De chair et d'acier [Akihiko]

Sujet: De chair et d'acier [Akihiko] Mar 10 Déc - 23:59

Le papillon lui était parvenu quelques heures plus tôt, et avec lui la réponse attendue. Certaine d’être à présent reçue, Asuna avait rapidement préparé ses papiers, ses arguments, et son personnage. D’un pas lent, statique, où chaque pas fut mesuré avec une précise raideur, son Haori flottant sur les épaules, son arme lui battant les hanches, elle se rendit aux quartiers de la Douzième Division. Sur le chemin, elle ne prêta aucune attention à ceux qu’elle croisait, d’apparence du moins. Elle fit mine de ne pas voir les quelques saluts timides des soldats, ce qui ne l’empêcha pas de retenir chaque visage, chaque empreinte spirituelle, afin de lister ceux qui la craignaient, ceux qui ne tarderaient pas à le faire. Être au centre d’une telle attention avait perturbé la jeune femme les premières semaines, que les sentiments ainsi nées fussent une fascination morbide, une angoisse respectueuse, ou le plus profond des mépris hypocrites.
Lentement, la jeune femme apprenait à jongler des impressions laissées auprès d’autrui, plus sûrement de jour en jour. Invisible pendant plus de vingt cinq ans, être ainsi projetée sur les feux de la rampe pour bouleverser son public lui prodiguait une joie bizarre. On attendait d’elle que son règne sur la Quatrième soit aussi marquant que son ascension, elle s’accorderait à répondre à ces attentes avec le plus grand soin. Ce fut la tête pleine de pensées incongrues qu’Asuna parvint à destination.

Les gardes la laissèrent entrer sans même lui demander le motif de sa venue, son habit faisait force de passe-droit. Une nouvelle fois, elle s’étonna de la valeur accordée à un simple bout de tissu, symbole dont elle comprenait la portée mais pas la signification. Elle s’arrêta dans l’entrée, patienta un peu jusqu’à ce qu’on la remarqua, et se tourna vers la scientifique venue à elle. Asuna l’informa de son souhait de voir son capitaine, la siège s’exécuta promptement pour le satisfaire. En quelques minutes à peine, elles furent devant le bureau. La femme pris congé, laissant seule Asuna avec ses dossiers, ses appréhensions.
Elle se souvenait parfaitement de Kirito Akihiko. Cette fameuse soirée où des Gillians venus en masse les menacèrent tous deux, fait déjà incongru en soi, mais bien moins que l’homme en question, alors encore simple siège. À l’époque déjà, il était remarquable. Moins que pour le zèle qu’il mit à dépecer les Hollows que ses curieux allers-venus entre différentes personnalités, l’une affable quand l’autre provocante. Ce dont elle se rappelait parfaitement, l’essentiel en vérité, demeuraient les menaces proférées à son égard pour contraindre son silence. Du temps où elle aussi n’avait un grade de grande importance, son secret valait alors mille fois la vie du scientifique. Asuna l’avait épargné pour une raison qui aujourd’hui lui semblait bien floue. À présent, elle ne savait trop comment se solderait leur échange : s’il serait teinté de sarcasmes comme pour leur précédente rencontre, ou bien d’une cordialité feinte, chacun faisant mine d’oublier qui était l’autre.
Toutefois, Asuna savait qu’il s’intéressait suffisamment à elle pour au moins daigner écouter ce qu’elle avait à lui proposer. Voilà tout ce qui importait, au demeurant. Le reste n’était que bruit. Elle frappa sèchement à la porte. On lui dit d’entrer, ce qu’elle fit. Avant même d’apercevoir son interlocuteur, elle perçut un changement profond de nature dans son aura spirituelle, qu’elle identifia sans mal pour l’avoir vu à l’œuvre de près. Le visage impassible, elle déclara avec la plus extrême cordialité :

« Vous avez changé, Capitaine Kirito. »

Lorsque la demande était arrivé le capitaine scientifique en avait été assez surpris de par sa soudaineté. Il avait évidemment accepté car rien ne justifiait un refus de sa part et puis depuis qu'il avait appris que son ancienne connaissance était devenue capitaine à son tour il savait que cet instant allait venir. Pourtant Kirito avait beau s'être fait à l'idée il appréhendait cette rencontre. Il n'avait pas peur de la capitaine qui allait venir d'un instant à un autre, mais ce qu'il craignait plus en réalité c'était ses propres réactions face à la shinigami de la quatrième division. C'est que tous deux avaient un passif plutôt chargé... Bien qu'ils ne se soient pas croisés souvent leur première rencontre s'était terminé par une menace de mort de la part de la jeune femme, qui avait d'ailleurs bien amusé la personnalité brutale de notre jeune héros. Mais désormais les deux protagonistes appartenaient aux plus hautes sphères du Gotei 13 et le secret que Kirito était censé protéger avait volé en éclat car Kuragari Asuna avait fini par quitter l'ombre et avançait maintenant sous les projecteurs.

Akihiko fit préparer un plateau avec du thé puis il continua à travailler attendant son invité. Soudain Iruzen, son assistant, passa la tête par sa porte annonçant que la capitaine de la quatrième division était arrivée. Kirito rangea alors quelques papiers puis il attendit patiemment. Il ne s'écoula même pas une minute avant que quelques coups secs résonnèrent sur la porte.

Entrez, je vous prie.

Alors que Kirito annonçait ceci ses yeux passèrent immédiatement du gris étincelant au bleu azurs. Cela ne dura que l'espace d'une seconde à peine car juste derrière les yeux gris refirent leur apparition. Akihiko, le tranquille, était déterminé à mener cette rencontre, les deux dernières fois c'était la personnalité brutale qui était aux commandes mais désormais les choses avaient changées et il ne pouvait plus se permettre de laisser l'autre bourrin compliquer la situation. Ce fut alors de avec son regard acier que Kirito fixa la capitaine de la quatrième division qui entrait dans son bureau et qui commença la discussion d'une bien surprenante façon.

Je peux vous retourner le compliment Kuragari-Taïshô. De l'eau à coulé sous les ponts depuis notre dernière rencontre mais je pense pouvoir affirmer que de nous deux vous êtes celle qui a le plus changé.

Akihiko se leva soudain, il s'approcha de deux fauteuils qui siégeaient dans un coin de la pièce. Entre les deux se trouvaient une table basse avec un plateau sur lequel siégeait deux tasses et une théière. Kirito se plaça à côté du fauteuil le plus proche de Asuna et le tourna légèrement. Puis d'un geste de main il invita sa collègue à prendre place et lorsque cela fut fait il alla s’asseoir dans le fauteuil en face. Kirito ne souhaitait pas mettre un bureau entre eux deux car cela aurait placé Asuna en infériorité par rapport à lui. Il préférait ainsi commencer cette rencontre sur un pied d'égalité, l'un en face de l'autre.

Même si vous ne venez pas pour cela, souhaitez-vous boire un peu de thé ?

Akihiko attendit la réponse. L'on pouvait penser qu'il essayait d'amadouer Asuna mais il n'en était rien. Le capitaine scientifique savait qu'un tel comportement ne ferait pas illusion car il avait face à lui une manipulatrice de premier ordre. Aussi après s'être assis au fond de son fauteuil Kirito enchaîna soudain sur une question bien plus personnelle.

Pardonnez ma curiosité mais... Qu'est-ce qui vous a poussé à sortir ainsi de l'ombre ? A moins que vous n'ayez pas eu le choix, je ne vois pas d'explications plausibles et je vous avoue être fort intrigué. Ce n'est pas comme si j'avais oublié votre menace de mort si jamais je venais à révéler votre pouvoir latent qui, à l'époque, était déjà bien trop puissant pour votre grade.

Akihiko afficha un petit sourire. Les pieds dans le plat, ni plus ni moins. Mais ses propos étaient calmes et dépourvus de toute menace, il s'agissait juste de bien montrer qu'il n'y avait pas de faux-semblant entre eux deux et d'ailleurs il doutait que la jeune femme répondrait à ces questions, après tout elle ne venait pas pour cela à l'origine. Cependant, dans le doute Kirito souhaitait poser ses questions. Puis Kirito enchaîna alors avec une autre question, d'ordre professionnel cette fois.

En quoi puis-je vous aider aujourd'hui ?

« Non merci, pour le thé, répondit cordialement la jeune femme.

Elle s’installa à l’endroit indiqué par son hôte, y prit ses aises sans pour autant quitter des yeux son interlocuteur. Ses dossiers posés sur les genoux, elle croisa ses mains par-dessus comme pour les protéger de la curiosité de l’homme. Pour ce qu’Asuna en savait, celui face à elle devait être le plus cordial, d’un caractère tout en douceur et en délicatesse, à l’inverse de celui plus fonceur et provocant de son alter égo aux yeux d’azur. Elle le dévisagea sans s’en cacher, prenant bien soin de méditer chaque réponse qu’elle lui fournirait, pesant ce qu’elle devrait lui dire, lui cacher, et songea surtout à ce qu’il pourrait faire pour tenter de l’atteindre. Dans cette dernière optique, Asuna n’était pas inquiète, quoiqu’il lui apparût judicieux de rester prudente.

- Je ne vois pas de quelle menace vous parlez, Capitaine, dit-t-elle d’un ton se voulant surpris.

Asuna savait que son mensonge n’abuserait clairement pas le scientifique. Mais si d’aventure leur entretien se trouvait être enregistré, au moins ne pourrait-il rien retirer de ce dernier. Elle se baissa légèrement pour épousseter négligemment le bas de son habit. Se redressant nonchalamment, elle s’attarda à regarder la pièce d’un air vaguement intéressé, sa crinière blonde lui cascadant entièrement sur le coté droit du visage qui, de profil, ne laissa plus qu’entrevoir le nez, la naissance des lèvres, et une pupille bleutée à l’ombre d’un front sans relief marquant.

- Je n’ai fait qu’endosser un Haori alors que vous avez changé jusqu’à votre nature.

Asuna étudia du coin de l’œil l’aura de l’homme où s’agitaient des fumerolles d’une énergie laiteuse, sinistre, qui évoquait par de nombreux aspects les dunes froides, la nuit éternelle, d’un monde vide et creux. Sa voix se couvrit d’une complicité murmurée, et Asuna demanda :

- Cela fait de vous un monstre à présent, n’est-ce pas ?

La pique lancée, sans réelle agressivité, écarterait peut-être la trop grande curiosité de Kirito. Ou peut-être pas, mais au moins aurait-elle tenté. Elle fit de nouveau face au Vizard et soutint son regard paisiblement. Bien moins indocile que lors de leurs précédentes rencontres, Asuna se sentait pousser des ailes, ange qui s’envolait enfin après un temps trop long au sol pour découvrir et maîtriser son milieu naturel. Celui du pouvoir.

- J’aurais souhaité parler à Tsunemi Ai mais j’ai cru comprendre qu’elle était portée disparue. Est-elle morte ? Sans attendre de réponse, Asuna poursuivit, je m’intéresse de très près à une opération qu’elle a mené sur la personne de Kireru Reisen, ancien Capitaine de la Treizième division avant son incarcération. Celui-ci a perdu un bras au cours d’une bataille, un autre lui a été greffé.

Asuna leva les yeux au plafond, songeuse. Ses doigts caressèrent la couverture épaisse des dossiers sous eux sans que leur propriétaire ne donnât l’impression de s’en rendre compte. La tête ployée en arrière, la jeune femme découvrait sa gorge pâle ainsi que le prolongement de la chair, plus bas, vers la poitrine, dont le décolleté, savamment étudié, en laissait voir suffisamment pour attiser l’envie mais pas assez pour la satisfaire. Jugeant le temps accordé au spectacle suffisant, Asuna se releva dans une posture plus roide :

- Je souhaite que nos deux Divisions respectives se penchent sur la question des greffons mécaniques. La chair est faible, l’acier solide. Nous avons des infirmes incapables de se battre à cause de membres manquants, il est l’heure de leur retrouver une utilité. La Quatrième possède le savoir médical, la Douzième celui de la science.
Qu’en pensez-vous, Capitaine Akihiko ?, conclut-elle sur un fin sourire, celui-là même qui, des mois plus tôt, avait fait vibrer l’homme d’un désir sans fard. »

Malgré la réponse de Asuna, Kirito se pencha vers la table basse et servit deux tasses. Il en laissa une sur le plateau, au cas où sa collègue change d'avis en cours de route, quant à la seconde il la pris dans ses mains et goûta à l’arôme du thé tout en écoutant la capitaine réagir à ses propos. Un sourire en coin se dessina sur les lèvres de notre jeune héros lorsque la jeune femme démentit le fait qu'elle l'avait menacé. Mécanisme de défense et de protection à coup sûr, la jeune femme se méfiait sans doute de lui et il était vrai que reconnaître avoir menacé un shinigami peut entraîner quelques problèmes. Pourtant...pourtant elle ne craignait rien face à Kirito qui n'en avait pour ainsi dire plus rien à faire de cette histoire. Oui pendant un temps cela lui avait pesé sur la conscience mais depuis il avait eu à faire à des choses bien plus graves et préoccupantes ainsi il ne gardait aucune rancune vis à vis d'Asuna et il n'essaierait pas de la piéger. Cependant, il gardait toujours une fascination pour la jeune femme qui était un mystère de part son existence même. Son esprit scientifique était piqué au vif car il ne parvenait pas vraiment à déterminer les motivations et les buts de cette femme.

Puis soudain Kirito compris qu'Asuna faisait référence à son Hollow intérieur. La capitaine n'avait pas perdu la main en ce qui concernait l'analyse du reiatsu manifestement. Akihiko l'écouta alors le traiter de monstre et son sourire s'agrandit alors.

Un monstre dites-vous ? Je ne serais pas si absolu que ça...

Akihiko ferma les paupières l'espace d'une seconde et un événement rare se produisit alors. Il se trouvait dans une situation inconfortable, d'un côté sa personnalité calme cherchait la diplomatie et voulait connaître la raison de cette venue de l'autre la personnalité brute de Akihiko ne souhaitait que répondre aux provocations de Asuna. Ce conflit interne mena à la fusion entière, mais temporaire, des deux personnalités en une troisième. Lorsque que Kirito rouvrit les yeux son œil gauche arborait toujours une teinte acier tandis que l’œil droit luisait d'un bleu azur étincelant. Les deux yeux de capitaine de la douzième division s'ancrèrent profondément dans le regard d'Asuna qui n'était plus aussi vide qu'autrefois.

Je n'ai pas changé de nature, disons que j'ai juste accepté un locataire de plus.

Un sourire mystérieux apparut sur les lèvres du capitaine scientifique.

Ce nouveau venu peut sembler en effet monstrueux mais ce n'est pas lui dans cette pièce qui m'intrigue le plus. Sans compter que vous avez esquivé mes questions Kuragari-taïshô.

Cette fois le sourire d'Akihiko se fit plus franc. Il regarda avec intensité Asuna la détaillant de haut en bas et s'attardant sur ses courbes sans se laisser prendre au jeu de la séduction. Ce jeu là manifestement la manipulatrice semblait le maîtriser à la perfection et Kirito se doutait que la chute brutale du capitaine de la septième division avait un rapport avec ceci. Malgré tout Akihiko stoppa son raisonnement là car Asuna expliqua finalement pourquoi elle était venu. Et le moins que l'on puisse dire c'est que le sujet l'intéressait grandement. Laissant la capitaine exposer sa demande Akihiko l'écouta tranquillement tout en sirotant son thé. Puis lorsque sa consœur lui demanda soudain son avis, affichant le premier sourire depuis qu'elle était entré dans le bureau, le capitaine scientifique lui rendit ce sourire puis déposa sa tasse. Il croisa ensuite les jambes réfléchissant à ce qui venait d'être dit. L'allusion à la disparition de Ai et l’emprisonnent du Reisen sonnait comme des provocations pour Kirito mais sa conscience scientifique avait étouffé ses sentiments intérieurs et il se concentrait sur la proposition faite par Asuna. Au bout de quelques secondes Kirito pointa d'un doigt les dossiers que la capitaine de la quatrième division semblait protéger et pris la parole.

J'ignore ce que vous savez au juste mais dans le doute je me dois de vous informer que Tsunemi Ai a conçu et posé cette prothèse avec mon aide. Ceci explique d'ailleurs autre chose, si j'ai été recruté en tant que vice-capitaine de la treizième division c'est parce que Kireru Reisen avait vu en moi du potentiel mais surtout car j'étais l'une des deux personnes à la Soul Society à comprendre le mécanisme de ce bras et donc pouvoir le réparer ou l'améliorer en cas de besoin. D'une certaine manière cette prothèse était un prototype et en devenant vice-capitaine pour cet homme j'ai en réalité accepté de participer à une expérience sur le long terme en surveillant de près l'évolution de ce bras.

Akihiko marqua une pause laissant ainsi le temps à Asuna d'ingérer les informations sachant que parmi ces données là la jeune femme ne pouvait pas tout connaître. Après tout, durant son temps à la treizième division il avait abandonné sa blouse de scientifique mais par réflexe il avait continué à rédiger des comptes rendus qu'il gardait précieusement et qu'il n'avait pas mis à la disposition de sa division. Seul Tsunemi avait connaissance de l'existence de ces rapports...

Le prototype dont nous avons équipé l'ex capitaine de la treizième division a très bien fonctionné, la greffe fut bien menée et Kireru Reisen s'en est parfaitement accommodé. Par ailleurs, ce bras était aussi muni d'un système de filtrage du reiatsu dont l'ex-capitaine a parfaitement réussi à faire usage. La seule chose dommage est qu'avant d'être incarcéré Kireru Reisen se soit lui-même arraché la prothèse ce qui nous empêche de dire si cette possibilité de greffe est fiable dans le temps. Ce que j'en pense donc en définitive c'est que les greffons mécaniques sont une réalité par conséquent si je peux apporter mon aide pour rendre ces greffes plus stables et plus efficaces ce serait un plaisir. Comment proposez-vous que l'on collabore ?

Kirito s'arrêta là même si dans son esprit trottait l'image de son cinquième siège, Dakufôgi, qui prouvait à lui seul que la chair pouvait être remplacée par l'acier. Mais c'était là un long sujet de discussion et il y avait encore un peu trop de mystères autour de cet homme pour que cela puisse servir la science.

Asuna assista au spectacle offert par son vis-à-vis sans laisser transparaître une once d’émotion. Il niait, c’est tout ce qu’elle retint de son propos. Qu’il s’amusa à jouer sur les mots, Asuna n’en eut cure : l’être qui lui faisait face était un monstre, exclu du commun, exclu à jamais de la race des Dieux de la Mort. Sa nature était autre, cela était un fait, si obscur par ailleurs que la jeune femme ne chercha pas à pousser la question, puisqu’elle savait foncer tout droit dans un mur aux limites de sa compréhension. Du reste, elle s’en moquait, aussi, éperdument. Sa seule véritable interrogation portait sur cet étrange phénomène de colorations changeantes au niveau des yeux du Vizard. Elle se demanda avec cette curiosité enflammée et cet esprit froid, logique, ce qu’il adviendrait si, là, maintenant, elle lui arrachait des orbites les globes oculaires. Qui serait-il, alors ?
Elle fut suffisamment polie pour ne pas pousser le questionnement jusqu’à son expérimentation. Elle se saisit de la tasse et étouffa sa moue déçue dans le thé brûlant.

En public attentif, Asuna écouta le reste du discours ; elle mit de coté ce qu’il lui parut inutile, et nota tout ce qui ne l’était pas. Son seul semblant de regret fut de ne pas en savoir plus sur le sort de Tsunemi. Et sa seule contrariété, l’insistance d’Akihiko à lui arracher des réponses. La jeune femme reposa la tasse sur la table dans un geste langoureux, calculé, long si long qu’il parut s’étirer pendant des heures. Quand elle eut fini, Asuna croisa les jambes ainsi que les doigts :

« Je n’y ai pas répondu, à vos questions, oui.

Elle ne le fit pas plus. Son regard d’iridescence bleutée se plongea dans celui d’ambivalence bigarrée d'Akihiko, une étincelle de défi dans les prunelles.

- J’ignorai que vous aviez été lieutenant, dit-elle sans hausser de ton. Je suis heureuse que le projet vous intéresse, et vous semble viable. Le fait d’avoir participé à ce prototype sur votre Capitaine permettra de ne pas repartir de zéro. Pourriez-vous me fournir les plans de ce bras ?

Sans attendre de réponse, Asuna déposa sur la petite table ses dossiers en prenant soin de les tenir éloignés du thé.

- Voici ma propre participation. Il est évidemment hors de question que les soldats valables du Goteï servent de cobayes aux expériences. Mais nous ne pouvons pas vérifier que les implants sont sans conséquence s’ils ne sont pas testés sur des sujets vivants.

Elle se tut quelques instants. Voilà bien l’instant qu’elle appréhendait le plus, celui où Akihiko devrait faire tomber le masque pour se révéler dans toute sa force, ou sa piteuse faiblesse. Aux yeux d’Asuna, peu de personnes se trouvaient capables d’aller jusqu’au bout de leurs engagements, en dépit des cris véhéments, des reproches, du sens moral merdiquement fade. Ils étaient bien rares, ceux à avoir véritablement le sens du sacrifice. La jeune femme découvrirait sous peu si l’homme appartenait à cette catégorie précieuse.

- Il s’agit de dossiers de patients de la Quatrième Division dont il n’y a plus rien à attendre. Blessés au cours de missions, de l’invasion Quincy, d’accidents en tout genre, ils ont en commun un profond coma et aucun n’a montré le signe d’un réveil proche. Certains sont là depuis des décennies, d’autres depuis des siècles. Nous sommes pressés par la guerre, ce que nous avons besoin actuellement, c’est de soigner au plus vite ceux qui peuvent l’être, non la charge de ruines du passé.
Vous avez donc ma permission pour récupérer ces patients à la Quatrième et d’en disposer comme il vous convient, pour peu que cela serve le projet. »

Un mystérieux sourire apparut sur les lèvres de Kirito tandis que sa consœur confirmait ne pas répondre à ces questions et qu'elle continua dans cette voie. Manifestement ce n'était pas aujourd'hui qu'elle lui en dirait plus et après tout cela ne le regardait pas. Tant que la capitaine de la quatrième division tenait son rôle il n'avait pas de raison de s'inquiéter outre mesure. Lui connaissait la part sombre de cette femme c'était tout ce qui importait pour le moment. Faisant fi de ces interrogations personnelles ainsi que de la moue de sa collègue accompagné du fait qu'elle buvait finalement, Kirito écouta ensuite la proposition qu'elle lui fit tout en sirotant sa propre tasse de thé. Il l'écouta avec sérieux et ne l'interrompit point tout en soutenant son regard perçant.

Lorsqu'elle eut fini notre jeune héros, qui venait de terminer sa tasse, la posa sur le plateau puis déplaça tranquillement sa main pour s'emparer du tas de dossiers qu'Asuna venait de déposer. Le capitaine scientifique ouvrit alors quelques dossiers et parcourut les pages sans que son visage n'affiche la moindre expression. Au bout de quelques longues minutes silencieuses il se leva et se rendit à son bureau sur lequel il déposa les dossiers. Il appuya alors sur un bouton qui s'y trouvait puis revint s’asseoir en face d'Asuna. Il la fixa tranquillement puis il annonça.

Merci pour ces patients, ils devraient être utiles. Par ailleurs, pour ce qui est des plans de la prothèse du Kireru je peux vous les fournir sans soucis dans les plus brefs délais.

Puis Akihiko afficha de nouveau son sourire serein avant d'ajouter.

Malgré tout laissez moi vous dire que le rôle de ces patients sera limité et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord les coûts. La greffe que Tsunemi et moi-même avons réalisé sur Kireru a été très coûteuse en temps et en moyens mais nous pouvions nous le permettre car il s'agissait d'une prothèse pour un capitaine. Par conséquent, il est hors de question de gâcher trop de temps et de matériel sur ces patients. Les greffes que nous testerons sur ces hommes et femmes dans le coma ne seront que limitées et serviront uniquement à tester le facteur de compatibilité et d'adaptation.

Akihiko marqua une pause puis il resservit les tasses et s'empara de nouveau de la sienne. Il trempa ses lèvres dans le liquide brûlant puis souffla dessus tranquillement et repris son explication.

La seconde raison, la plus importante, tiens au fait que si nous voulons créer des prothèses viables il nous faut des retours d'expériences. Les hommes et les femmes que vous me proposez étant dans le coma je vois difficilement comment prendre en compte leur ressenti.

Akihiko ancra alors ses yeux vairons dans ceux de sa consœur et ajouta.

Vous dites qu'il est hors de questions d'user de soldats valides mais je ne serais pas aussi tranché. Parmi les rangs d'une armée telle que celle du Seireitei on doit pouvoir trouver des hommes qui, tout comme le Kireru, sont prêts à prendre des risques pour pallier à leur handicap. Par conséquent, même si j'accepte donc volontiers vos patients dans le coma, permettez moi de formuler une autre requête : seriez-vous en mesure de me trouver des hommes et des femmes qui seraient intéressés par ces greffes ? Je parle ici de volontaires, non de cobayes, et j'insiste sur ce terme car il a déjà été prouvé qu'une personne qui ne consent pas à une expérience provoque un taux d'échec, et donc une perte de temps, généralement bien plus grand qu'un volontaire.

Alors que Kirito terminait sa requête deux coups secs résonnèrent à la porte qui s'ouvrit ensuite. Iruzen fit alors son apparition dans le bureau et il attendit près de la porte.

Mon assistant ici présent va se charger de rapatrier les patients que vous nous confiez. A moins que vous n'ayez changé d'avis ?

Le même sourire mystérieux réapparut aux coins des lèvres de notre jeune héros qui attendait désormais le feu vert de cette collaboration.

« Non, c’est très bien, répondit Asuna à la dernière question avec une satisfaction qu’elle ne chercha même pas à cacher.

La jeune femme exultait littéralement, non moins pour tous ces futurs soldats qui pourraient récupérer leurs membres, que pour la raison secrète l’ayant empressée de mettre en place cette collaboration avec la Douzième division. Cela était affaire de lits, simplement. Lits qui, jusqu’à présent, se trouvaient être kidnappés par quelques débris comateux, à une époque où les blessés défilaient un peu plus chaque jour. Elle avait passé nombre de nuits blanches à réfléchir à un moyen d’aménager de nouvelles places dans ses locaux, et l’idée lui était venue à une heure matinale, alors que l’aube pointait ses premiers rayons. Autant dire que la Capitaine était des plus heureuses de pouvoir enfin se débarrasser de ses patients encombrants, tout en dissimulant son véritable dessein derrière un acte d’un pragmatisme effroyable mais parfaitement justifié. Par ailleurs, elle découvrait une facette de Kirito qu’elle n’aurait pas soupçonnée : en plus d’accepter docilement les comateux, il lui proposait même l’usage de cobayes conscients, ou volontaires, comme nommés hypocritement.
Asuna n’avait fait une telle proposition puisque cela ne lui aurait servi en rien à récupérer ses couches, mais la proposition n’avait rien d’insensée. Au contraire, elle se dotait de cette logique implacable dont la Shinigami appréciait la pleine valeur.

- Je suppose…, commença-t-elle en regardant le vide, absorbée par sa réflexion, que je peux envoyer une note à toutes les divisions pour les informer du projet. S’il y a des volontaires, leur capitaine se chargera de nous communiquer leur nom.

En dépit des dires de son interlocuteur, il y avait quelques soldats qu’elle ajouterait à la liste, ce malgré leurs réticences à subir une telle opération. Asuna en parlerait à qui de droit en temps et en heure, tout en se montrant intraitable.
Elle plongea son attention dans le fond de thé qui lui restait, sans véritablement voir le liquide ondulant de plis émeraude.

- Le coût en temps est important. Il nous faudra travailler à un appareil fonctionnel capable d’être produit rapidement. Je vous enverrai certains chirurgiens pour épauler vos hommes sur les connaissances anatomiques, et tout ce qui relève du médical. Asuna leva nonchalamment les yeux. Autre chose ? »

L'accord était donné ainsi Akihiko ordonna d'un geste de main à son assistant de prendre les dossiers pour faire son travail tout en ignorant de manière royale le fait que la capitaine de la quatrième division semblait grandement satisfaite. Car cette satisfaction, visible, ne ressemblait pas à Asuna. Iruzen attrapa alors les documents puis il sortit tranquillement du bureau. Kirito écouta à nouveau sa consœur qui réagissait à sa proposition. De sa main droite Akihiko tenait sa tasse tandis que sa main gauche tapotait à un rythme régulier l'accoudoir du fauteuil sur lequel il était installé. Ce n'était pas là un tic nerveux, juste un réflexe issu d'un temps dont Kirito lui-même n'avait plus souvenir.

La note aux divisions peut être en effet une bonne idée. Je monterais une équipe qui se chargera de recevoir les volontaires et d'évaluer leur degré de compatibilité avec les expériences à mener.

C'était là une manière de garder le contrôle sur les expériences. Asuna se chargerait du recrutement mais ce serait le capitaine scientifique et ses hommes de confiance qui se chargeront d'établir avec précision quel homme sera capable de porter une prothèse. Alors que sa consœur demandait finalement s'il y avait autre chose à ajouter Akihiko, qui avait finit sa tasse, la reposa sur le plateau. Le capitaine scientifique tourna un instant les yeux en direction de son bureau.

Je vous remercie pour les chirurgiens, même si dans un premier temps je ne pense pas que nous en ayons besoin car les interventions seront limités. Par ailleurs, pour tout vous dire oui j'aimerais bien autre chose...

Les deux yeux vairons de Akihiko revinrent alors vers le visage de la capitaine de la quatrième division.

La vérité.

Le regard et le sourire de Kirito respiraient la tranquillité mais ces deux mots avaient été prononcés avec force et détermination. Asuna s'était présentée à lui aujourd'hui pour parler de ce projet uniquement. Mais le capitaine scientifique n'était pas dupe, quelque chose d'autre se cachait derrière et transparaissait derrière une foule de petits indices. Malgré tout le capitaine scientifique espérait intimement que Asuna avait quand même effectivement envie de prendre part au projet qu'elle exposait aujourd'hui et qu'elle ne masquait pas tout derrière quelque chose qu'elle n'osait pas dire. Akihiko aurait pu insister, il aurait pu lui expliquer pourquoi il la soupçonnait de cacher des informations mais il n'en fit rien. Il se contenta juste de cette demande espérant que cela ferait vraiment réagir la jeune femme qui essayait manifestement de se payer de sa tête.

Akihiko se leva de son fauteuil puis il marcha derrière son bureau. Il ouvrit un tiroir et en tira un dossier. Il revint alors vers Asuna mais au lieu de s’asseoir en face il resta debout à côté d'elle et lui tendit le dossier.

Ce sont les plans du bras-prothèse de Kireru Reisen. Vous pouvez les prendre et les étudier à votre guise, mais ne les montrez à personne d'autre.

Le capitaine scientifique marqua une pause puis il ajouta.

Que l'on soit bien d'accord tous les deux. Je ne vous fais pas confiance, tout comme vous ne semblez pas me faire confiance, et ce encore moins depuis que je suis devenu un monstre à vos yeux. Malgré tout, nous sommes deux capitaines désormais ainsi nos devoirs nous obligent à faire des compromis. Le projet que vous me présentez aujourd'hui, qu'il soit fondé sur de bonnes ou de mauvaises raisons de votre côté, m'intéresse réellement et je souhaite le mener à bien avec votre aide. La balle est dans votre camp maintenant, vous pouvez accepter tout en continuant à essayer de me prendre pour un imbécile ou alors jouer franc jeu ce qui nous fera gagner du temps à tous les deux. Je ne suis pas là pour rapporter vos faits et gestes, je suis là pour faire avancer la science.

« La vérité ?

Elle avait lâché la question sans hausser le ton, pourtant son visage se tendit sous le masque de l’irritation. Ses traits neutres se creusèrent sous l’effet d’une froide colère alors qu’un pli de mécontentement marqua son front. Ses doigts se raidirent sur le dossier qu’elle avait récupéré des mains de Kirito, trahissant une tension certaine. Quoique feinte, comme tout le reste.
Asuna quitta à son tour son siège pour se mettre au niveau de son interlocuteur, du moins autant que le permettait sa taille.

- La seule vérité qu’il y a à connaître, Capitaine Kirito, est que tous mes actes sont mis au service du Seireitei. Faites votre travail, je ferai le mien, c’est ce que l’on attend de nous. Notre collaboration fera avancer la science, et profitera au Goteï. C’est tout ce qui doit vous importer. Pas moi, le Goteï.

Elle le fixa, et l’azur de ses yeux défia l’homme de la contredire. Elle voulut parler encore mais la rage lui étrangla la gorge. Elle fit volte face et marcha d’un pas furieux jusqu’à la porte, où elle s’immobilisa au milieu du cadre. Son expression se défroissa pour retrouver son impassibilité naturelle et son regard perdit tout éclat. Elle se retourna très légèrement pour ne rendre visible que l’arrière de sa mâchoire, sa pommette, le commencement de ses lèvres et un œil pâle.

- Votre hypothèse de départ est infondée, en plus d’être idiote. Je n’ai jamais dit craindre les monstres. »

Asuna le planta là sans jamais regarder en arrière.

Sujet: Re: De chair et d'acier [Akihiko] Ven 3 Jan - 13:20

La réaction fut à la hauteur des espérances de Kirito. Non pas qu'il était content de voir cet énervement soudain, bien au contraire il n'appréciait pas vraiment énerver quelqu'un, mais en l’occurrence avec Asuna c'était différent. L'apparition d'une réaction, quelque qu'elle soit, chez la capitaine était en soi quelque chose de surprenant, quelque chose que Kirito avait voulu déclenché. Il récoltait ainsi de la colère et des paroles froides auxquelles il ne prêta pas grande attention. Lorsque Asuna s'était relevé, le capitaine scientifique n'avait pas bougé ni manifesté le moindre étonnement. Son sourire serein était toujours apparent sur ces lèvres.

Les remontrances de sa collègue il n'en avait que faire, tout ce que Kirito retenait c'était que désormais ils allaient travailler ensemble, pour le meilleur et pour le pire et c'était là une grande victoire. Certes l'entente entre les deux capitaines reposait sur un équilibre précaire, comme le prouvait cette rencontre, mais en définitive les motivations de chacun semblaient rendre possible une alliance. Alors pourquoi chercher plus loin pour l'instant ? La lueur de défi qu'afficha les yeux de Asuna amusa brièvement le capitaine scientifique qui ajouta juste sur un ton calme.

Vous avez bien raison et c'est ce que je disais. Je me préoccupe de la recherche pour le Gotei, et non de vos agissements.

Kirito regarda ensuite sa collègue faire subitement volte face, le dossier de la prothèse à la main, et se diriger d'un pas rapide jusqu'à la porte. A ce moment la personnalité brutale de Akihiko reprit brutalement le dessus, l’œil gris vira aussitôt au bleu azur et le sourire tranquille de notre jeune héros se transforma en un sourire provocateur. Lorsqu'Asuna s'arrêta dans le cadre de la porte et qu'elle tourna à peine son visage Akihiko perçut de nouveau ce regard vide qu'elle avait autrefois. Toute trace de la colère précédente avait disparu, le masque de la tragédienne était tombé et elle redevenait ce qu'elle était. Les derniers mots qu'elle prononça firent agrandir le sourire de notre jeune héros.

Cela tombe bien, les monstres ne vous craignent pas non plus.

Kirito avait lâché ces mots alors que Asuna disparaissait mais il savait qu'elle avait entendu et qu'elle avait remarqué l'émergence de la personnalité brutale. Le capitaine scientifique resta quelques secondes immobile, songeur, puis il pris son arme accroché au mur et sortit à son tour. Il avait besoin d'exercice, l'autre intellectuel pourrait reprendre la paperasse plus tard, là il voulait juste se défouler un coup...

Sujet: Re: De chair et d'acier [Akihiko]

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