A première vue, le shinigami chargé de l'intendance lui avait annoncé d'un ton pince que le Capitaine Yakushiji n'était pas disponible pour un rendez-vous impromptu. L'autre l'avait sorti de l'ignorance en lui annonçant les raisons de sa venue. On pouvait dire que l'effet était réussi. Demander à aller voir le jardin zen de la Neuvième Division quand on est catalogué élément perturbateur - ou, à fortiori, complice d'élément perturbateur et destructeur - était déroutant, et c'était à peine si le responsable ne s'était pas empressé d'envoyer un messager pour aller se plaindre au Sôtaisho. Mais le visiteur avait tenu à calmer les choses, car il ne serait pas un problème.

- Alors voilà, c'est là que je suis arrivé, maintenant. Ça t'en bouche un coin, nan? Moi en tout cas ça m'en bouche un...

Nulle moquerie dans les paroles du Kyuusei, juste une certaine...tendresse. Quoique ce mot pouvait difficilement s'appliquer au bonhomme. Et puis, quand on parle à une statue en plein milieu d'un jardin zen, bercé par le bruit des oiseau et la clapotis de l'eau, la tendresse ça fait gonzesse. Juste que le nouveau Capitaine de la Deuxième Division venait se confier à son ancienne collègue arrogante et coincée. Comme si le fait qu'elle s'était brûlée les ailes lors de la tentative de maitrise de son Bankai l'avait rendue tout d'un coup plus accessible. Ou alors, que l'ascension du Vif Argent devait être acceptée par la personne qui l'avait le plus descendu en flèche. Prochaine étape, aller montrer son haori à ce gros rageux de Reisen? A tout bien réfléchir, il allait attendre un peu. Un problème à la fois.

- J'ai même pensé à venir avec un petit quelque chose. Se pointer les mains vides, c'est quand même pas classe, non? Allez, tiens, me remercie pas.

S'approchant d'elle pour lui donner son présent, le gradé fixa bien proprement le chapeau de paille au grand arrondi qu'il tenait dans les mains sur le chef de la femme de pierre. Ainsi coiffée, elle n'aurait rien à craindre du soleil qui avait définitivement planté ses fanaux sur les terres des shinigamis. Et puis, la rumeur disait qu'un des types de la Neuvième avait été de corvée à s'occuper de cet ornement si spécial. Rien qu'à imaginer la tronche qu'il allait tirer lorsqu'il verrait la statue ainsi ceinte, Noboru se tenait déjà les côtes. Bon, il y avait aussi l'autre version qui pouvait se dérouler. Tenzen déboulant dans le jardin, pour faire un quelconque truc zen dont il avait le secret. Ses yeux d'aigle se posant sur le chapeau, une moue désapprobatrice se peignant sur son visage déjà enlaidit par sa constante expression renfrognée, comme si le monde autour de lui puait la charogne. Et Noboru, comme une bille, cherchant un explication plausible pour justifier le fait qu'il faisait quelque chose d'idiot et puéril. Super classe.

- Enfin bon, je crois que je devrais me tirer, maintenant. Alors dores toi bien la pilule au soleil, et à la revoyure, gros-nichons!

Il devait partir, au plus vite. Après tout, il était en territoire hostile. Un peu pataud, il fit un bref salut à l'inanimée Aono, avant de tourner les talons, et d'emprunter le petit chemin de bois lui permettant de traverser le petit point d'eau accueillant la défunte Vice Capitaine. Il ressortit sur un sentier de gravier blanc, ressortant douloureusement avec le contraste qu'offrait la pelouse d'un vert impeccable.

Midorima avait observé la scène non loin. Parmi les nombreux jardins de la neuvième division, ces « havres de paix », résidaient de nombreux coins cachés, quasi inexploré par la plupart des shinigamis, même ceux de la Kyuubantai. Le jeune homme s'y sentait bien là-bas. Il s'y sentait en sécurité, là où Ils ne pourraient pas venir le trouver. Il s'était donc allongé dans la douce herbe, un sourire niais sur le visage quand une voix avait attiré son attention. Plus précisément, une voix qu'il n'avait jamais entendue. Parce que niveau voix, il s'y connaît le jeune homme. Il jugeait en entendre une bonne cinquantaine en quasi-permanence, s'étonnant toujours que personne d'autre ne soit dans son cas.

Ces voix il en avait l'habitude alors qu'une nouvelle vint s'ajouter à la cacophonie résidant dans son esprit, sa curiosité avait atteint des sommets. Il avait suivi ce qui semblait être un dialogue entre un homme et quelqu'un d'autres. Difficile de savoir qui lui répondait, ses voix à lui se faisant un malin plaisir de continuer la conversation. Pour autant, son sourire passé de niais à curieux devint presque affamé lorsqu'il entendit le mot « cadeau ». Un cadeau, ça ne se refuse pas, même si n'est pas à vous qu'on l'offre. Aussi, le blondinet ne perdit pas de temps pour aller récupérer l'objet.

D'abord le pas peu assuré, peur d'être découvert, il se pressa dès qu'il n'aperçut plus personne au lieu d'origine de la conversation. Ses yeux brillèrent de bonheur lorsqu'ils se posèrent sur le nouvel item que possédait la statue au milieu des carpes. Un chapeau de pailla ! Exactement ce qui lui manquait ! Autant dire qu'il s'en attifa, tout fier de son nouvel attirail et en plus, heureux de la protection du soleil que ce dernier apportait. Loin dans l'esprit du shinigami, un souvenir venu du fond des âges éclata à la surface de sa mémoire temporaire. Un ordre inscrit dans sa tête à force de centaines d'heures à apprendre les us et coutumes de la haute noblesse.

C'était particulièrement rare que le jeune homme se souvienne de quelque chose dépassant sa sortie de l’hôpital, trois ans auparavant. Alors quand cela se déroulait comme ce jour-ci, cela revenait le frapper avec d'autant plus de force. Une vrai baffe mentale et cette baffe, avait un titre: Remercier la personne qui te fait un cadeau. Alors, alors, le shinigami fonça pour retrouver son généreux bienfaiteur. Ce n'était pas très difficile, il y avait très peu de personnes dans les divers jardins autour de la statue et l'homme s'éloignant de dos, tranchait sérieusement avec les shinigamis habituellement présents. Midorima aurait pu simplement se dire qu'il ne l'avait jamais vu mais ça ne traversa même pas son esprit....

Le membre de la kyuubantai s'élança, courant à travers la pelouse avant de disparaître de quelques shunpo. Bras grands ouvert, un seul mot émergeant de sa gorge, il arriva telle une torpille sur le désormais capitaine de la seconde division. L'idée de base était simplement de prendre l'inconnu dans ses bras pour le remercier chaleureusement. Comment cela avait tourné en une percussion en bon et de la forme... difficile de dire. Le fait est que le blondinet arrivait aussi vite qu'il lui fût possible, visant le dos de l'homme aux cheveux blancs prêts à l'encastrer un peu plus loin dans le sol si cela avait ne serait-ce qu'effleurer son cerveau.


-MEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEERCI !

Il cheminait maintenant avec détermination lorsqu'un boucan de tous les diables mit fin à ses réflexions. On aurait dit qu'un marsouin était atteint d'une crise d'angoisse. Il n'en fallait pas plus pour le mettre sur le qui-vive. Se retournant vivement, en position d'attaque, le Capitaine se retrouva nez-à-nez avec...un zozo en plein bond, bras grands ouverts et chapeau de paille sur la tête. Chapeau de paille sur la tête?

- Hey mais c'est...

Et ce fut le choc, inévitable, à cette distance, avec l'effet de surprise. Tout juste eut-il le temps de placer sa paume devant lui, emprisonnant le visage de sa Némésis à bonne distance du sien, rendant leur position à eux deux somme toute confortable, lui sur le dos, bras tendu, l'autre à moitié en l'air, gesticulant sur le Kyuusei pour le saisir de ses membres graciles. Et bien sûr, le chapeau de paille, s'agitant en tous sens. Dans la vie, il en avait vu des vertes et des pas mûres, mais cet énergumène là, il faisait aussi bien dans le paysage qu'un Arrancar loufoque dansant dans le Yermo. Il avait fait quoi, au juste, pour que ce genre de chose lui tombe toujours sur le coin de la figure? Il avait déjà assez de cas cliniques à gérer, et son ancien ami et mentor au tranchoir n'était pas le dernier.

- Eux...y s'rait temps de se détendre un peu, l'épileptique, c'est pas la journée des enfants au bureau.

Se relevant péniblement, tout en relâchant l'épouvantail, après s'être assuré qu'il allait se tenir à bonne distance, Noboru épousseta sa tenue, laissant un grognement s'échapper alors qu'une partie de son haori était couverte de vert, issu du gazon sur lequel il avait été trainé. Superficiel? Non. Passer pour un guignol qui fait des galipettes dans l'herbe, c'était pas une affaire d'état, mais c'était pas non plus le cadet de ses soucis. Il était déjà en mal de crédibilité par rapport à lui même, alors se rajouter des handicaps ne faisait pas partie de son cahier des charges. Ni des handicapés, d'ailleurs.

- T'es quoi, exactement, le mec qui sonne les cloches? Le jardinier zen? Non, ça c'est pas possible, t'es aussi zen qu'une gerbille sous piment. Tu sais que le chapeau était placé là où tu l'as trouvé pour une raison, Docteur Maboule? C'est pas pour que le premier pécor venu se paie le luxe de le taxer.

Il mettait des gants, là. En temps normal il aurait tapé. Mais là, il n'était pas chez lui, d'autant que la Neuvième était de plus en plus hermétique aux intrusions d'éléments perturbateurs. Il ne voulait pas ouvrir le bal de son mandat avec un rapport disciplinaire. Ça non. Aussi jouait-il la carte de la discussion.

- Alors on va tous être gentils au pays des petits poneys, et on va aller replacer le chapeau sur la statue de la nana aux gros seins et à l'air constipé, d'accord? Allez va, après t'auras le droit à une glace, si t'es sage. A moins que tu préfères des têtes de poissons, mais je peux trouver ça, aussi...

Teippei regardait Noboru avec de grands yeux remplient d'étoiles. Sa bouche affichait un sourire allant d'une oreille à l'autre tandis qu'il voyait en l'argenté l’équivalent d'un messie. Une aura aurait pu se dégager de sa silhouette musclée que cela ne l'aurait pas dérangé. Le nouveau capitaine de la deuxième division aurait pu également distribuer des pains comme son homologue mais pour le coup, cela aurait probablement plus embêté le jeune blondinet. Faut dire que plusieurs dents en moins rendaient son sourire beaucoup moins beau.

-C'est vrai ? C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai ? De la glace ? Tu vas me donne de la glace ?

Toutes les voix étaient d'accord. Le mec aux cheveux gris était un gars bien. Un gars qui fait tourner des sucreries ne peut pas avoir de méchant fond. À moins qu'il ait un long manteau et peu de sous-vêtement mais c'est un autre débat. Débat que discutaient une demi-dizaine de voix dans un coin du cerveau du shinigami de la neuvième...

-T'es vraiment gentil toi ! Moi je suis Midorima Teippei. Je suis le cinquième siège de la Kyuubantai. J'étais caché pour pas qu'Ils me trouvent et c'est pour ça que j'ai tout vu. Me donner ce chapeau c'était vraiment sympa. Vraiment, vraiment sympa.

La situation devait paraître particulièrement étrange à quiconque passerait dans le coin. Un jeune homme d'apparence adulte, remerciant un capitaine du Gotei treize de lui donner de la glace... pas sûrs qu'il y avait un précèdent dans l'histoire de la soul society. Encore plus lorsqu'on connaissait les antécédents entre ledit capitaine et certains membres de la neuvième division. Midorima s’arrêta d'ailleurs dans ses paroles un moment, son front se plissant tandis qu'une moue interloqué venait remplacé son sourire. Tout autour de lui, le ciel était moins bleu, les fleurs moins éclatantes, les oiseaux moins chanteur.

-Des têtes de poissons ? T'es pas un peu bizarre toi par hasard ?

Son messie venait de perdre son aura. Les voix étaient déçues, tout comme le shinigami aux cheveux dorés. Lui faire miroiter tant de bonheur pour lui enlever si rapidement était cruel. Une des voix déclara alors que pour un capitaine, ce genre de comportement n'était pas très digne. Qui mangeait des têtes de poissons de toute façon ? Un instant, toutes parlèrent en même temps, cherchant à savoir si mêmes les chats dédaignaient ce repas ou non. Faute de s'accorder, elles revinrent à la réflexion précédente. L'ensemble avait bien pris cinq minutes, cinq minutes durant lesquelles Midorima avait laissé son regard s'égarer sur le paysage, proposant de temps en temps une solution à voix haute pour ses colocataires mentaux. Une fois le calme revenu, ce qui est très relatif, il sembla enfin remarquer que la personne en face de lui était toujours là.

-Les voix disent que t'es capitaine mais t'es pas mon capitaine... t'es qui ? Tu fais quoi là ?

Sa paranoïa mis de côté, Teippei n'est pas quelqu'un de suspicieux mais quand on se trouve face à un mangeur de tête de poisson, valait mieux être sur ses gardes.

Et voilà le jackpot. Ce qui semblait être un simple d'esprit s'égailla à la mention des sucreries. C'était aussi simple que ça? Pas si sûr, sachant où il se trouvait. Même si ça semblait pas raccord avec ce que pouvait renvoyer Tenzen au monde extérieur, qui pouvait dire si ce n'était pas encore l'un de ses tours, histoire de rendre ces quartiers aussi plaisants aux hommes amènes de la Onzième que le Tartare lui même? En tout cas, le Kyuusei eut vite confirmation de ses pires craintes. Cinquième siège? Cette remarque lui arracha sa plus belle onomatopée spirituelle.

- Guh?

Du grand art. Il avait littéralement le sifflet coupé. En fait, il s'était juste retrouvé complètement démuni devant la situation. Ça collait pas! D'autant que le gars disait se cacher pour pas qu'on le trouve. Un taré échappé de la Douzième? Peut être un ancien combattant qui avait quitté les quartiers médicaux de la Quatrième et se prenait maintenant pour quelqu'un d'autre. Ouais, peut être un syndrome post traumatique, genre "youhou! maintenant je suis un oiseau!".

- Bon, dis moi...

Il se faisait une nouvelle fois couper la parole, l'autre se foutant maintenant sur la défensive. Mauvaise idée, le coup des têtes de poisson. Il avait oublié que les tarés n'ont pas le même humour que le commun des mortels. Ou des mortels morts. Enfin bref. Des questions, des questions, de la suspicion maintenant. Il allait quand même pas se faire chier sur les bottes par un type qui courait après les voitures en stationnement!

- Hey, le globule, les voix elles te disent comment faut se comporter avec un Capitaine? Je crois qu'en plus ton Capitaine est très à cheval sur la politesse, non?

En fait non, ça allait le braquer. Le mec était une anguille. Spirituellement parlant.

- On va faire un truc. Je me mets pas à gueuler à la ronde que j'ai trouvé ta cachette, comme ça les "autres" te laissent tranquille. En contrepartie, tu surveilles le chapeau sur la tête de la statue pour moi. Deal? Tu vas devenir un grand gardien, mon pote!

Pas mal ça, le brosser dans le sens du poil. Et puis, s'il tergiversait trop, le balancer aux autres. Ou le choper par la peau du cul et aller l'encastrer dans le bureau de Tenzen...non, il pouvait pas. Il pouvait pas!

- Je reviendrais souvent vérifier que la statue à son chapeau pour pas prendre des coups de soleil. Et si je vois qu'elle va bien, je te ramènerais des douceurs, c'est sympa ça non? Et pas de têtes de poissons, ça non. Beurk.

Il avait l'impression de régresser, là. L'autre était dangereux pour la santé. Du genre sangsue spectrale qui vous bouffe votre énergie et votre santé mentale. Le genre de type qui ne devait pas battre la campagne. Mais oui! Oh qu'il était con. Cette situation ne pouvait pas rester en l'état. Un fou au sein des armées du Gotei? Et Noboru qui voulait négocier avec? Nan mais il était con ou quoi? Il s'était imaginé pendant une temps...

- J'aimerais pas la jouer fouille merde, mais y a un taré qui se balade dans les jardins zens de vos quartiers les mecs! Un certain Midorima Teippei qu'a pas l'air d'avoir pris ses pilules!

Vu comment il avait beuglé pour se faire entendre, nul doute que même le stoïque Yakushiji avait du sortir de sa léthargie. Il avait bien fait de se secouer les puces, c'était quand même le type responsable du bon fonctionnement des choses en interne. Ça aurait fait tâche si d'aventure il avait laissé un demeuré se promener sans laisse...

-DEAL !

Teipei tapa fortement dans la paume du capitaine pour entériner l'accord entre les deux parties. Un « grand gardien ». voilà qui était classe. Voilà qui avait de quoi gonfler l'orgueil et la fierté du schizophrène. Certaines voix crièrent au piège mais le jeune homme les ignora superbement. De plus, si sa cachette restait secrète alors c'était tout benef !
Malheureusement, le bonheur ne pouvait durer et le dit piège finit par se refermer sur le pauvre garçon. Un « je te l'avais bien dit » sonna fort dans ses oreilles sans qu'il puisse rien y faire. Le Midorima, paniqué après l'alarme sonnée par Noboru tourna la tête dans tous les sens, priant pour ne voir personne venir.

Il ne s’inquiétait pas plus que ça des shinigamis de sa propre division mais plutôt des « autres ». Eux, ses poursuivants, les voleurs de petits enfants, ceux qui habitent dans des assiettes et qui placent des sondes dans des endroits où le soleil brillait rarement. Des larmes pointaient déjà aux yeux du malade tandis que les mots s'échappaient de sa bouche comme si les voix dans sa tête en avaient pris le contrôle.

-nononononononononononononononon...

Le niveau de panique atteint un nouveau niveau, explosant le baromètre. Teipei se projeta sur Noboru, attrapant le capitaine par les pans de son haori. Ses yeux s'étaient écarquillé laisser apercevoir des veines rouges dans ses pupilles mauves. Respirant bruyamment, son cœur battait la chamade tandis que le peu de rationalité que son esprit était parti par la fenêtre.

-Ils vont venir ! Ils vont venir ! Kesketafaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

Le Midorima lâcha le capitaine aussi soudainement qu'il l'avait attrapé. Pour le premier, tout c'était passé en quelques secondes, l'espace d'un instant, d'une pensée. Pour d'autres, comme pour le directeur de la seconde division, peut-être tout cela se passait au ralenti. Peut-être avait-il le temps de se faire un café, lire le « shinigami contrebandier » volume deux et de revenir. Peut-être préférait-il se laisser agripper, jugeant le fou...et bien fou, un simple insecte s'égosillant et peu menaçant. Toujours est-il que le membre de la Kyuubantai le relâcha. Il recula même de plusieurs pas, le sang battant ses tempes, le coupant du monde extérieur. Sa propre vision se couvait d'un voile sombre alors que son reiastu grimpait furieusement.

Le corps du shinigami s'entoura de cette étrange lueur qu'est le reiatsu libéré dans l'atmosphère. Le violet qui était la couleur de base se teinta de touches noires assombrissant l'ensemble parallèlement à Teipei perdant les pédales. À cause de la panique, il se faisait submerger par sa paranoïa. Son regard sautait d'une ombre à une autre, les surveillants comme si sa vie en dépendant.

-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

La goutte d'eau qui fait déborder la parano. Une phrase qui ne veut rien dire mais s'applique à merveille. Tournant le dos à Noboru, le Midorima dégaina son sabre, se jetant tête en avant devant un mur végétal et commença à tailler de-ci, delà les bambous qui n'avaient rien demandé à personne. Quelques secondes plus tard, alors que certains se seraient calmés, lui passa à un autre coin, un parterre de fleurs qu'il décapita d'un large mouvement d'épée. Ainsi le fou refit le jardin zen à sa propre sauce, transformant le coin de paradis en un cimetière de plantes en tous genres. Même le petit ruisseau eut son compte lorsque le schyzi planta son sabre dans le sol avant de tendre le bras vers ce qu'il estimait une menace.

-SHAKKAHO !

La boule rouge, le concentré de flamme fusa vers le cours d'eau, projetant de l'eau tour autour du point d'impact, détruisant les cailloux dans le lit. Enfin calmé, à bout de souffle, le reiatsu du jeune homme se calma pour revenir à un niveau plus habituel. Le jardin n'était plus qu'un champ de bataille, notamment la dernière intervention du dieu de la mort qui avait propulsé une trombe d'eau en direction du capitaine de la seconde division....

Dommage. C'était le mot. Comme dans "Dommage, en fait y a plus de cookies dans le pot, et j'avais justement un petit creux". Ledit Midorima machin avait d'abord opiné du chef, se vouant gardien éternel de la statue au chapeau de paille, mais les beuglements du Kyuusei l'avaient mis dans un état de stress qui frisait la crise d'angoisse. Ou qui était même en plein dedans. Visiblement, les voix dans sa tête n'étaient pas là que pour le décor. Elles craignaient du boudin, et poussaient le petit bout d'homme à céder à sa paranoïa. Véritable thérapie pour le Vif Argent, qui se croyait incurable de ce côté là. On a tendance à se croire doté d'une tare, jusqu'à croiser l'individu improbable qui vous montre ce qu'extrême signifie dans ce cas précis.

Si d'aventure l'autre avait été agressif aux yeux du Capitaine, il se serait retrouvé avec les deux poignets pétés. Ceux là même qui agrippaient son haori, alors que le petit singe pleurnichait à chaudes larmes sur l'apparition des Autres, ceux responsables de tous ses maux, à en croire l'apoplexie qui le gagnait. Il devait giter de la coque, vu le peu d'inquiétude à l'idée d'agripper un Maître du Hakuda de cette manière. En tout cas, ce fut vite fini. Peut être une mouche gigota à la périphérie de sa vision. Peut être une feuille morte tomba avec un peu trop de véhémence. Toujours est-il que l'instable lâcha son vis-à-vis pour faire appel à son énergie spirituelle, qui se manifesta aux yeux de Noboru sous la forme d'une aura mauve, lardée d'une noirceur glauque. Et c'est l'arme au clair qu'il se précipita en avant, soit à l'opposé du Vif Argent, pour aller refaire une beauté au paysage. Il sucrait les fraises, le petit. Quoiqu'il aurait été plus juste de dire qu'il ratiboisait le tout, au ras des pâquerettes. Ce n'était pas un danger en soi, puisque personne n'était là pour souffrir de son accès de folie. Mais cette manifestation à elle seule justifiait d'intervenir. C'était bien beau de se la jouer jardinier paysagiste, mais le jour où un type se ferait raccourcir le trognon, tout le monde tomberait alors des nues. "oh bah, je comprends pas comment ça a pu arriver". Le genre de phrase qui donnait envie au Kyuusei de foutre des bourre-pif.

C'est donc calmement que le Vizard entreprit de se baisser pour ramasser une tige de bambou proprement sectionnée - l'autre de toute manière était tout occupé à faire bouillir l'eau du bassin à coup de shakka-ho. Et c'est tout aussi calmement qu'il s'approcha du sauvage petit démon sans queue, qui en était au stade de l’essoufflement post-traumatique. La vague soulevée par l'attaque le percuta de plein fouet, ajustant son état vestimentaire à celui, général, du jardin autrefois zen. A ce stade, il avait dépassé l'énervement, et avançait avec la détermination glacée d'un commando. Il mènerait sa mission à bien, quoi qu'il lui en coûta. C'est donc tout proche du taré, visiblement en état de choc, qu'il fit pivoter le bambou dans sa paume - qui était jusqu'alors utilisé comme un bâton de marche, inoffensif - pour administrer une frappe cinglante en direction de la tête du jouvenceau.

- Maintenant on va se calmer, le débile! Par mon autorité, je te fous au trou jusqu'à ce qu'on ait un éclaircissement sur ton état, gamin! Tu seras relâché une fois que la Douzième, ton Capitaine, et surtout moi même, auront donné notre consentement! Alors maintenant tu vas te laisser faire, que j'te maitrise, ou ça va chier pour de vrai!

Il plaisantait pas. Il était même prêt à lui foutre une râclée, ici, dans les quartiers de la Neuvième, malgré l'état de vigilance à son égard et à celui de son ami de la Onzième, pour mener à bien son travail. Car il était ici question de bien faire son boulot. Et de le faire quitte à briser les membres du petit homme pour lui éviter de recommencer ses gesticulations. De toute manière, tout le barouf qu'avait fait l'autre rameuterait assurément toute la Division dans son ensemble. Ce serait l'occasion d'agir en toute clarté.

- Si j'avais su que Tenzen gardait des gars dans ton genre au sein de la Division de la Justice...et bah elle est belle, la section des enquêtes!

Teipei entendit un craquement. Puis sentit une intense douleur dans tout le bas de son visage. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était allongé dans l'herbe, le nez en sang. Un sang qui avait un appréciable goût de lavande au demeurant. Il allait le faire partager à qui de droit, c'est-à-dire n'importe qui lorsque Noboru traversa les quelques mètres entre lui et le lieu où le coup de bambou avait projeté le cinquième siège. Se relevant difficilement pendant que l'argenté le dévisageait de haut, le schizophrène ne put que supporter l'engueulade et les menaces que le chef de la seconde division lui promettait.

-Au trou ? En prison ?

Le Midorima cligna les paupières à un rythme soutenu tandis que son cerveau tentait de comprendre tous les tenants et aboutissants de l'affaire. Sans grand succès. Tout au plus comprenait ce qui lui pendant au nez. Pourquoi ça par contre...

-Mais c'est pas toi la police. Nous on est la justice. On attrape les méchants et toi... bah tu es très méchants.

Le blondinet voulut se relever dans une optique naïve d’arrêter le coupable à ses yeux mais son corps retomba lourdement dans l'herbe, un son cristallin n’arrêtant pas de sonner dans ses oreilles.

-Oulah.

Aussi décidât-il de répondre le cul par terre, à défaut de pouvoir se relever. Les voix dans l'esprit du jeune homme gueulaient toutes dans la même direction celle du vif-argent. L'insultant de nombreux noms d'oiseaux et autres bestioles nauséabondes. En tout cas jusqu'à ce que Teippei regarde autour de lui et l'état du jardin.

-Wowowowowo... C'est toi qui as fait ça ? Le capitaine va pas être content là ! Tout le monde sait qu'il tient à ses jardins zen ! Même si c'était pour me défendre des autres, cela va pas passer là, nonononononon. OMAGAD ! T'as même fait déborder le ruisseau. T'es foutu mec, Fou-Tu !

Le membre de la Kyuubantai se releva, tremblant et doucement pour mieux contempler le bordel qu'était devenu le jardin. Une véritable apocalypse. Selon lui, ça ne pouvait être que l’œuvre du capitaine à ses côtés. D'une parce qu’il ne pensait pas avoir le niveau, de deux parce que le jardin ne lui avait tout compte fait, rien fait. Le vif-argent par contre...qui sait ce qu'il avait contre les herbes, les fleurs et les cours d'eaux ? Il était peut-être totalement contre l'écologie ou la zen attitude promut par le capitaine mono-sourcil. Si ça se trouve, il avait même pris un coup de branche en venant ici .

-Pfiouuuu... non c'est pas bon ça... tu devrais fuir tant qu'il est temps ! Vite avant qu'ils arrivent ! Si ça se trouve, ça va même être le lieutenant, lui il est teeeeeeeeeeeeerrible. Il fait froid dans le dos. Je crois que c'est parce qu’il a trop de cheveux. On dirait une fille un peu. Tu crois qu'il a du shampoing ? Allez Fiou ! Vas t'en ! Cours Forest, file comme le vent, vol Superman !

Le délire. L'autre avait rien compris à la sentence qui venait de tomber. Il sucrait vraiment les fraises, le gamin. Le genre de truc qui fait quand même un peu froid dans le dos. A se demander comment il avait passé les épreuves pour bosser dans cette taule. Aussi quand l'autre entreprit de le contredire, arguant qu'il faisait partie des forces de l'ordre, l'autre ne pu s'empêcher de répondre du tac au tac.

- Nan gamin, t'es pas la justice, toi, t'es juste un type à qui l'on a pas donné ses cachets, et un gilet qui s'ouvre pas. Regarde toi en plus...tu tiens même pas debout. Ah bah elle est belle la Neuvième!

Ça il l'avait déjà dit. En même temps, il avait été tellement échaudé par sa dernière altercation avec le Lotus qu'il en gardait un certain ressentiment. Il allait attraper l'autre par la peau du cou pour le trainer chez lui quand l'indigent se rendit compte du massacre perpétué un peu plus tôt sur la flore du coin. Une vraie perle, ce type. Et en plus il faisait dans le déni. C'était pas une épine que Noboru avait dans le pieds, mais plutôt un sequoia, à ce stade. Dans le genre arbrisseau qu'à bien bu tout son soûl, et qui fait de l'ombre à ses aïeux. Il dut se pincer l'arrête du nez, pour repousser la migraine à venir.

- Je me demande même comment t'as pu te retrouver ici et tenir si longtemps...t'as pas des pilules à prendre, le clown? Allez hop, on s'arrache. P'tet que le mitard te rendra la mémoire, le jardinier.

Et sa grosse paluche attrapa le col du zouave. Il se contenta alors de trainer le petit diablotin tandis que celui-ci continuait à déblatérer son charabia, visiblement dans son monde.

- Mais ouais, je sais, le Kagura il fait froid dans le dos...mais tu lui diras toi même, hein, lorsque tu seras au pain sec et à l'eau...oh merde.

Justement, ledit Vice Capitaine se pointait, sûrement attiré par le bruit du carnage. Un manque de bol flagrant, puisque maintenant c'était à lui de reprendre l'affaire. Chaque Capitaine était roi dans sa Division, et le protocole voulait qu'on passe par leur intermédiaire pour le genre d'affaire qui venait de se dérouler. Ça aurait été ailleurs dans le Seireitei, ou le Rukongai, le Vif Argent aurait pu faire marcher sa justice. Mais là...

- Kagura Fukutaisho! J'ai là un petit singe enragé de chez vous qui vient de bousiller le jardin du vieux à coup de shakka-ho. Comment se fait-il qu'il y ait des tarés dans son genre au sein de la Neuvième? Une bonne blague sur la Justice aveugle? Je venais rendre mes hommages à Aono, j'ai pas été déçu. Ce mec est ingérable.

Tout le monde savait que le Kyuusei était un vrai naze question Kidô. Une preuve irréfutable de la véracité des faits. Restait plus qu'à laisser Kamui se charger de Bozzo.

- Vous direz à Tenzen que c'est pour ce genre de bévue que j'avais prévu de compulser ses dossiers, hein. Parce qu'il est peut être partisan de ne rien faire jusqu'à ce que quelque chose arrive, mais ça lui à couté son petit jardin zen. Comme quoi, on peut être vieux et apprendre encore...bref, je vais pas vous embêter plus avec mes grognements, il est tout à vous!

Il avait lâché son ballot pour le laisser aux pieds de son interlocuteur. Il imaginait déjà le froncement de sourcil magistral que l'autre allait se payer lorsqu'il aurait vent de l'affaire. Savoureux...mais un coup d'épée dans l'eau. Tenzen était aussi imperméable à la remise en question que Shinjirô à la comptabilité. Et, comme d'hab, Noboru se retrouvait à patauger dans la merde. Sa destiné aurait dû l'amener à tenir les égouts au sein de la Quatrième, il aurait été le champion des réseaux souterrains.

- Vous trouverez mon rapport sur votre bureau à la première heure. Je vous souhaite bien du courage!

Et sur ce, il s'apprêta à partir. Franchement, ils pouvaient se la jouer, les mecs de la Neuvième. Il géraient rien du tout, en fait. Que du vent, des vrais charlots!