Rencontres professionnelles [Real Mayer]

Dès les premiers instants de ronde, Asuna avait réussi à fausser compagnie à son groupe. Ils ne remarqueraient pas son absence car ils n’avaient pas même conscience de son existence. Elle les avait fui pour deux raisons. La première était qu’elle ne supportait plus de les entendre piaffer comme des enfants, effrayés mais plein d’entrain, prêts à en découdre pour faire leurs preuves. La seconde raison était qu’aucun de ces idiots ne dissimulait correctement son énergie spirituelle. Si individuellement, peu avait la chance d’égaler le niveau ne serai-ce que d’un troisième siège, réunis tous ensemble, ils formaient un excellent appât à Hollows.
Désireuse de ne pas se retrouver prise en cisaille par le combat qui se profilait, elle avait lancé mollement le prétexte d’une ronde rapide en solitaire pour pouvoir s’éloigner. Asuna n’était même pas certaine que quiconque l’ait entendu.

Elle déambulait à présent parmi les rues de la ville, à pied. Son reiatsu, elle l’avait parfaitement étouffé, mais son apparence de Shinigami n’aurait pas manqué d’intriguer quiconque pût l’apercevoir. Les traits tirés en une grimace d’impassibilité, Asuna arborait l’attitude d’une femme vaguement égarée, qui ne comprenait ni ce qui l’entourait, ni la raison qui l’avait poussée ici. Cette façade affichée ne laissa pas supposer à quel point ses sens étaient en alerte, à l’affût de la moindre variation dans le flux spirituel. Si un être suffisamment puissant pour laisser sa marque dans l’atmosphère s’approchait trop d’elle, nul doute qu’Asuna percevrait son arrivée.
La Shinigami se stoppa devant une ruelle étroite devant laquelle elle s’immobilisa. Elle y aperçut des bennes à ordures ainsi que la silhouette encapuchonnée d’un miséreux recroquevillée sur elle-même. Plus important encore, au dessus du corps flottait l’âme d’un homme, identique à la carcasse à ses pieds, et dont le visage incrédule témoignait de la plus totale détresse.

Asuna se rapprocha de l’esprit qui à son tour la remarqua. Il parut intrigué, déboussolé, et enfin franchement affolé lorsqu’il la vit dégainer son arme tout en se rapprochant de lui, l’air menaçant. Mais l'angoisse laissa place au soulagement lorsqu’Asuna lui frappa le front de la garde de sa lame, apposant dans le même temps un sceau bleu qui enterra ses remords et regrets. L’âme se dissipa dans une lumière azurée, laissant Asuna seule dans la ruelle.
La Shinigami se pencha sur les restes humains de l’esprit et analysa froidement la chair congestionnée. Le visage tuméfié par une consommation excessive d’alcool, ceci lié au froid qui régnait la nuit sur la ville, avait eu tôt fait d’achever le miséreux.
Asuna se redressa, rengaina son arme et commença à sortir de la ruelle lorsqu’elle perçut, non loin, une âme à la présence spirituelle bien plus importante que les autres. L’Ange de la mort se raidit et attendit, vigilante.

Un nouvel échec. Encore une fois, elle n’était pas parvenue à mettre la main sur ces fameux dossiers qu’elle recherchait depuis son arrivée à Karakura. Ses contacts s’étaient trompés. Ou alors ils avaient été déplacés au dernier moment. Mais dans l’un ou l’autre des cas, elle ne les possédait toujours pas. Des documents certainement sans importance pour le commun des mortels mais qui recelaient d’indices primordiaux pour la jeune femme. Et ce nouveau revers lui mettait les nerfs en pelotes. La colère était un moteur dangereux et Mayer le savait. Mais comment réagir autrement alors qu’elle fondait de grands espoirs sur ces papiers. Elle allait devoir perdre à nouveau du temps à retrouver une piste convenable. Et au fond d’elle-même, elle commençait à croire qu’ils n’avaient jamais existés. Une fable pour la motiver plus encore, sans doute. Ses employeurs étaient assez retors pour ça. Et en parlant d’eux… Son oreillette se remit en marche. Elias. Encore et toujours lui. Gardien solitaire et discret, qui suivait la jeune femme comme son ombre. A l’affut de toutes informations susceptibles de l’aider.

- Il n’y était donc pas…

Simple constatation. Sa voix ne trahissait aucune émotion, encore qu’il soit assez difficile de le percevoir avec précision avec le micro. Le savait-il par avance ? Real restait soupçonneuse. La seule manière efficace qu’elle avait trouvée pour rester en vie. Elle ne répondit pas.

- Je comprends votre désarroi, Mademoiselle Mayer. Je vais tenter d’en apprendre plus sur cette affaire. En attendant, vous devriez en profiter pour vous reposer un peu. Je vous contacte bientôt.

Et la voix se tût une fois encore. Qu’est-ce qui l’empêchait de détruire une bonne fois pour toute ce micro afin de faire cavalier seul sur ce projet ? Le courage, très certainement. Tout du moins, la peur de manquer de ressources pour achever ce qu’elle avait commencé quelques années auparavant. Ce projet était trop important pour le clan Mayer et puisqu’elle s’était désignée comme volontaire, elle n’avait plus le choix. Alors qu’elle continuait d’avancer, ses tripes se nouèrent. Sentiment particulier qui n’annonçait généralement qu’une chose : une rencontre désagréable. Une âme éveillée, comme elle. N’étant pas une adepte de la perception, elle devinait que la personne se trouvait à proximité. Son regard balayait l’ensemble de l’espace où elle se trouvait.

Et elle la vit… Shinigami, sans le moindre doute. Ces êtres étaient trop particuliers pour que l’on puisse passer à côté. Le Zanpakutô étant évidemment le point final de son observation. Toute la frustration qu’elle avait cumulée ces dernières heures explosa en elle. Sa haine semblait se raviver alors qu’elle se dirigeait vers la source de ses problèmes passés et futurs. Une jeune femme. Ce qu’elle était venue faire ici, cela ne la regardait pas. Et si d’ordinaire, elle aurait passée son chemin non sans insulter copieusement la créature, elle ne pouvait s’y résoudre à ce moment précis. Les annales qu’elle cherchait s’étaient volatilisées et elle devait passer ses nerfs sur quelqu’un. Et ce quelqu’un serait cet ange !

- Mon nez ne me trompe jamais. Une telle odeur, cela ne pouvait provenir que de la suffisance d’un Shinigami. Cette ville est incroyable : on ne peut pas marcher sans vous croiser à chaque coin de rue. Vous, les Anges « protecteurs ».

Elle venait de se planter à proximité du Shinigami, lâchant ces mots avec hargne mais de manière à ce qu’elle n’attire pas l’attention des badauds autour. Elle avait déjà suffisamment de problème pour en plus passer pour une folle à parler seule. Real pouvait se montrer aussi froide que l’élément qu’elle manipulait. Et elle ne cachait jamais l’amour qu’elle portait à ces épéistes. Qu’importe que cela puisse blesser l’un d’eux, elle partait du principe qu’elle n’avait rien à devoir à ces êtres. Ce sont eux qui avaient une dette envers elle. Et elle comptait bien se faire payer. Par le sang coulé. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle se bornerait peut-être qu’aux insultes. Quoi que…

Asuna jaugea la femme de pied en cap, désarçonnée qu’elle put la voir aussi aisément. Elle avait bien sûr entendu parler de ces fameux humains capables de rivaliser avec les Dieux de la Mort, mais jusqu’à présent toutefois, elle n’avait jamais eu l’occasion d’en croiser. Se retrouver face à l’un d’eux d’une façon si brutale la prenait grandement au dépourvu, et elle ne sut que dire durant de longs instants ; la bouche entrouverte, le regard légèrement écarquillé, la mine un peu stupide, elle dût offrir une image d’elle-même guère flatteuse.
Quant aux insultes de l’humaine, Asuna n’en comprit pas la raison mais ne s’en vexa pas pour autant. Elle huma l’air et désigna à son interlocutrice le cadavre un peu plus loin :

« L’odeur du corps doit probablement vous incommoder. Il commence à pourrir. »

Son bras retomba contre ce flanc sans énergie. Asuna plongea son regard dans celui, glacial, de la jeune femme. Elle n’y lut aucune expression, simplement un long hiver habité de quelques fumerolles éparses.
Asuna la jaugea au cours de longs instants sans plus rien ajouter. La tête légèrement inclinée de coté, elle ressemblait à un animal curieux, mais pas craintif. Son interlocutrice lui évoquait un corbeau. Ses cheveux noirs comme la nuit s’écoulaient en cascade dans son dos, pareils à de grandes ailes dont les plumes se constituaient d’ombres. Son teint pâle, presque cadavérique, faisait ressortir ses yeux ; deux billes azurs intenses flottant au milieu d’une étendue laiteuse ; deux saphirs sertissant une opale, l'ouvrage parfait d'un joaillier inconnu.
Quant à son habit, s’il était étrange, évoquait tout de même une certaine assurance, voire un prestige, et Asuna en déduisit qu’à défaut de bonnes manières, l’autre devait avoir des ressources certaines pour pouvoir s’offrir de tels apparats.

« Je ne suis pas un ange, finit-elle par répondre. Qui êtes-vous ? »

Asuna, soudainement lasse de devoir entreprendre un nouvel échange, s’adossa à un mur et se laissa lentement couler jusqu’à ne plus être qu’assise au sol, les genoux ramenés contre sa poitrine. Elle regarda son interlocutrice qui la dévisageait de toute sa hauteur. Asuna tourna la tête sans être impressionnée, et entreprit de fixer le mur en face d’elle. Les briques étaient tellement moins fatigantes que les gens.

Alors que le Shinigami lui répondait laconiquement, Real portait déjà le regard dans la direction désignée, se demandant ce qu’elle avait voulu dire. Bien qu’une vague idée lui ait traversée l’esprit. Mais pour comprendre, elle devait voir de ses propres yeux ce qu’elle supposait. Pour le moment, rien à craindre de cette femme qui semblait en dehors de ce monde. Aucune hésitation donc. A mesure qu’elle approchait de la forme qu’elle avait remarquée, l’odeur se faisait plus forte, plus désagréable. Se penchant vers le corps sans vie, Real plaça simplement un petit mouchoir sur son nez. Elle n’éprouvait aucune tristesse pour cet homme qui n’était désormais qu’une enveloppe charnelle en décomposition. Et l’absence de l’âme prouvait que le Shinigami, là-bas, avait certainement accomplie son rituel. Plaçant sa main à son oreille, elle activa le mécanisme lui permettant de parler à Elias.

- Elias… Je viens de trouver un cadavre dans la ruelle proche de ma position. Il serait bon d’en informer qui de droit.

- Bien Mademoiselle Mayer. Je fais le nécessaire immédiatement.

Inutile d’en dire plus pour le moment. La discrétion avant tout. Retournant sur ses pas, elle se figea devant la jeune femme qui lui avait indiqué la position. Elle ne pensait pas un seul instant qu’elle soit responsable de la mort de cette personne. Mais elle avait sans doute agi au niveau de son âme. Au moins, elle ne pouvait l’en blâmer. Il s’agissait là de leur travail réel, celui d’aider les âmes à traverser les mondes pour rejoindre la Soul Society.

La position de cette femme n’était pas naturelle. Elle posait une question mais Mayer devinait que la réponse n’intéresserait sans doute pas celle qui l’avait posée. Alors pourquoi jouer sur les apparences ? Pourquoi faire semblant alors qu’elle pouvait tout aussi bien quitter les lieux ? Le silence s’installa un moment entre elle. Le Shinigami l’ignorait royalement, focalisée qu’elle était sur son mur, et Real étudiait les traits de cette dernière, cherchant à repérer quelque chose qui lui serait potentiellement utile. Rien ne lui sautait aux yeux pour le moment. En dehors de la lassitude évidente de cet ange.

- Rien d'autre qu'une humaine. Real Mayer… Et je te retourne la question, Shinigami. Es-tu tombé sur ce corps par hasard ou cherchais-tu réellement à effectuer le rite du passage à l’âme qui s’y trouvait ?

En d’autres formes : que faisais-tu là et pourquoi ? Si c’était le hasard qui l’avait poussé ici, c’est qu’elle se trouvait en ville pour une tout autre raison. Et sans la moindre information, Real ne pouvait évidemment rien déduire. En dehors de sa haine qui la poussait à se méfier de cet être, rien ne semblait la distraire. Ses proies étaient déjà trop nombreuses à Karakura pour qu’elle se permette de rajouter un nom sur sa liste noire. Ses cibles étaient toutes des Shinigamis vivants dans les parages. Mais elle, elle ne ressemblait à aucune de ses proies. La Soul Society était plus présente que jamais depuis quelque temps. Et les légions de ces anges étaient trop nombreuses à son goût. La prudence était de mise. Elle n’avait guère le choix.

Mais elle était lasse. Lasse de cette traque, de ces coup-fourrés. Elle commençait à en avoir assez de devoir être en permanence sur ses gardes. Elle détestait les Shinigamis mais cette haine était sans doute à sens unique. Parfois, elle avait l'impression de perdre son temps dans ce genre de chasse. Mais alors elle se posait et repensait à ses parents. A son clan. A la manière dont elle était subitement passée de l'enfance à l'âge adulte, sans intermédiaire. Et alors elle recouvrait les raisons de sa hargne.

Cinquante six… cinquante sept… Cinquante huit. Les briques glissaient sous son regard, toutes identiques, à quelques détails près. Les individus ressemblaient aux briques, en plus bavards. Et comme les briques, ils étaient dépourvus de tout intérêt.
Asuna ferma les yeux pour ne plus voir le mur face à elle. Elle aurait voulu que cette action suffît à faire disparaître le mur, et le monde tout entier aussi. Il n’en fut rien. La lumière qui filtrait entre ses paupières continua de briller et la femme aux cheveux d’ébène d’exister. La voix glacée de cette dernière tira la vingtième siège de ses pensées. Asuna se redressa, la mine bouffie, comme après avoir dormi trop longtemps et très mal.
Sa voix pâteuse s’éleva en réponse, morne et marmonnée

« Kuragari Asuna. L’homme était mort à mon arrivée. Je n’ai pas précipité la rencontre, mais j’ai libéré son esprit des chaînes terrestres, oui. »

Sa position assise lui devint inconfortable, aussi se releva-t-elle et n’accorda pas le moindre égard à la poussière ou aux différents débris qui se collèrent à son habit. Par l’esprit, elle captura l’identité spirituelle de son interlocutrice, poussant l’inspection de l’aura à un degré tel que rien ne pouvait lui être caché.

« Je sais que vous êtes humaine. Ce n’était pas ma question. »

Asuna avança et se posta devant la jeune femme, dont la stature dépassait la sienne de plusieurs centimètres. Elle se perdit dans la contemplation des traits de son interlocutrice d’un air absent. Son regard se lia à la forme étroite de la mâchoire puis frôla l’arrête du nez avant de remonter plus haut, jusqu’à l’œil, dans lequel elle s’immergea de nouveau. Les lèvres de la Shinigami s’entrouvrirent mais ne laissèrent filtrer finalement aucun mot. Asuna se tint silencieuse face à la mortelle, hésitante quant à savoir s’il fallait parler plus au risque de ne rien dire. Elle chassa ses doutes d’un revers :

« Vous me voyez car la force de votre âme vous permet de dépasser les limites de votre chair. Mais que vous importe le sort de ceux qui sont morts, quand vous-même êtes encore vivante, Real Mayer ? »

Pour la première fois depuis longtemps, un large sourire prit position sur le visage pourtant froid de Real. Il ne s'agissait toutefois pas d'un de ces sourires aimables, que l'on adressait d'ordinaire à un ami mais plutôt de ceux que l'on prenait face à un ennemi. Le ton de cette femme ne lui plaisait pas mais au lieu de s'en offusquer, la brunette préférait en tirer de la force. Elle haïssait les Shinigamis plus que tout autre et ce genre d'attitude apportait de l'eau à son moulin. La suffisance dont faisait preuve cette chienne serait donc son cheval de bataille. Bien sûr, elle-même ne respectait pas son interlocutrice mais de cela, elle ne s’inquiétait pas.

Le Shinigami était désormais tout proche d’elle et si en temps normal, elle se serait reculée pour mettre de la distance entre elle et ces créatures, elle n’en fit rien ici. Jamais elle n’admettrait sa faiblesse face à elle. Jamais elle ne montrerait qu’elle craignait cette espèce. Sa force prenait source dans la colère qu’elle nourrissait envers eux depuis sa plus tendre enfance. On n’effaçait pas une telle ardoise en deux coups de pinceaux. Amère, austère. Real ne lésinait sur aucun moyen pour perturber ces anges. Et aujourd’hui, elle était tombée sur un beau spécimen.

Puis, reprenant le contrôle de ses sentiments, elle se recula d'un pas et poussa un petit soupir. La question d'Asuna n'était pas si idiote que cela. Pour autant, cela ne regardait absolument pas cette femme. Qu'importe ses motivations, elle n'allait certainement pas se justifier auprès d'un Shinigami. Elle les tenait pour responsable de la mort de ses parents. Une telle souffrance ne s'envolerait pas si aisément.

- Mes raisons ne regardent que moi, Shinigami. Contrairement à ce que vous pouvez penser, vous autre, cette ville ne vous appartient pas. Ceux qui protègent Karakura sont laxistes et vous laissent toute latitude pour opérer sur un territoire qui n'est pas votre. Mais sache, Shinigami, que la révolte couve. Morts ou vivants, cela ne fera bientôt aucune différence : vous serez chassés comme ceux que vous traquez. Ce temps viendra plus rapidement que tu ne le crois. Et alors on pourra effacer de vos visages cette supériorité dont vous vous nimbez.

Le Kanshu laissait faire parce qu'ils ne possédaient aucun véritable pouvoir. Que l'existence des Shinigamis soit primordiale pour l'équilibre des mondes, Real s'en fichait. Si vraiment ils voulaient purifier les âmes, alors rien n'empêchait de mettre en place un système pour "ouvrir" les portes de Karakura de manière ponctuelle mais toujours encadrée. Mais Real n'appartenait pas au Kanshu. Et pour être totalement franche avec elle-même, elle ne se souciait pas du sort de cette ville ou de ces âmes. Qu'importe que l'équilibre soit brisé : elle ne désirait que l'éradication de cette race, quitte à en payer le prix plus tard. Un désir de vengeance si important qu'il dépassait allégrement toute raison. Ce qui faisait d'elle un véritable danger. Heureusement mésestimé par les autres.

- Quitte cet endroit... Tu as libéré cette âme. Tu n'as donc plus rien à faire en ce monde.

Elle bouillonnait intérieurement. De rage. Mais elle se savait épiée par Elias qui ne laisserait sans doute pas son "arme" se mettre en danger. Pieds et poings liés. Ou peu s'en faut.

La conversation se révélait finalement bien plus ennuyeuse que prévu. Asuna était peu douée dans l’exercice imbécile d’entretenir des conversations aussi inertes que dépourvues du moindre sens. C’était d’autant plus vrai lorsqu’un mur épais séparait les deux interlocuteurs, chacun d’eux butant sur ses propres convictions éculées. Bien qu’en ces circonstances actuelles, Asuna n’avait aucun avis sur la question, ayant simplement réagi parce qu’il le fallait à l’ingérence affichée de l’humaine dans les affaires spirituelles.
La réaction de la jeune femme prit au dépourvu la Shinigami qui ne comprit pas les raisons de son hostilité. Non pas qu’elle s’en soucia réellement, mais c’était là preuve supplémentaire de son inaptitude à entretenir un échange verbal avec qui que ce soit. L’autre parla, sèchement, et tint un discours obscur dont Asuna n’entendit ni la logique ni la raison. Elle se demanda même si son interlocutrice lui parlait réellement ou si elle s’adressait à quelque chose de bien plus grand. Asuna se retourna, pour vérifier si quelqu’un se tenait derrière elle en destinataire réel des propos de l’humaine. Ne voyant personne, elle reporta son attention sur la mortelle, et l’écouta patiemment.

Asuna n’était pas dotée d’un très grand sens de l’empathie ; elle était brillante dans l’exercice de la détection d’âmes, mais risible lorsqu’il s’agissait d’en comprendre les humeurs. Si certaines émotions lui paraissaient plus lisibles que d’autres, comme la colère sourde de son interlocutrice dans le cas présent, de par nombreuses fois, elle se retrouvait désarçonnée par des réactions qu’elle jugeait idiotes et inconsidérées sous des prétextes fallacieux. La rancœur qu’elle sentit vibrer dans la voix de la jeune femme ne l’émut pas, mais l’intrigua légèrement.

« Je ne comprends pas ce dont vous parlez. Nous chassons les bêtes creuses, et nous nous trouvons partout là où elles sont. Vouloir nous chasser revient à leur laisser la bribe libre. C’est idiot. »

Asuna ne se sentait pas d’ébranler les fantasmes de la mortelle. Elle n’en avait ni l’envie ni le temps, sans compter que l’humaine lui paraissait énormément sûre d’elle si bien qu’elle ne percevait plus toutes les faiblesses de son raisonnement. Asuna haussa les épaules, finalement peu concernée par la chose.

« Peu importe, vous mourrez un jour, et rallierait les Creux ou les Dieux morts, comme tous ceux avant vous. Je vous laisse à vos idéaux, Real Mayer, mais le propre de ceux-ci est de ne jamais s’accomplir. À bientôt dans l’autre monde.»

Elle chassa l’air de sa main en vague signe d’adieu et fit volte face, s’avançant vers la sortie de la ruelle. Ses sens en alerte, elle se tint prête à réagir à la moindre riposte agressive, mais ne percevant rien, elle put sans encombre se retrouver dans la grande avenue où s’amassait le peuple humain. Asuna dissimula plus que nécessaire son énergie, si bien qu’elle n’exista simplement plus sur le plan spirituel, et s’élança d’un bond vers les hauts immeubles où elle disparut avant même d’y avoir posé pied.

Spoiler:

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