traversa mon visage.

▬ Ou tu penses y arriver ?

La question était simple. Etait-il un joueur ? Ou un vainqueur ? Mais dans tous les cas, je l'avertissais implicitement qu'il devrait surement en faire plus.

Peut-être, oui peut-être qu'il ferait l'affaire. J'avais toujours franchement exécré le regard dissimulé des hommes, leurs manières détournées et leur soit-disant discrètes intentions pourtant tellement mal dissimulées. Lui était différent. Lui en voulait peut-être aussi à mon corps de femme, mais ne ferait pas semblant. Il le dirait clairement, avec des mots si ce n'est des gestes. Franc ? Un nouveau sourire s'échappa de mes lèvres. Shogo. Un nom totalement inconnu. Je ne pouvais même pas affirmer qu'il ne fasse pas partie de ma division, bien que ça m'aurait étonnée. Son physique ne passait pas inaperçu. Tout comme son évident charisme. Je l'aurais surement vu.

Mes oreilles écoutèrent attentivement ses réponses et mes yeux le suivirent du regard. Il resta vague, mais semblait très sûr de lui. Il avait plus d'assurance et d'aplomb que je ne l'aurais soupçonné. C'était peut-être aussi le fait de le voir désormais debout, et si grand. Charisme ? Il n'en était définitivement pas dépourvu.

▬ Dans l'coin y'a une coutume pour les nouvelles. Elles doivent une danse a ton serviteur.

Mes sourcils se relevèrent de surprise. Voilà qui était plutôt... audacieux. Il ne perdait pas le nord. Et ce pour la simple et bonne raison qu'il ne me laissait pas vraiment le choix. Surenchère. Si je refusais, je serais une provocatrice de base-étage, lâche et fuyarde dès le premier obstacle. C'était autrement dit hors de question. Son regard brillait de malice et d’instinct. J'avais titillé un chasseur né, visiblement doué dans son domaine. Assume Lexie.

Ma fierté me criait de lui répondre, de faire mieux, de ne pas le laisser faire, de le surprendre. Et un peu trop facilement, j'ai accepté de lui obéir sans même y réfléchir sérieusement. Mon sourire devait bien montrer que je n'étais pas dupe, mais je devais lui concéder néanmoins l'intelligence de son idée. Impulsive surement, mais néanmoins assurément judicieuse. Que devais-je faire alors ?

A vrai dire, je n'ai pas réfléchi à ce propos bien longtemps non plus. J'avais assez joué les séductrices autrefois pour ne pas oublier comment faire. Cette fois c'était néanmoins différent. Je ne le faisais pas pour obtenir quelque chose ni pour survivre, mais bien par pur divertissement. Et ça me rendait presque excitée... Oui, comme si je m'apprêtais à me battre. La tension montait c'était évident. Et c'était assurément sensuel.

Je suis descendue lentement de mon piédestal, avant de m'approcher de mon si intéressant nouvel ami. Ma main droite a naturellement effleuré son bras alors que mon regard plongeait dans le sien. Nous n'étions pas dupes tous les deux. Tout ceci n'était qu'un vaste jeu. Que je voulais néanmoins à tout prix gagner.

▬ Très bien Shogo, murmurai-je pour nous deux.

Ma main a glissé contre son bras, pour mieux s'emparer de sa main. J'ai reculé tout en l'entrainant vers le milieu de la pièce, non sans le quitter des yeux, un léger sourire aux lèvres. C'était clair, je comptais vraiment m'amuser de tout ça. Mon regard s'égara une seconde vers le pianiste et sa voix roque très entrainante. J'ai lâché mon nouveau partenaire et retiré mon zampaktuo pour le poser non loin. Puis mon corps se redressa fièrement face à lui. Ma tenue ne me permettrait pas de faire des miracles, mais ferait l'affaire. Penchant la tête sur le côté, mon regard lança une invitation silencieuse à Shogo. Quelque chose comme : "Qu'est-ce que tu attends ? Viens." Lentement, j'ai commencé à bouger seule devant lui et tous les autres. Simple danse légère des hanches. Ça n'était rien d'autre que le prémisse de ce qui pourrait suivre. Provocation. Encore et toujours.

▬ Tu ferais bien de m’attraper et de ne plus me lâcher Shogo, lançai-je en lui tournant le dos. Je vais te montrer combien les femmes ont un millénaire d'avance à ce jeu.

Jouons Shogo. Jouons !

Shogo était un homme, un de ceux qui vivent avec leur fierté. Je savais donc pertinemment qu'il ne s'arrêterait pas. Qu'il ne s'arrêterait sans doute même jamais. Etait-ce pour ça que j'en avais fait mon adversaire ? Etait-ce pour voir jusqu'où je pouvais aller ? Si je pouvais perdre ? Si je pouvais le faire perdre ? Car il faut toujours un perdant n'est-ce pas ?

J'ai rapidement senti ses mains s'emparer de ma taille et la serrer, me faisant oublier une seconde tout le reste. J'étais enivrée par le corps à corps. Le contact était ma raison de vivre, en combat... comme ailleurs. J'étais de celles qui vont jusqu'à jouir en pleine bataille, de celles qui vont au front - avec plaisir !

Mon partenaire menait désormais la danse comme un homme se devait de le faire et il aurait été un vilain mensonge que de dire que ça n'était pas agréable. Émoustillant. Shogo était doué et ses gestes cadencés. Il était mon jouet ce soir, autant que j'étais le sien. Et le contrat était accompli, il me divertissait, j'y étais. Shogo brillait tout bêtement d'expérience. En danse. Comme en drague. Ses mains me manipulèrent comme une marionnette et je le laissais faire bien volontiers. S'écarter pour mieux se rapprocher, pour mieux se coller, pour mieux s'encastrer. Mes hanches s'emboitaient à merveille contre les siennes. Réveil de sensations brumeuses et primaires. L'alcool commençait à me monter à la tête. Au bon moment.

Les murmures sortis de ses lèvres à quelques centimètres des miennes étaient évidemment destinés à me faire craquer. Comme la pression de son corps contre le mien. Comme cette invitation à danser. Comme le regard qu'il me lançait. Et comme il l'avait sans doute prévu depuis le début. Sa main qui était restée à hauteur acceptable jusque-là commença alors à descendre vers des contrées plus inconnues et donc forcément plus attirantes. Mais avant qu'il n'y arrive, la mienne s'y est rapidement plaquée pour l'arrêter dans sa course. Prude ? Chaste ? Fin du jeu par capitulation ?

Surement pas.

Mon autre main s'est cramponnée à sa nuque pour tirer son visage d'un coup sec vers moi. Mes lèvres s'approchèrent de son oreille, mes ongles se plantèrent dans sa chair, un sourire coquin qu'il ne pouvait pas voir est apparu sur mon visage.

▬ Ne me prends pas pour une de tes énièmes et passables accessibles conquêtes de base-étage, lui susurrai-je.

Resserrant ma prise sur sa nuque et sa main, si la scène pouvait ressembler de loin à un enlacement passionné et sensuel, nos corps tendus subissaient une contrainte bien plus brutale en réalité.

▬ Convaincs-moi mieux que ça Shogo. Car ça, ça ne suffira pas. Ça ne marchera pas. C'est trop facile tu comprends ? Je ne peux pas te laisser faire à ce stade.

Mes lèvres s'approchèrent encore de son oreille, jusqu'à ce qu'il puisse sentir mon souffle contre sa peau.

▬ Je ne suis pas ta copine à grande poitrine tu sais ? soufflai-je. Tu dois faire mieux. Tu dois me surprendre. Tu dois m'acquérir.

Ma main qui griffait sa nuque le relâcha.

▬ Compris ? lançai-je moqueuse avant d'effleurer sa joue d'un rapide baiser et de revenir à notre position initiale.

Qu'il puisse au moins voir le « essaye encore » qui brillait à cet instant dans mes yeux.

Réveil brumeux. Vague. Difficile.

Ma tête me lançait. Mon corps me paraissait mou et douloureux. Me redressant en passant une main sur mon visage, mon regard se posa quelques secondes sur l'homme nu étendu à mes côtés. Finalement j'avais cédé... Et ça n'était sans doute pas plus mal. J'en avais besoin. Me vider un peu l'esprit, relâcher la tension qui s'était accumulée depuis mon arrivée au Seireitei. Si ça n'avait pas été ça, ça aurait été autre chose. Surement rien d'aussi inoffensif d'ailleurs. Shogo était néanmoins différent des hommes que j'avais pu rencontrer jusque là. Les shinigamis sont entrainés à divers styles de combat, ils sont endurants, puissants et connaissent très bien leurs corps. Les sensations étaient... à la hauteur. Mon corps réagissait instinctivement au sien. Mais après tout ce mec devait surtout avoir pas mal d'expérience en la matière, grand coureur qu'il était. Mes yeux restèrent quelques secondes à simplement le regarder. C'était apaisant de le voir si passif et silencieux. Étrange aussi, à quelque part. Étonnant de réaliser qu'il pouvait tout bêtement être si calme et combien ça pouvait être agréable. Il aurait presque eu l'air inoffensif. Il était beau.

J'ai laissé glissé le drap et suis descendue doucement du lit. Assise, j'ai pris quelques secondes pour me remettre de ma nuit mouvementée. J'avais besoin d'un bain. Le soleil n'était pas encore prêt de se lever, mais je n'avais jamais été du genre à rester prendre le petit-déjeuner pour papoter biscuits, café et météo. Mes yeux glissèrent une fois de plus sur le corps de Shogo et ses nombreux tatouages, un soupire traversa mes lèvres. De toute manière, il était pareil, il ne risquait donc pas de m'en tenir rigueur.

Prenant mon courage à deux mains pour me relever et quitter pour de bon les délices de cette nuit si étrange, j'ai cherché des yeux mon shitagi qui n'avait pas fait long feu une fois arrivé dans le chambre. L'enfilant lui et mon hakama, mon esprit vagua vers mon Zampaktuo que j'avais laissé au bar, à l'image de celui de Shogo. Je n'étais pas plus inquiète que ça à ce sujet, mon compagnon était connu là-bas et de toute manière, je n'aurais aucun état d'âme à y mettre les formes en cas de problème. Il faudrait tout de même que je passe rapidement le récupérer, ça ferait désordre si on savait que j'avais fait preuve d'autant d'insouciance - même si je préférais parler de spontanéité et de relâchement bien mérité.

Habillée, je me suis dirigée vers la porte avant de m'arrêter sur la clenche. Mes yeux se posèrent une dernière fois vers celui qui m'avait si bien divertit. J'étais venue au rukongai et il était clair que ça n'était pas par devoir. J'avais voulu retrouver celle qui vivait dans ses rues il n'y a pas si longtemps : la fille cliniquement déséquilibrée, tordue, presque hystérique et fondamentalement dérangée. Lui l'avait rencontré, un peu, au moins son côté impulsif et charnel. Le charisme de cet homme me frappa encore et je me demandais s'il dormait vraiment, ou s'il faisait juste semblant pour me laisser m'enfuir comme je l'entendais - dans un paisible et reposant silence. On n'avait pas vraiment besoin de mots après tout ça de toute manière, il était bien possible qu'il pense la même chose. C'était arrivé parce qu'on en avait envie et il n'y avait aucune déception qu'en au fait que ça se termine ainsi - en néant.

Souriant légèrement, mes lèvres lui lancèrent un adieu silencieux avant que je n'ouvre la porte. De toute manière il était de la même trempe que moi, un shinigami... Je me demandais qu'elles étaient les probabilités pour que nos routes se croisent à nouveau. Et la réponse me vint rapidement : assurément fortes pour aller jusque dans le domaine du possible.

Et c'était bien assez.

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