You're talking to me ? [PV: Lexie]

Le bruit sourd des sandales de la patrouille résonnait dans cette longue allée du Seireitei, non loin des quartiers de la troisième division. Quatre hommes, qui avaient l'air alertes et dispos pour trois d'entre eux. Le quatrième, visiblement à leur tête, avait le regard las et la démarche trainante, une cigarette vissée aux lèvres dont pendait, en accordéon, un bon centimètre et demi de cendre rougeoyante. Allait-elle tomber ou défier les lois de la physique ? Elle ne joua pas les héroïnes, ensevelie sous une énième sandale alors que Shogo dirigeait ses hommes sous une arche.

Ils arrivèrent finalement dans les jardins de la sixième division, un endroit auquel ils patrouillaient régulièrement par souci de joindre l'utile à l'agréable. Les échos des voix se perdirent dans la ruelle qu'ils avaient quittés, remplacés par les sempiternels cerisiers et leurs étangs assortis. Ce n'était pas le romantisme du cadre qui fit décider de faire une pause à l'officier supérieur de la compagnie. Il avait simplement besoin de chasser sa gueule de bois de la veille à grands coups d'air frais.

- Bon, vous m'posez vos cliques et vos claques, j'vais marcher un peu j'reviens.

Et sur ces entrefaites, il laissa les quelques membres de la troisième qui l'accompagnaient en plan, juste pour se dégourdir les jambes et évacuer le stress de sa nouvelle fonction. Le troisième siège s’enfonça un peu plus entre les haies des jardins, regard dans le vague, parfaitement habillé, pourtant. Il était repassé de pied en cap, officiel, représentant sa division avec tout l'entrain qu'on lui connaissait. Après tout, il appréciait son nouveau capitaine, alors il lui devait bien ça.

Cette patrouille servait simplement à faire remarquer que la troisième avait repris du poil de la bête, et avait passé ces étapes ou elle était ignorée en qualité de division en pleine reconstruction. Alors, les principaux officiers devaient constituer la première ligne. Mais ça, le tatoué n'en avait cure. Il eut à peine fini la dernière bouffée de son mégot précédent qu'il tirait déjà une nouvelle clope de sa poche. Il avait plus de travail qu'avant.

Et donc, il marchait perdu dans ses pensées à présent, plutôt que de guetter les donzelles. Et quand on ne regarde pas ou on va... Au détour d'un belvédère, il se cogna à pleine vitesse contre un corps étranger qui ne le fit même pas dévier d'un centimètre. Son temps de réaction, pas à son meilleur en ce moment, fit qu'il n’aperçut la fine silhouette étendue par terre qu'au bout d'une seconde ou deux. Mais lorsqu'il la vit, ses esprits revinrent à eux. Il souffla un léger nuage de fumée, et leva un sourcil face à la splendide créature allongée. Et eut un de ces sourires en coin désolés, ceux qui chez lui disaient: Je me souviens de toi. Hélas. Mais t'es bonne.

Il ne tendit cependant pas de main pour l'aider à se relever, et croisa juste les bras. Il la fixait toujours.

La journée commençait mal. Fraichement revenue de mission le matin même, on ne m'avait pas accordé une seconde de repos avant de me refiler une corvée : j'étais envoyée récupérer trois glands en taule, trois débiles qui avaient trouvé malin de titiller du noble un soir d'ivresse... Pas que j'étais contre l'idée - ces seigneurs le cherchaient clairement par moment - mais de là à avoir la connerie suffisante pour le faire sous les yeux d'un gradé... Ils n'ont pas eu le temps de dire trois mots qu'ils se sont bien évidemment fait choper. Autant dire que le Lieutenant était ravi d'apprendre la nouvelle. Et il avait fallu que je sois là à ce moment là... J'étais juste claquée et seul l'appel de mon lit me donnait envie de formuler une réponse convenable. Ces trois idiots allaient assurément me permettre de tester la portée de mes cordes vocales. Pas que je sois violente, mais dans ces moments, j'ai juste besoin d'extérioriser un peu.

Les yeux dans le vide, j'avançais droit devant tout en ruminant contre la terre entière - à peu de chose près. Visiblement plus déconcentrée encore que d'habitude - et mes dons en détection étant ce qu'ils sont - je n'ai pas franchement fait gaffe à l'hypothèse qu'on puisse faire aussi peu attention à sa route que moi. La sensation de frapper quelque chose de dur me réveilla, un poil trop tard. Je n'ai d'ailleurs même pas cherché à me rattraper alors que je me sentais attirée vers le sol.

Magnifique.

Étendue sur le dos, les yeux clos, j'ai pensé une seconde à rester là, couchée sur le bitume. Mes yeux s'ouvrirent à peine pour contempler le ciel bleu et la brise me conforta dans l'envie de dormir dans cette position pourtant plus ou moins avantageuse. J'étais crevée et je sentais que j'étais véritablement à deux doigts de craquer. J'avais besoin de sommeil... Et j'avais l'impression que le monde s'était ligué contre moi pour me faire péter un plomb. J'avais depuis peu tenter la technique de la respiration pour éviter les dérapages intempestifs, mais si certains prenaient plaisir à mettre mes nerfs à rude épreuve...

Après quelques secondes de tentative de détente, mes yeux glissèrent enfin vers la silhouette au-dessus de moi. A vrai dire, jai cru un instant halluciner par la fatigue, mais mes yeux me trompaient rarement à ce point. Une vieille connaissance me regardait bel et bien de haut avec cette expression si agaçante au visage. Mon exaspération grimpa encore d'un cran devant cette vision. Pas étonnant que je n'ai entendu aucun commentaire, aucune excuse, ni même un seul mot...

▬ Bordel...
Un profond soupire dépassa mes lèvres alors que je rejetais de nouveau la tête en arrière - clairement épuisée par la situation qui ne cessait de s'enfoncer.

▬ T'avais déjà si envie de me contempler de nouveau sur le dos Shogo ? demandai-je au bout d'un moment.
Avec un grand effort, j'ai fini par me redresser et me lever, m'époussetant au passage. Mes yeux ont mis quelques secondes avant de s'attarder à nouveau sur celui qui m'avait invité à rejoindre le sol de manière si indélicate. Des flashs intenses de la nuit que nous avions passé me revinrent malgré moi à l'esprit. Ça faisait un moment depuis ce fameux soir... et comme d'habitude, l'avoir en face de moi réveillait facilement mes instincts meurtriers.

▬ Un jour je vais finir par craquer et t'enfoncer ma lame en plein coeur et je veux que tu sois certain que ça sera aussi délectable pour moi que d'être sous tes draps.
Le sourire que je lui ai lancé après ça, était tout aussi sincère que l'aveu que je venais de faire...

La demoiselle étendue au sol, charmes bien visibles sous son uniforme noir, était sans doute la poupée qui avait le plus marqué Shogo au Seireitei. Un sacré caractère, qui visiblement ne s'était pas adouci avec une folle nuit d'amour dans les jambes. Il fallait dire que ça commençait à dater, aussi, même si le tatoué avait une excellente mémoire pour ces choses là. Debout, bras croisés, fumant sa clope du jour, il se souvenait de chaque détail. Et il ne fut pas le moins du monde surpris par la réaction belliqueuse en diable de la créature.

Il s'esclaffa, même, un petit éclat de rire rocailleux dont il avait le secret, nuancé par la cigarette et la gueule de bois. Et il assortit cette désinvolture déjà manifeste d'un clin d’œil enjôleur. Bien sur qu'il avait envie de la contempler sur le dos, elle connaissait l'animal, après tout. A cet instant, il décida que les gars de sa patrouille pouvaient attendre quelques minutes, voire dizaines de minutes de plus. Il souffla un rond de fumée, puis une forme ressemblant plus ou moins à un dragon, ailes déployées.

- Eheh. Salut à toi aussi, beauté.

Il leva un sourcil, devant les menaces qui suivirent, et se dit que décidément, cette nana là était explosive. Mais bon, même là, et même sachant qu'elle appartenait très probablement à la onzième, le tatoué n'avait pas peur. Pas le moins du monde. Dire que ça l'excitait plus qu'autre chose aurait été véridique. Et de plus, elle lui lança un sourire adorable après ces menaces de mort, ce qui eut pour effet de le faire sourire à son tour.

- Moi j'preche l'amour. Et faire craquer les d'moiselles, c'est un d'mes nombreux effets secondaires.

Sur ces mots, l'une de ses mains, celle avec "love" tatoué sur les phalanges, vint suivre la courbe du visage de la jeune femme, l'effleurant sensuellement, la taquinant plus que la caressant, à vrai dire. L'autre main, tatouée "hate", était venue se poser sur la garde de son zanpakuto, au cas ou la belle mettrait sa menace à exécution. S'approchant dangereusement de son visage, il lui susurra.

- T'es encore plus à croquer qu'la dernière fois, Lexie. Et piquante avec ça.

Il avait beau être fatigué de sa soirée d'hier, on ne changeait pas une équipe qui gagne. Et l'adrénaline qui était dorénavant associée à cette fille-là était comme une drogue. Il s'était à présent pleinement fait à sa division, la troisième, et songea que la jeune femme en face de lui était la représentation parfaite du chiffre. Une bouche pour mordre, une bouche pour embrasser.

Aurait-il droit à une gifle, à une lame ou à un baiser ? Nul ne le savait. Dans tous les cas, il savait comment enchainer, et distraire un peu plus Lexie de son but initial, qui était probablement une quelconque mission pour sa division. Tout comme lui, à vrai dire, mais les règles étaient faites pour être transgressées, pas vrai ?

Cet enfoiré ne changeait pas. Et il savait d'ailleurs toujours autant y faire. Lorsque sa main s'est attardée sur mon visage, mes lèvres ont voulu la rejoindre pour l'effleurer juste une seconde. Il aurait peut-être apprécié le contact... et sans doute beaucoup moins celui de mes dents qui se cachaient derrière. L'idée me parut vraiment séduisante un instant... C'était un jeu entre nous après nous. Celui qui arriverait à toujours plus déstabiliser l'autre. Rejetant mes pulsions sanguines passagères néanmoins, je suis restée sage tout en l'écoutant. Malgré moi, sentir sa présence suffisait à me remémorer l'effet de ses mains et de ses lèvres qui n'avaient épargné aucune partie de ma peau l'autre nuit. Il me faisait réagir d'une manière ou d'une autre. Et c'était toujours intense. Je ne pouvais bien évidemment que détester ça.

Son visage s'est lentement approché, trop près à mon goût. Ses murmures ont fait leur effet, comme toujours. Mes yeux ont instinctivement glissé vers ses lèvres... Il ne m'aurait fallu que me redresser juste un peu pour y gouter, qu'il se penche légèrement, pour apprécier. Mais mes émotions brûlaient à vif d'une toute autre chaleur ce matin-là. Mon regard s'est relevé vers l'arrête de son nez et l'envie de lui briser me tarauda un peu l'esprit. J'imaginais le bruit de ses cartilages fracassés contre mon crâne et pouvais déjà voir le sang s'éparpiller sur son visage. Mon regard dévia ensuite vers sa main, qu'il maintenait à sa garde, prudent. L'homme n'était pas idiot.

J'avais entendu dire qu'un certain tombeur, croqueur de femmes avéré avait changé de division il y a peu. Quelques recherches avaient suffit à confirmer mes soupçons : Tatsugami Shogo, récemment promu, venait d'entrer dans la troisième division en temps que troisième siège. Étonnant de la part de cet aventureux qui semblait pourtant avoir plus ou moins le goût de l'institution. Mon esprit vagua d'ailleurs une seconde, sur le travail que j'avais moi-même à faire et l'ordre auquel je devais obéir. On ne m'avait pas imposé de délais, mais moins nos gars poireautaient en prison, mieux c'était. Malheureusement j'avais usé de mes derniers relents de patience quelques secondes plus tôt. Il en était déjà finit de la tempérance, de la sagesse et du calme. Terminé. J'étais fatiguée d'être gentille et docile. Fatiguée de ne pas faire ce que je voulais. Fatiguée de lui.

▬ Tu vas prendre l'habitude de me toucher quand tu veux ?
D'un geste vif, ma main a rejoint sa garde et bloqué la sienne pour éviter qu'il ne sorte la lame de son fourreau. Puis sans que je ne le retienne, mon poing est venu se plaquer d'un revers contre sa pommette, rejetant légèrement son visage sur le côté. Mes doigts sont restés collés aux siens sur son fourreau, tandis que mon autre main a tiré sur son col pour le faire revenir vers moi.

▬ J'ai appris qu'on avait eu une promotion ? susurrai-je avec moquerie. Tu vas donc faire quoi Shogo maintenant ? Me dénoncer ? M'enfermer ? Me frapper ? Ou m'embrasser peut-être ?
Mes doigts accentuèrent leur prise sur les siens. Qu'il sorte son zampaktuo pourrait être gênant. Au delà des emmerdes que ça m'apporterait, il risquait surtout de prendre le dessus en temps qu’épéiste.

▬ T'as vu, j'ai laissé une marque rouge sur ta joue ? ajoutai-je innocemment. Ça fait de moi ta propriétaire tu crois ?
Mes yeux le défiant du regard, n'attendaient plus qu'il réagisse... Je ne pouvais juste pas le laisser s'en tirer comme ça. J'avais été obligée de réagir. Les dés étaient jetés...

Parcourant des yeux le moindre trait, la moindre courbe du visage de la jeune femme, ses lèvres pleines, ses yeux brillants ou luisait l'ombre de la rage, son nez de portrait renaissance, il se dit que décidément, si ce n'était la coupe de cheveux garçonne et le manque de soin évident porté à son apparence, elle était trop jolie pour faire partie de cette division de brutes qu'était la onzième. Il aurait presque aimé venir suivre la courbe de cette moue boudeuse de son index, mais il n'en fit rien. Ou plutôt, il n'en eut pas le temps.

Elle le taquina, d'un ton tout en agressivité, et il s’apprêtait à assortir ces nouvelles caresses d'un jeu de mots bien senti lorsque des phalanges vinrent titiller sa pommette, inopinément. Douces et pourtant si dure, sentant les épices, ce parfum de femme qu'il en était venu à apprécier. Il encaissa le coup sans broncher, sentant que tout de même il avait quelques gouttes de sang sur la langue. Il avait connu bien pire. Cette mandale sonnait comme la promesse d'autres à venir, en réalité.

- On a eu une promotion ouaip. Mais t'frappes comme une fillette, ma jolie. Tu la connais déjà, ma réponse.

Il eut un sourire carnassier et murmura.

- Propriétaire... des mots, des mots ma chère...

Et sur ce, il alla mêler son sang à la langue de la jeune créature, forçant la jeune femme tandis que de sa main se défaisait sans peine de la gracile araignée qui la bloquait pour venir enserrer une taille offerte, qui n'attendait sans doute que ça. C'était aussi bien que dans ses souvenirs. Et aussi forcé, aussi... belliqueux. Lexie embrassait comme d'autres collent une droite, ce qui était un fait rare. Assez rare pour être signalé. Il rompit finalement l'échange de salives pour reculer de quelques pas et la toiser.

Une brindille aux yeux de braise, voilà ce qu'elle était. Il croisa les bras, fit la moue, et se demanda comment elle, si nerveuse, pouvait changer du tout au tout une fois entre les couvertures. Il s'était réveillé, cette fameuse nuit, et elle lui avait semblé si calme, si sereine. Apaisée, en quelque sorte. Par lui ? Il n'en savait rien. Toujours est il que si elle retentait une mandale, il bloquerait sa main avec toute la facilité du monde.

Puis, se détournant, il alla s'asseoir sur un grand banc en marbre près d'un étang. Jardins de la sixième oblige, le romantisme était de mise, même si dans son cas les roses avaient des épines. Mais, fort heureusement, le troisième siège lui était plutôt du genre chardon. Il passa une main lasse dans ses cheveux épars, et jeta un regard en coin à la donzelle, lui offrant son plus beau sourire narquois. Aurait-elle le cran de le rejoindre ? Ou allait-elle tenter de le pousser dans l'eau ?

J'aurais préféré qu'il me colle une droite, ou qu'il m'étrangle peut-être. En tout cas qu'il s'énerve, qu'il essaye de me faire taire, qu'il me punisse pour avoir été si condescendante même. En réalité, il était véritablement bien plus facile pour moi de réagir face à la violence que face à ce genre de gestes. Ces gestes qui généraient d'ailleurs une toute autre forme d'excitation en moi à chaque fois... Ses lèvres étaient brutales, sa langue dominante et sa prise gorgée d'assurance. Son sang s'infiltra rapidement dans ma bouche, rendant l’agressivité de l'échange d'autant plus électrisant. Je n'étais pas certaine d'avoir cherché à le repousser, à le battre dans cette autre joute ou d'avoir juste succombé une fois de plus. Il avait répondu à mon attaque oui, mais son coup à lui était bien plus mesquin que ne l'avait été le mien.

Shogo brûlait d'intensité à chaque seconde. Ça n'était pas ce soir là en particulier, il était fondamentalement comme ça. Et ses réactions étaient toujours à son image, inattendues et impulsives. Intenses aussi, bien évidemment. Mes yeux l'ont suivi alors qu'il s'asseyait sur le banc à l'orée de l'étang. Étonnement, il m'apparut presque à sa place dans ce décor romantique à souhait. Il se fondait même parfaitement dans l'élégance et le charme pur de cet endroit.

Mes sourcils se froncèrent légèrement. Il aurait dû détonner dans la logique des choses et de sa personnalité, mais il brillait aussi bien là qu'ailleurs. Peut-être même plus encore... Le souvenir de cette nuit chez lui repassa encore dans mon esprit. Il avait était serein après tant de passion. Aussi calme que je l'étais. Son sourire narquois m'éloigna cependant rapidement de ces étranges constations. J'allais vraiment prendre du retard... mais au point où j'en étais, la réflexion laissa rapidement place à l'envie de ne surtout rien faire. Avec cet enfoiré.

Son baiser m'avait finalement peut-être calmée, j'étais moins sur les nerfs et lui avoir collé une droite était on ne peut plus libérateur aussi. Je suis donc allée le rejoindre sur le banc pour m'assoir à ses côtés, en silence. Mes yeux se perdirent vers l'étang un moment. L'endroit était beau, calme. Sans doute apprécié pour cet aspect justement.

▬ T'es des différents des autres Shogo tu sais ? lançai-je après quelques secondes.
Mes yeux se braquèrent vers lui. Je connaissais déjà très bien les courbes de son visage, comme celles de son corps, mais mon regard aimait s'attarder toujours un peu plus sur tous ces détails qui complétaient et illustraient sa personnalité à merveille. Il était séduisant. Mais pas uniquement pour ça.

▬ Tes talents sont certains lorsqu'il s'agit de m'énerver et de me faire péter les plombs... soupirai-je.
Mes yeux se redressèrent pour plonger dans les siens.

▬ Mais étonnement, tu es aussi capable de me calmer. Et le tout en une seconde.
Et ça... c'était un phénomène bien plus intriguant.

Il n'eut pas besoin de se pâmer longtemps sur son banc puisque sa dulcinée d'un jour, après une hésitation pour la forme, le rejoignait déjà. Le tatoué tourna son regard vers la surface de l'étang face à lui, immobile, mouchetée ça et là de quelques nénuphars artistiquement disposé par quelque officier de siège aux tendances paysagistes, probablement. Tout, dans cet endroit, le rebutait, parce qu'il ne croyait pas au romantisme. Il croyait en l'attraction. Et c'était cette attraction qui rendait Lexie si particulière, si attirante. Elle était assise à ses cotés, à présente, et il reporta son attention sur elle. L'attraction avait ses lois, et dans son cas, il aimait qu'on lui résiste, qu'on le nargue. C'était assez inhabituel pour susciter un intérêt chez cet homme que d'ordinaire toutes blasaient.

Différent des autres ? Une première. Il provoquait normalement chez ses conquêtes de phrases du genre "les hommes, tous les mêmes" ou "comment ai-je pu être aussi naïve ?". Il laissait couler, comme le saumon remonte le courant des torrents afin d'atteindre son but alors que tout est contre lui. Son but ? Aucun, en l'occurrence. Il vivait au jour le jour. Et le simple fait de revoir la jeune bagarreuse et d'en être troublé venait bousculer cet état de faits. Alors oui, il était différent des autres. Mais seulement parce que c'était elle. Ses pensées allèrent un instant vers son escouade. Les gars étaient habitués aux divagations de leur supérieur et avaient du continuer la patrouille au bout de quelques minutes. Il les rattraperait

- J'le sais ouais, j'suis assez original comme mec.. Tiens, par exemple ça...

Vif, il tira une fleur de lotus de derrière l'oreille de la shinigami, et se marra ensuite, un éclat de rire franc et sonore. Un tour de passe passe à deux sous qu'il avait préparé juste avant qu'elle ne s’assoie, tirant la fleur du petit massif à sa droite. Et hop, ni vu ni connu, il était à présent magicien à la sauvette en plus de bien d'autres qualificatifs moins reluisants. Il se calma finalement, et posa la fleur entre eux, sur le banc.

- Ni vu ni connu, eheh. Non seulement d'te calmer mais d't'amuser, j'ai pas raison ?

Il était happé par son regard, et mentionner son degré de satisfaction quant à ses pitreries était un pas de trop en dehors du protocole. Un séducteur n'est pas drôle. Un séducteur est séducteur. Il fallait qu'il rectifie le tir, et en vitesse, et ça commençait par se détourner de ces grands yeux qui le fixaient. A vrai dire, il était gêné par l'aveu de la jeune femme, qui allait chercher dans le sentimental pur et simple. Et pas pour les raisons qu'on croit. Il alluma rapidement une autre filtre. Et lança un regard en coin à Lexie. Il allait lui faire la même confidence.

Mais à présent, tout coq qu'il était, elle lui avait coupé l'herbe sous le pied, et il ne savait plus comment se sortir de cette toile, qui lui plaisait tout en le rebutant au plus haut point. Il énervait les gens, bon point. Souvent. Il n'en avait pas grand chose à cirer de ses congénères, il fallait bien l'avouer. Il faisait son petit chemin dans cette vie, une vie sans fin qui ne trouvait son sens que dans le plaisir qu'on pouvait en tirer. Et après tout, pourquoi ne pas tirer un brin de douceur de cette situation que d'aucuns auraient qualifié de romantique ? Sa main glissa sur le banc, évitant habilement la fleur de lotus et venant à terme se poser sur la cuisse galbée de la donzelle. Shogo était un tactile.

- Ravi d'te pourrir la vie à c'point, en tout cas, à ton service poupée.

Et il la gratifia d'un clin d’œil dévastateur.

- Et si j'me mets plus près, un peu comme ça, j'ténerve aussi ?

Il joignit le geste à la parole, se rapprochant de trente bons centimètres et laissant son autre main aller parcourir la chute de reins de la jeune créature, ses mains expertes explorant chaque courbe de son dos avec dextérité. Finalement la main qui était posée sur sa cuisse passa elle aussi sur le dos de Lexie, remontant avec sa consœur vers les épaules. Et tout naturellement, les talents de masseur du tatoué furent révélés au grand jour, subtils mouvement des doigts entre les omoplates, palpés-roulés tout en finesse. Le tout avec un sourire narquois des grands soirs, fumée assortie. Il était sur de son effet, l'animal.

Son regard changea un instant, devenant enfantin et joueur. Je n'aurais pas pensé une seconde qu'il me joue un tel tour... tour plutôt mignon, un peu idiot, définitivement différent de l'image qu'il travaille habituellement. Cet homme, si fier, si arrogant, si sûr de lui. Le séducteur. Le loup dans la bergerie, celui qui ne te regardera que dans l'idée de t'avoir nue contre lui. Tatsugami Shogo. Peut-être bien différent de ce qu'il veut laisser croire en définitive...

Il me regarda en coin, étrangement. J'avais du mal à suivre ses humeurs, ses hauts et ses bas, ses pensées et ses intentions. Du mal à le suivre de A à Z. Il était capable de montrer tant de visages que s'en était assurément... intriguant. Oui, il m'intriguait et je sentais parfois l'envie de vouloir percer un peu plus le mystère, de creuser jusqu'à voir au fond de lui et retirer tout ce que je serais capable d'y trouver. Un puzzle. Une énigme qui n'avait que trop tendance à se montrer sous mes yeux, comme pour m'attirer et me dire "joue avec moi". Joueuse je l'étais. Lui aussi. Mais pour gagner, il semblerait que nous devrions aller au-delà de ce que nous aimions être et surtout, de ce que nous ne voulions pas montrer. Il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas dire à voix haute.

Rapidement cependant, son naturel revint au galop. Sa main s'imposa, son corps suivit le mouvement. Ses mains glissèrent ensuite dans mon dos et vers mes épaules. Un massage. J'étais en train de me faire masser, assise sur un banc, entre une fleur et un étang. Avec Shogo. Le tableau n'aurait pas pu être plus étrange et étonant. Quelque chose en moi voulait l'envoyer se faire voir, lui et ses manières qui n'avaient que trop tendance à m'agacer. Il prenait véritablement la sale habitude de me toucher quand il le désirait. Ceci-dit... son toucher n'était jamais bien désagréable et fatiguée comme je l'étais, j'avais presque envie d'en profiter.

▬ Bien sûr que tu m'énerves, soupirai-je en me détendant malgré tout.
Oui j'étais fatiguée et c'était une excuse suffisamment correcte pour le laisser faire un peu. Je n'avais rien contre l'idée qu'on s'occupe de moi après tout, dans la limite du raisonnable. Or Shogo ne l'était assurément pas, je le savais pertinemment, mais j'étais prête à en entendre ou en voir un peu plus. Je tirais sur la corde, tout simplement, jusqu'à voir où il irait, jusqu'à voir quand je n'en voudrais plus. Le moment où cette voix dans ma tête dirait "c'en est assez".

▬ Si seulement tu pouvais la fermer, ajoutai-je. Tes mains ne me dérangent pas encore tellement au final...
Mon dos s'arqua légèrement sous ses doigts.

▬ Par contre ta bouche, elle... Elle est vite insupportable.

Tableau étrange et étonnant, ou pas, du moins pour le tatoué. Depuis des années, il était le séducteur du Seireitei, et ses deux passions étaient les femmes et le combat. Et la meilleure manière de faire cohabiter le physique et le charnel était encore de faire siennes les armes de la séduction, à savoir les massages et la danse. Et bien d'autres encore, que nous ne pouvons pas décemment mentionner à cette heure. Et dans ce cas, il fallait imposer le mouvement, afin que la demoiselle se délecte. Mais il était las, et ses yeux d'habitude alertes s'étaient bordés de quelques cernes depuis sa promotion.

Pourtant, il appréciait cette entrevue impromptue avec Lexie, qui était celle qui lui avait renversé les sens il y avait de cela quelques temps. Une dominatrice, une violente, une fougueuse, de celles qui font tourner le monde plutôt que de s'extasier bêtement devant. Il prenait donc plaisir à la masser, à la taquiner, traits qui d'habitude lui étaient étrangers. et c'était aussi agréable que dérangeant, en un sens. Il aimait mener la danse. Et s'il la menait du bout des doigts, il sentait bien qu'elle prenait un malin plaisir à s'abandonner pour mieux lui résister l'instant d'après.

Et ça passait notamment par des mots.

- Si j'peux la fermer ? Ouais. Si j'veux m'taire ? Pas vraiment.

Et il joignit l'effronterie à la parole, en assortissant son massage d'un baiser plaqué, dans le cou de la jeune femme. Il avait hésité à la mordiller, pour la provoquer un peu plus, mais il s'était finalement abstenu. Il le savait, ses désirs n'était pas des réalités, et il allait se faire engueuler par le capitaine Mitsurugi si lui et la patrouille rentraient avec trop de retard. Et son nouveau sens des responsabilités lui dictait de faire son devoir en dépit de ses envies, qui à cet instant étaient bien sur exacerbées. Il continua donc de masser la jeune femme d'une main puissante tandis que l'autre griffonnait sur un bout de papier déchiré.

- Amuses-toi bien, ma jolie...

Susurra t'il à l'oreille de la shinigami de la division du combat. Puis, sans crier gare ou presque, il se déroba, glissant son petit bout de papier dans le décolleté de la donzelle, sans prendre de gants, effleurant sa peau au passage. Il devait filer, et cette scénette romantique lui avait mis un grand sourire aux lèvres alors qu'après un Shunpo, il se remettait en tête de sa patrouille. A voir sa tête, les autres ne posèrent pas de questions à leur officier. Ils connaissaient tout de ses habitudes de Don Juan, et certains se retinrent de rire. Il avait encore un filet de sang à la commissure de ses lèvres. Ils devaient penser qu'il s'était pris un râteau. Mais ça, ça restait à voir...

"- Retrouves moi ce soir, devant les quartiers de la troisième, si tu veux que j'me "taise"."

Cette simple ligne était tracée sur le papier froissé du petit mot qu'il avait glissé à Lexie. Et il verrait bien si elle aurait le culot de venir continuer leur valse sur son terrain à lui.

Sujet: Re: You're talking to me ? [PV: Lexie]

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