Je sortais de la grotte, observant cette lune éternelle rapidement avant de regarder mon homme s'enfuir au loin, en l'espace d'une seconde, je me retrouvai devant lui. Mon visage habituellement souriant ne l'était plus du tout. J'étais en mission, la pitié, les sentiments n'avaient plus leur place. Je me savais largement supérieure à lui, mais je ne lui laissais pas la moindre chance de s'en sortir, méthodique. Je soufflai une plume en direction de son genou qu'il prit sans pouvoir s'en défendre.

» Rien ne sert de courir, ce n'est qu'une peine inutile.

Pourtant, mon indication n'y fit rien : il tourna à droite et continua de courir, bien que cette fois, il était par moment titubent, ma plume était bien logée et devait le faire souffrir, surtout s'il comptait fuir longtemps. Je n'étais même pas passé sous mon plumage étincelant. Mes plumes n'avaient aucune propriété. Je sortis une nouvelle plume de mes cheveux et la souffla pour la loger directement dans la patte d'oie, neutralisant entièrement sa jambe droite.

Je me déplaçai jusqu'à lui en marchant, mes bottes s'enfonçant dans le sable blanc. J'étais lente, il pouvait sentir le glas sonner lentement au plus profond de son coeur. Il se tourna et m'envoya un énorme cero. Dans le vide, je venais de me déplacer aussi rapidement que le vent, mon sonido n'allait pas se laisser abuser par un scientifique de bas étage. De plus, il venait visiblement de m'envoyer tout ce qu'il avait, explosant une dune au loin.

» Futilité.

En écrasant sa tête dans le sable de mon pied. Le fait que je n'aie pas à faire exprimer mon pouvoir prouvait la faiblesse de cet homme. Après tout, ce n'était pas son rôle. Lui n'était que la partie scientifique de la trahison que son groupuscule comptait projeter. Se rebeller contre notre roi ne leur appartenait pas. Ces fourmis insignifiantes n'avaient pas à juger bon de qui les gouvernent.

Mon fleuret sortit s'enfonça lentement dans sa nuque. Sans la moindre forme de respect, j'attrapai sa masse chevelue et le traînai à travers le désert jusqu'à sa grotte. Là, une dame sortit et m'accosta comme si j'étais la dernière des mendiantes et que je vagabondais dans le coin, histoire de remettre les pendules à l'heure je jetai le corps du scientifique dans les airs pour qu'il s'écrase près d'elle, une façon directe de lui montrer que je n'étais pas quelqu'un à toiser de la sorte.

» Je suis la Decima Espada. Je te propose de décliner ton identité, jeune fille. Je viens d'exécuter un traître et tu n'es pas à un endroit que je qualifierai d'approprié pour quelqu'un d'innocent.

Une nouvelle fois, je mentais sur mon titre. Étant seule, je n'allais pas me prétendre la fraccion de quelqu'un, je ne pouvais que rabaisser mon niveau à celui du dixième membre de notre ordre. C'était une manière de diminuer la menace planant autours de moi.

» Néanmoins, je ne suis pas une personne idiote et encline à la violence, les coïncidences peuvent arriver et je suis tout à fait disposée à t'écouter, même avec la façon directe dont tu fait preuve.

Je me permis un premier sourire de la journée. J'étais réellement avenante avec les personnes d'un moindre niveau et je n'avais pas à me battre pour savoir qui m'était inférieur. Ceci étant, je ne me permettais pas un droit de suffisance, non, je les traitais avec le respect que tout un chacun méritait.

Je souris en l'écoutant, c'était une jeune femme expressive et assez directe. Ce n'était pas vraiment ma façon d'être, mais j'étais à l'aise avec ces personnes, au moins, ils étaient francs. D'ailleurs, elle ne me surprit pas vraiment lorsqu'elle évoqua le nom de Yammy, son supérieur lorsqu'elle était encore Fraccion. Ainsi je pouvais trouver des Arrancars d'une certaine puissance ici ? Peut-être pouvais-je limiter mes interventions à Karakura afin de trouver des déserteurs au joug d'Aizen.

Je ne réagis pas plus sur la brusquerie et le dédain incroyable qu'elle manifestait envers la personne qu'elle était venue trouver. Une nouvelle fois, je ne pouvais pas croire que cette jeune femme était capable de faire cette comédie pour se désunir du scientifique. J'adorais lire en les gens comme dans un livre ouvert. Certes chez elle, je lisais une sorte de brouillon un peu difficile à tirer, mais c'était sûrement sa vraie nature : une fonceuse.

» Jeune Kuma Hisari, d'une façon ou d'une autre, la liberté n'existe pas. Nous sommes toujours enchaîné à un idéal, un suzerain, une personne, un monde. L'autonomie individuelle, soustraite à l'absolu, n'existe pas. Actuellement, tu es une Números, tu n'es donc libre que d'une façon limitée. Tu y gouttes comme si c'était le cas, mais tu comprendras vite qu'au final, tu n'as que le sentiment d'être libre. Le tout est de comprendre et d'accepter sa servitude, offrir ses chaînes à quelqu'un en qui on a confiance.

Je devais me servir de ses expériences passées pour lui faire comprendre et celle de l'ancien Decima (vraiment Decima lui) était un moyen extraordinairement bon pour lui faire avaler la pilule. D'autant qu'elle semblait avoir une dent contre lui, exalter son dégoût ne serait qu'un détail rapidement franchit.

» Yammy tenait ta laisse, fut-ce un temps. Mais il n'a pas su gagner ton respect. Tu étais dans une soumission oppressante. Comme tout animal en laisse, si on gagne sa docilité par la crainte, dès qu'on lui tournera le dos, il mordra. Traite le avec respect et sa docilité sera éternelle. Un être comme Yammy était, comme tu l'as souligné, trop idiot pour le comprendre.

Malheureusement pour cette jeune femme, j'avais un talent de détection et d'analyse extrêmement poussé et je décelais en elle une forme de crainte muette, j'étais pourtant assez avenante. Je devais la rassurer si je voulais gagner entièrement son attention. Je n'étais pas du genre à philosopher des jours pour faire comprendre ma vision du monde. Si j'accaparais toute son attention, elle boirait mes paroles. C'était ça que je voulais. D'ailleurs, je ne craignais pas vraiment le mouvement de révolte qu'avait voulu lancer ce scientifique. Si tout ses contacts étaient aussi fort que lui, je pourrai les écraser d'un doigt.

» N'aie crainte. J'en ai terminé de mon travail ici, je te considère comme en dehors de ceci et détachée de toute forme de responsabilité. Je dirais, au pire, que tu n'as été qu'utilisée par ce scientifique.

Elle m'avouait avoir faim, je n'étais pas idiote et j'imaginais que cela devait venir d'un garganta. Après tout, si elle avait eu besoin d'un gigai, ce dont je ne parvenais pas à comprendre l'intérêt, mais soit, c'était pour le monde des humains. Ses intérêts s'y trouvant, elle n'aurait pas attendu des mois avant de voir le scientifique. Donc, sa faim devait venir de l'invocation du portail la ramenant ici, au Hueco Mundo.

» Si tu as faim, ne cherche pas trop longtemps, je viens de t'offrir un repas.

En donnant un coup de menton dans la direction du scientifique mort. Après tout, si de son vivant il avait projeté une abjecte révolte, de sa mort, il pouvait encore servir. Être nourriture me paraissait une manière adéquate de se repentir de ses crimes. Je restais souriante et je frottai mes cheveux, observant Hisari avec sympathie.

» Tu n'es pas obligée de répondre, mais l'utilisation d'un gigai pour nous, êtres supérieurs, m'intrigue. Peux-tu éclairer ma lanterne ?

Lentement, cette jeune fille perdue - car elle l'était au plus profond d'elle-même - se confiait à moi, se vendait presque. Le hasard avait bien fait les choses : m'étant présentée en tant que Decima, elle prenait son ancien maître comme point de comparaison. Et, en toute vérité, je ne souffrais en rien dans celle-ci face à l'ancien Espada de la rage. Seule mon mensonge premier risquait de me faire défaut, mais il suffisait de bien lui expliquer pourquoi j'avais fait cela et le tour en serait jouer. C'était particulier, j'avais cette attitude maternelle envers les inférieurs et celle-ci semblait en mal de repères.

Restant silencieuse, je la laissai manger. J'aurais pu partir, mais j'avais un grand intérêt pour cette Números. Suffisant pour que je lui offre un repas après tout. Personne mieux que moi saurait la manipuler, cette jeune femme était trop naïve pour tomber en d'autres mains. J'avais son respect et je savais que je n'en abuserais pas, contrairement à certains de mes pairs. Son caractère était différent du bien et de celui de Sebastian, mais elle serait parfaite au sein de mes Hijos. Non plus adapté à ma philosophie que fraccion.

D'un sonido, je fus sur elle, ma main sur sa joue, elle me défiait du regard et ma main lui empêchait de toute façon de tourner la tête, je souriais, mais mon regard était grave.

» Vois, jeune Kuma Hisari, nous sommes tous prisonniers de quelque chose. Toi tu es prisonnière de ta honte, ton but est de laver ce déshonneur. Je reconnais ne pas pouvoir le comprendre. Mais autant te défaire de cette image de faiblesse. Je dois reconnaître que l'ancien roi Aizen a fait un excellent travail avec ses Arrancars, ce sont tous de belles et puissantes expressions de suprématie. Notre roi, Grimmjow, n'est-il pas issu de cet homme après tout ?

Doucement, affectueusement, je lui tapotai la joue en souriant. Elle se prenait la tête pour bien peu de chose, personne ne lui critiquerait ses origines arrancars ou bien peu seraient ceux à le faire et ce n'était pas moi qui allait commencer ce jeu idiot. Il n'y avait qu'une seule réalité : la force. Qu'on l'aie obtenu seul ou grâce à quelqu'un ... peu importe ! Le principal est de connaître sa place dans notre monde avec la force qui est nôtre actuellement.

» Ne te vexe pas, mais tu es jeune. Trop jeune pour être vraiment libre. De nombreuses chaînes te lient sans que tu le saches. Dont la chaine de l'ignorance, j'en ai peur. Tu es jeune et bien des choses t'échappent encore. Je crains que tu aies encore besoin de quelqu'un pour te tendre la main et te montrer où regarder.

Une certaine mélancolie m'envahit alors. Recoller les morceaux avec sa vie d'antan ? C'est vrai que j'aurais bien aimer savoir qui j'étais. Avais-je fait du mal ? Du bien ? Était-je connue ou une illustre inconnue ? Tant de questions auxquelles je ne trouverais jamais la réponse. Ce sourire triste mua sur mon visage, le désespoir était la seule et unique réalité de notre monde. Toute chose finissait pas s'éteindre, tout rêve par se briser, toute suprématie par être renversée. Nos buts, louables ou égoïstes, étaient au final vain. Les flots nous recouvriront et personne ne se souviendra des hommes et des femmes ayant relevé le Hueco Mundo.

» Je suis heureuse que tu aies découvert ta nature de ta première vie, mais ne t'encombre pas trop de ces détails, ce qui compte, c'est ton futur. Tu pourras regarder mille fois le passé qu'il ne changera pas. Tes choix n'auront de l'impact que sur l'avenir et uniquement sur lui.

J'étais comme tout un chacun, je voulais réaliser mes rêves, même si ma voie était de bien pauvre augure. Pourtant, il s'accordait parfaitement à mon style de combat : une prise, lente, de conscience. Quiconque me combattait comprenait que ses jours arrivaient à leur fin, lentement, sadiquement presque. C'était ça aussi la voie du désespoir.

Cette jeune fille, je lui ferai son éducation. J'en étais convaincue, ce n'était en rien impossible, ce n'était pas de "l'espoir", mais un fait. J'en étais sûre à présent, du bout de mes doigts, je relevai son menton pour la regarder dans les yeux. Je me voulais omniprésente maintenant que j'avais embrumé son esprit de mes douces paroles. Quoique douces, elles demeurèrent vraies. Je n'aimais pas mentir aux gens qui m'accompagnaient, d'ailleurs je devrais lui dire la vérité sur mon chiffre. Chaque chose en son temps.

Pour le moment, la rassurer. C'était là la première chose à faire, lui faire comprendre que j'étais un sanctuaire paisible. Hisari n'était pas l'arrancar la plus puissante et j'étais ravie de voir que, malgré sa brutalité, elle n'était pas aveugle à cette composante. Cette lueur d'intelligence faisait que cette jeune femme pouvait apprendre moi. Il était temps de lui apprendre qui était l'ancienne Espada, cela pouvait la rassurer encore plus que jamais.

» Non seulement notre roi en est issu et la plupart de l'ancienne Espada également. Tous sauf un en réalité. Je pense que tu n'as pas à rougir de ce fait. Un arrancar n'est pas jugé sur ses origines, mais sur sa force. Grandis, regarde l'avenir. Le passé n'a pas d'importance. Je sais que tu t'en sens libérée. Qu'est-ce que cela signifie ? Que le passé est une entrave à la puissance !

Mon regard flamboyant restaient calé dans le sien, mon sourire gravé sur le visage. Dans un sens, je tentais de la charmer, la séduire pour qu'elle rejoigne mes rangs. Cette jeune femme n'était pas du tout comme moi et je pense que cette différence nous serait profitable. Après tout, elle pourrait se battre sous mes ordres, c'était le genre de personne qui devait aimer faire couler le sang.

» Je suis particulièrement patiente, quelques siècles d'attente, ça aide.

Dis-je sur un ton plaisantin alors que cette phrase était lourd de sens. Surtout si elle regardait l'avenir comme précédemment conseillé. Jusqu'où allait sa volonté puérile de liberté ? Jusqu'au déni de son ignorance ? Car ce serait le cas si elle préférait refuser ma proposition. D'autant plus maintenant qu'elle avait reconnue ses faiblesses. Ce qui, à mes yeux, restait une très belle preuve de maturité pour son age. Combien d'Arrancar avec son existence se montrerait à ce point humble ? Car elle m'avait montré l'étendue de son arrogance avant de baisser la tête.

» Tu as compris des choses aujourd'hui. Ce n'était pas une perte de temps, je pense que rester est plutôt bénéfique, surtout si tu comprends que ma présence est une aubaine pour toi. Mais je vais t'avouer une vérité. Je n'aime pas me battre, ceci étant dit. Si cela doit arriver, je préfère avoir l'avantage. Pour cela, j'ai tendance à provoquer l'ennemi à se dépenser directement ce qui est, contre moi, une erreur.

Je me doutais qu'elle ne devait pas comprendre l'intérêt de cette tirade, sans connaître mon style de combat, cela n'avait pas beaucoup de sens, néanmoins, ce n'était pas cela que je voulais lui expliquer. Je voulais lui avouer mon mensonge.

» Pour provoquer mes ennemis, je leur donne l'eau à la bouche. Je diminue volontairement ma puissance. J'informe d'un fait erroné. Lequel ? Je ne suis pas la Decima, mais la Quinta Espada.

Hisari était une jeune arrancar tout à fait mignonne, naïve. C'était amusant de voir que tant de forces pouvait être contrôlé par une enveloppe si juvénile, si peu détentrice de connaissance. Cela n'était pas bien grave, je sera son puits de savoir, je serai son guide. En échange de quoi, elle sera ma fraccion. Un sacrifice bien mince selon moi. Enfin, c'était à elle de prendre cette décision, évidemment.

Malgré tout, son manque de clairvoyance devait rapidement être endigué. Faire jouer son boulet à Las Noches ? Comptait-elle si vite perdre la vie, là-bas, il y avait des gens de ma puissance et, malgré toute sa fougue, Hisari ne pourrait rien contre ceux-là. Au final, devenir fraccion lui assurait une sécurité supplémentaire. Tous savaient la haute estime que j'avais de mes fraccions, les traitant comme mes enfants, les attaquer revenait à m'attaquer moi. Oui, je ne cherchais pas en eux des gardes protecteurs, mais des talents à développer pour demain.

» Ils ne chassent pas pour la différence. C'est tout. Cela ne veut pas dire que tu ne seras pas chassée car certains aiment traquer et tuer. Tu n'es pas réellement plus en sécurité, tu restes une arrancar d'un niveau élevé et tu attiras les convoitises, indéniablement. Après tout, je te désire également.

Je dévoilai mon plus beau sourire avant de partir dans un véritable éclat de rire, cette jeune femme était fraîche. C'était particulièrement onctueux à observer. L'horreur du monde ? Inexistant pour elle. La finesse des mots ? Incompréhensible. Je posai doucement ma tête sur le côté, gardant un sourire en coin. Vraiment, cette jeune femme était amusante à bien des points de vue.

Néanmoins, je ne cherchais pas à la vexer et mon attitude générale tendait à lui prouver. J'allais rapidement clarifier la chose en tapotant doucement le sommet de son crâne. D'ailleurs, je pris parti de croire qu'elle avait réellement vu en moi un adversaire dangereux et qui n'en disait pas assez sur sa réelle personnalité.

» Ne le prend pas mal, mais tu as ce côté "Yammy" en toi. Une véritable force brute, dénué de finesse. Mais ce n'est pas grave, nous avons chacun nos faiblesses. Par contre tu as ce petit côté animal qui semble de donner de l'instinct. C'est bien. Et utile.

Finalement, elle s'accrochait fermement à la perche tendue. Je n'avais qu'à la ramener à moi pour cueillir le fruit convoité. C'était beaucoup plus simple ainsi : j'avais envie de l'avoir dans mes rangs et elle désirait un guide spirituel. Officiellement, elle serait ma fraccion, mais ce titre n'était pas réellement lourd à porter avec moi en tant qu'espada, j'étais réellement avenante et tolérante envers les miens, même si il ne valait mieux pas me mettre en colère. Personne n'avait réussit à le faire. Certains désiraient voir ce que "cela fait", d'autres prient pour l'éviter à tout prix.

Ma main, alourdie d'une puissante aura se posa sur la tête de la jeune femme. Mon sourire s'estompa, prenant des airs solennel. Oui, j'adorais cette position fort chrétienne. Je n'en savais trop rien, mais c'était sûrement le miroir de ma vie d'antan.

» Kuma Hisari, en ce jour, tu deviens ma Fraccion. Je serai pour toi un guide et un refuge accueillant. Tu n'auras plus à être tourmentée car à présent, tu es à moi. Tu m'appartiens et ainsi, personne n'osera te disputer ou te convoiter. Si cela venait à être le cas, le courroux de la Quinta serait terrible.

Et voilà, c'était fait. Je venais de faire de cette jeune femme ma fraccion.