Le temps est une étrange notion lorsque l'on est mort, encore plus lorsque l'on est immortel. Et quoi que puissent en dire les uns et les autres, ce concept paraît tout aussi bizarre à un mort devenu immortel. Qu'est-ce qu'une seconde, une minute, une heure, quand on peut vivre plusieurs centaines d'années, voire des milliers ? Attendez, peut-on parler de « vivre » dans le cas où on serait un esprit ? Oui, il ne faudrait pas oublier qu'un hollow, même au stade d'arrancar, est une sorte d'esprit. Plutôt maléfique, certes, ou pas, certains pouvaient faire preuve d'une étrange naïveté. Et puis ce ciel, impossible de savoir précisément l'heure qu'il était ou comment le temps s'écoulait, tout n'était qu'artifice au Hueco Mundo, bon peut-être pas tout mais une bonne grosse partie des choses. Le temps, la seule unité de mesure qu'on pourrait considérer comme légitime sous un certain angle, pouvait même passer plus ou moins lentement selon la situation. Ses applications dans le ou les mondes étaient quasiment infinies, il y avait tellement de données à prendre en compte, la perception, le vieillissement, tellement de possibilités, cela ne pouvait que constituer un sujet d'expérience des plus passionnants. Il y avait eu des centaines de savants à travers les âges qui avaient tenter de percer les mystères insondables du temps qui passe, mais jamais aucun n'avait découvert d'application réellement marrante à exploiter, les voyages par exemple, un sujet hypothétique mais néanmoins fantastique. Oui, oui, oui, tout cela pour dire que le temps, c'est génial, mais qu'Akahebi, pour d'obscures raisons, ne peut pas supporter d'attendre plus de quelques minutes au même endroit.

Las Noches était grandiose, bien sûr, rien à redire de ce côté-là, que ce soit architecturalement parlant par exemple, ces longs couloirs au style si épuré, ce ciel artificiel si banalement bleu... Bon d'accord, on pouvait facilement s'ennuyer si on ne savait pas quoi faire, fort heureusement pour notre scientifique, il avait toujours de quoi s’occuper. Et il avait d’autant plus de choses à faire depuis qu'il faisait partie de l'Espada... Ok, ce n'était pas vrai, la preuve en était qu'il était accoudé à un mur en soupirant à plein poumon, espérant ainsi chasser son malaise au loin. Et ouais, il avait abandonné son ancien territoire, véritable laboratoire géant rempli de merveilles en tout genre, et d'une multitude d'assistants surtout. Il y avait Belbi le crétin, bon qu'à dévorer les restes de ses « aventures » culturelles, Aliza la renarde, avec son masque de la forme citée plus avant, faisant honneur à son titre de la plus pure des manières qui soit : en ne servant strictement à rien. Et oui, surprise, les renards sont des nuisibles, notre joyeux luron l'ayant découvert après avoir longuement observé l'espèce lors de ses différents passages sur terre. Bref, que d'attendrissants souvenirs, mais maintenant, il n'avait plus rien. Il venait à peine d'arriver et de rejoindre l'organisation de Santo Pastor, le Rey en personne, du coup, il ne disposait pour ainsi dire que des quelques inventions qu'il trimballait sur lui en permanence et de son génie, il n'avait pas vraiment d'endroit particulier où aller. À vrai dire, il ne savait même pas si il disposait de quartiers spécifiques ! Forcément, il devait en avoir, après tout, son grade devait avoir son lot de privilèges, mais il ne s'était pas encore penché sur cet aspect de sa nouvelle vie.

Il attendait, simplement, et commençait à en avoir sérieusement marre. Mais pourquoi se torturait-il ? S'il n'avait rien à faire, il aurait mieux fait de faire quelque chose, faire pour faire, faire pour s'occuper et ne pas attendre d'avoir quelque chose à faire, franchement ! Notre gentleman devait avoir à faire affaire, battre le fer de ses pensées, faire fonctionner ses neurones et élaborer de son savoir-faire une sorte de machine à tout faire exemplaire. Il ne devait pas s'abstraire à ses responsabilités de génie, se faire l'allocutaire d'une théorie révolutionnaire !

*Houlà, je commence à divaguer moi. Faut vraiment que je trouve quelque chose à fa... Ah, crotteuh, bon, je vais me bouger, cela ne me ressemble pas de flâner comme un attardé. Avec un peu de chance, je croiserai une personne civilisée avec qui dialoguer. Ou pas... Hum...*

« - Ah ! Je me saoule moi-même ! Et je me met à parler tout seul, fantastique ! Bon, je vais aller me chercher un truc à disséquer, cela justifiera mon statut d'éminent chercheur d'une quelconque façon. Et puis si on me pose une question, je n'aurais qu'à faire comme d'habitude, à savoir... Je me taperai pas un monologue là ? »

Akahebi se mit en route en parlant dans la barbe qu'il n'avait pas, lorsqu'il était dans cet état, il valait mieux ne pas croiser son chemin. Enfin, le laps de temps pendant lequel il ne fallait pas le croiser restait relativement bas, de l'ordre de quelques secondes, son tempérament loufoque et survitaminé reprenant le dessus presque instantanément. Il n'aimait pas les gens bougons, et détestait le paraître lui aussi, même s'il avait ses moments lui aussi. Mais en général, s'il devait vraiment être de mauvaise humeur, il pétait complètement les plombs, ne faisant pas dans la demi-mesure. C'est pour cela qu'il n'était jamais véritablement en colère, il avait beau être sadique et narcissique, ces mauvais côtés, il les pratiquait sous un jour avantageux, qu'il voulait jovial et amusant... Ce ne l'était que pour lui dans bien des situations, mais l'intention y était. L'arrancar se recentra, attentif au monde qui l'entourait. Il pressentait un événement à venir, quelque chose d'extraordinaire ! Ou d'extraordinairement banal, mais son train-train allait changer, c'était sûr. Il s'ennuyait tellement que la moindre rencontre deviendrait une épique épopée à ses yeux, prêt à en faire des caisses au quart de tour. Mais qu’allait-il donc se passer ?

L’entretien avec Santo s’acheva et je repartis en direction mon laboratoire. Le Rey avait parlé et je me devais retourner sur mes plans pour y faire quelques ajustements. Hum… Mais avant je devrais peut-être voir ce Novena. S’il s’agit d’un scientifique et que Pastor l’a nommé en temps que Novena, c’est qu’il a cœur les intérêts des hollows. Donc il peut parfaitement avoir pensé à des inventions pour sois améliorer les défenses de Nacimiento ou même le quotidien des habitants de la favela. Enfin, pour l’instant ce que le peuple à besoin est d’une cité qui les protège des agressions extérieures ! De montre comme Riful ou d’être rongé par la folie comme Vilmar et là il s’agit de monstre puissant, mais venant seul… Qu’adviendrait-il de la cité si jamais une armée plus grande et globalement plus puissante venait à nous attaquer ? Il nous faut absolument de quoi les ralentir ou diminuer leur force avant que les combats éclatent.

Bon, avec de pouvoir parler avec ce Sarujie, il faut déjà parvenir à le trouver… Heureusement, des gardes du palais mon donné sa description physique ensuite de fil en aiguille j’ai fini par savoir ou il se promenait dans le palais. Certain, mon conseillé de me méfier, comme quoi il aurait des sautes d’humeur et parlerais tout seul. Personne n’a pu dire avec précision de quoi était constitué son monologue pour lui même, car aucun arrancar n’avait osé s’approcher de l’homme en question. Un comble, c’est moi la froussarde et je suis l’unique qui ose allait à sa rencontre ? Notre passion commune me permettrait de passer outre ma timidité maladive ?

Ah, le voilà, les cheveux carmin, une tête de plus que moi, des lunettes sans verre ? Un vestige de son masque ? Il reste que sa tenue est fortement portée sur la couleur rouge… Je sais qu’il va aimer mon corset, mes bottines, les dentelles de ma jupe et à mes poignés… Cela aidera avec de la chance à briser la glace… Pour ce qui est de l’individu lui-même, je constate un visage sur un cou point plus épais et une chemine assez voyante… Bon, il faut bien que l’un de nous se jette à l’eau, non ?

Bonjour… Je suis Rosalie Termerie Tercera Espada… Vous êtes bien le Novena Espada ? Hum… Vous aimez le rouge à ce que je vois…

Comment faire comprendre que vous êtes timide en moins de cinq secondes… Hélas ce qui est fait et fait. Maintenant, qu’il m’a répondu, je peux enfin entrer dans le vif du sujet…

Si je voulais vous rencontrer, hormis pour le fait de m’entretenir avec les autres lames du roi. C’est qu’il paraitrait que vous êtes un scientifique. Pouvait-vous me parler de votre domaine de prédilection en la matière ? J’ai aussi une autre question, seriez-vous intéressé à participer à un projet de défense pour Nacimiento et Las Noches ?

Et dire qu'il n'y avait même pas quelques secondes, Akahebi s'ennuyait ferme et commençait sérieusement à envisager des séances de torture tout à fait gratuites, étant prêt à prétexter n'importe quelle sorte d'expérience. Puis elle arriva face à lui, tel le messie, Rosalie Termerie comme elle dit s'appeler. Rougeoyante Rosalie, elle tapa directement dans l’œil du gentleman, il n'était pas le seul à apprécier le rouge à Las Noches apparemment, et puis même le reste de son accoutrement lui plaisait énormément. S'il y avait bien une chose qu'un arrancar de son statut appréciait, c'était l'esthétiquement beau, et il était servi... Hum, en partie tout du moins. Elle avait un côté gothique « dépressif » un peu larmoyant à y regarder de plus près, mais que voulez-vous, la perfection était elle même un suprême défaut. Il redressa ses lunettes machinalement et regarda son interlocutrice droit dans les yeux pendant qu'elle terminait de se présenter. Ouah, et pour une bonne surprise, c'en était une, la Tercera Espada, rien que ça, il était plus qu'honoré. Mais d'un autre côté, intérieurement, il se mit à réfléchir à toute vitesse. Il ne devait sous aucun prétexte se salir ou faire passer de mauvais messages avec une personne aussi haut gradé, c'était son humeur manipulatrice qui reprenait le dessus, encore une fois. Elle avait l'air timide, bien, il n'avait qu'à se comporter comme à son habitude, en revêtant son rôle de clown affable et amusant et tout devrait se passer comme sur des roulettes. Elle avait terminé ses salutations par une petite remarque sur sa façon de s’habiller, attendant manifestement une réponse afin de briser la glace. Le Sarujie, qui s'était juré d'en faire des tonnes s'il croisait quelqu'un susceptible de mettre fin à sa tourmente, ne se priva pas. Il tourna sur lui-même, se fendit d'un sourire dévoilant toutes ses pointues dents, fit une révérence des plus théâtrales puis s'exclama sur un ton diligent.

« - Effectivement, j'adore le rouge, et pas seulement la couleur my Lady Rosalie. Sarujie Akahebi, Novena Espada pour vous servir. »

Une fois la discussion entamée, son vis à vis enchaîna sur le motif de sa venue. Elle avait entendu parler de lui en tant que scientifique. Alléluia, à force de le clamer haut et fort partout où il allait depuis le peu de temps qu'il avait passé à Las Noches et dans Nacimiento, sa réputation commençait peu à peu à se répandre. Celle-ci et l'autre certainement, mais il préférait éviter d'aborder le sujet directement s'il le pouvait. Elle lui demanda ensuite sa spécialité et s'il serait partant pour un projet de défense à grande échelle. L'image du messie qu'il s'était fait d'elle ne pouvait, à ce moment précis, être plus évidente. Il cherchait désespérément un moyen de faire ses preuves, mais surtout il se cherchait un passe-temps efficace, ses déambulations continuelles commençant à l'user, à l'irriter. Et quand il était comme ça, il savait que ce n'était qu'une question de semaines avant qu'il ne déraille et se mette à commettre des atrocités pour se divertir. Mais il n'avait plus besoin de s'inquiéter pour ça, la Termerie lui servait sur un plateau d'argent de quoi mettre ces sombres pensées de côté... Pas trop loin quand même, fallait pas exagérer. Si on ne pouvait plus prendre du plaisir au travail après tout, cela ne servait à rien, sa consœur devait agréer à son opinion. Le serpent rouge mit ses pensées en ordre et répondit d'une voix enjouée.

« - Oh oh oh, vous êtes directe, j'aime ça ! Moi, je ne le suis absolument pas vous voyez, cela ne veut pas dire que j'apprécie pas ceux qui le sont, la preuve, je viens juste de dire que j'aimais ça ! Enfin bref... Passons à un sujet plus important. Votre tenue est fantastique si je puis me permettre, vous aussi vous aimez le rouge si je ne me trompe pas ! Et le noir, un classique, vous êtes très chic, vraiment superbe. (Akahebi croisa les bras, son sourire décrut sensiblement, son ton se fit très professionnel). Hum hum, vous ne vous trompez pas, je suis un scientifique, et ce depuis des siècles. Je m'intéresse à toutes sortes de choses, mais ma « spécialité » si vous voulez savoir... (Un éclair de folie passa furtivement dans ses yeux). Les poisons, l'étude et la dissection de corps, les modifications génétiques, les fluides, en gros tout ce qui touche aux matières organiques. »

Le gentleman se détendit puis reprit un air plus jovial, qui lui correspondait mieux. Remise en place de lunettes. Il se mit dos à la Tercera et fit quelques pas, s'éloignant d'elle de quelques mètres. Il devait réfléchir à ce qu'il allait dire ensuite. C'était sûr, il s'engagerait dans cette entreprise, mais de quelle façon pourrait-il être utile ? Là était toute la question. Des idées germèrent instantanément, oui c'était possible, mais non dénuées de cruauté. Une fois de plus, il fallait savoir allier travail et plaisir. Il ne savait pas encore comment son interlocutrice le prendrait. Elle n'avait pas atteint son grade sans faire de sacrifices, ou sans avoir lutté ou encore tués d'autres êtres, mais elle pouvait ne pas comprendre ses méthodes sadiques, parfois à l'excès, il s'aventurait sur un terrain miné. C'était les risques des collaborations entre grands esprits, ils devraient apprendre à faire des concessions l'un envers l'autre si ce projet devait aboutir à quelque chose de concret. À vrai dire, il ne craignait pas vraiment que sa façon de bosser soit révélée au grand jour, il n'avait jamais cherché à se cacher de quelques manières que ce soit, mais il avait peur de la réaction que pourrait avoir son Rey. Le Sarujie avait très à cœur le destin de son peuple, mais il savait aussi qu'on ne pouvait pas faire d'omelette sans casser des œufs. Et peut-être qu'au bout d'un certain nombre d’œufs cassés, Santo Pastor commencerait à le prendre très mal, spécifiquement si sa première idée devait être mise en œuvre. Bah, pas la peine de se tracasser pour ça pour le moment, il était un génie, il ne briderait pas sa créativité pour si peu ! Le Novena se retourna et avança vers sa collègue, s'arrêtant près d'elle.

« - Un projet de défense pour Las Noches et Nacimiento ? En voilà une idée fantastique ! J'ai déjà de l'inspiration, mais dîtes-moi avant... (Il se pencha vers Rosalie, il n'y avait plus la moindre once d'amusement ou de joyeuseté dans sa voix). Lorsque j’entreprends une expérience, je fais tout pour la mener à bien, et j'ai appris au fil du temps qu'on a rien sans rien. Si vous êtes prête à collaborer avec moi, vous devrez vous accrocher, quoi qu'il advienne, et j'en ferais de même de mon côté, je peux vous l'assurer... Alors, my Lady, ma participation à ce projet ne dépend que de vous en réalité, car je suis tout dévoué à notre cause depuis que je suis entré dans l'Espada. Serez-vous prête à laisser un serpent s'occuper de nos défenses ? »

Pour une fois, il avait joué cartes sur table. Mais cela faisait partie de sa stratégie, il savait intimement que Rosalie n'était pas du genre à se laisser berner par ses pirouettes habituelles. Et puis il avait trouvé un autre hollow avide de connaissances, ce n'était pas rien, lui qui pensait n'avoir affaire qu'à des rustres ivres de bataille et de domination. Il garda sa mine sérieuse et recula légèrement, sortant du cercle intime de la jolie arrancar gothique. Il ne la connaissait pas, il ne savait pas ce qu'elle avait fait ou ce qu'elle était capable de faire, et il avait plus qu'hâte de le découvrir...