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D'abord, il n'y avait rien. Ou presque. Depuis son retour au Hueco Mundo la Principessa n’avait en rien perdu de sa superbe et ce malgré les récents combats livrés sur Terre, ayant engendrés quelques blessures très vite cicatrisées. Si déambuler à nouveau au sein de l’immensité ivoire la ravissait plus que tout, on pouvait sans mal percevoir en elle une sorte d’ennui lorsque son aileron la guidait dans sa chasse quotidienne. Le gibier en ce monde n’a effectivement pas autant de saveur, la chaire souillée lui paraît aujourd’hui plus fade et noueuse que celle que l’on pouvait trouver en plein cœur de la réserve terrestre. Si seulement il n’y avait pas eu ce groupuscule armé, nul doute que ses crocs s’y attarderaient encore… Quoique. Nous pouvions ajouter comme motif de départ l’ordre de rapatriement officiel. La cause ? Une invasion imminente, rien qui puisse lui causer du souci au premier abord.

C’est pourquoi la Tercera n’avait daigné rester qu’une poignée de jours entre les murs de la Cité Blanche, le temps nécessaire à un rapport en bonne et due forme mais également un besoin de repos. Ou plutôt la détente, pratique d’un sport tout à fait singulier en compagnie de son nouvel acolyte Aleksi, au départ. Puis vint ce jour tout aussi atypique où elle fit la rencontre d’un groupe de chasseuses au détour d’une dune. Avec du recul, pas de remords quant à leur recrutement forcé puisque cela leur avait non seulement permis d’allonger considérablement leur espérance de vie, mais également de parfaire avec son aide leurs talents au combat. Et puis, voir Stup en parfaite suppléante dans le domaine de la luxure ne lui déplaisait pas le moins du monde. A défaut de rassasier la bête aliénée à ses bottes, elle bénéficiait désormais d’un appui non négligeable en cas de fatigue.

Plusieurs jours passèrent ainsi sans véritable but. Chasser, copuler, manger, se reposer, combattre et s’entraîner. Le tout en boucle, et dans le désordre total. Jusqu’à cet instant, jusqu’à la rupture braillée à pleins poumons. Le jeune fraccion ne sachant trop que faire de sa folie la tourne vers les cieux, et hurle quelque imprononçable gémissement avant de fuser vers une destination inconnue. Les cinq sirènes se regardent en arquant un sourcil (du moins celles qui le peuvent) puis, après un haussement d’épaule de l’hybride s’en retourne à leur analyse du terrain. Ce ne fut qu’après avoir effectivement entendu les premiers accords d’une musique étrange à ce monde, que Daestra pivota en direction de la source tout en dressant son index en signe de halte. Elle huma, flaira comme sur terre la trace mélodique, la suivit des sens jusqu’à parvenir au signal principal. Seuls les humains sont, à ses yeux, aptes dans l’art de pratiquer ce genre de choses. C’est pourquoi le tintamarre, redoublé par les hurlements de son abruti attitré, finirent par éveiller son intérêt. Le requin doucement s’enfonça puis disparu sous l’écorce granuleuse, non sans avoir au préalable ordonné à ses disciples de se maintenir à bonne distance.

Tapie dans l’ombre, invisible pour la plupart des êtres elle se dirigea alors afin dans un premier temps de réprimander le bouffon dansant. Ce ne fut qu’après avoir sorti la tête du sable que sa course se stoppa nette, et que ses yeux aveugles s’écarquillèrent. Sans vraiment le savoir, elle reconnut de suite l’uniforme, puis l’odeur et enfin, le grade de chacun. Sans certitudes quant au dernier point, bien que ses connaissances enfouies ne lui torturent régulièrement l’esprit. Et au beau milieu de ce qui serait bientôt le théâtre probable d’hostilités, l’improbable créature chantant et dans comme s’il s’agissait d’une parade de bienvenue. Il faudrait un jour lui enseigner, ou le laisser mourir aussi dignement qu’il a vécu.

- Est-ce ainsi que tu accueilles l’ennemi Aleksi ? Je crains qu’ils ne soient pas très à l’aise avec ton… Altruisme, si on peut le qualifier ainsi…

Puis le reste du corps suivit la couronne, pour bientôt dévoiler aux yeux des envahisseurs une sublime créature d’un blanc immaculé, d’apparence nue, ne pouvant toutefois cacher l’immense aileron dorsal ou encore ce monstrueux sourire carnassier qui l’habitait constamment. La première des cinq sirènes s’avança tranquillement tandis que les autres demeuraient hors champ, à l’abri. L’escadrille d’acier s’affairait déjà autour du groupe, plongeant parfois sous la mer de sable pour en surgir quelques secondes plus tard et reformer les rangs. Une sorte d’analyse complémentaire à celle effectuée par Daestra qui, avant de s’exprimer à nouveau contempla les deux guerriers du Gotei tour à tour, de ses orbites creuses et inexpressives.

- J’imagine que le reste des troupes ne devraient plus tarder, à moins que votre stratégie consiste en la création d’une multitude de fronts. Astucieux. Serez-vous donc mes invités pour le repas de ce soir ? J’ai grand hâte d’en apprendre un peu plus sur vous, d’aller au plus profond des choses. Ou de vos entrailles, pour commencer. Qu’en dites-vous ?

Doucement le sable se souleva autour d’elle, à mesure qu’une brume d’un rouge subtil recouvrait ses mains et s’extirpait de ses branchies costales. La Principessa était prête à dresser la table, et à attaquer par le plat principal. Les entrées ne sont généralement pas faites de viande, alors quel intérêt ?

Au commencement, il n’y avait rien. Puis vint l’heure de festoyer. Ce fut d’abord son fidèle acolyte qui le premier se lança dans la bataille, hurlant et gesticulant comme un demeuré. Déjà avant que les hostilités ne fusent dans leur direction telle une pluie de dards Aleksi montrait clairement son intention de veiller sur sa maîtresse, à son habitude, en encaissant une bonne partie de l’attaque. A moins qu’il ne s’agisse d’une manœuvre calculée de la part du musicien, allez savoir. Toujours est-il que celui-ci venait de leur offrir la primeur, un bankaï qui plus est. Cela faisait bien des années que l’hybride n’en avait vu un de ses propres yeux, toutefois sa mémoire trop affectée par le formatage en laboratoire lui empêcha de tisser le moindre lien avec son existence au sein du Gotei, chose que seul son subconscient pourrait le cas échéant lui signaler. Un sentiment de déjà vu, similaire à celui rencontré sur terre il y a peu, mais qui ici ne pointa pas le bout de son nez pour la simple et bonne raison que ses yeux ne se focalisèrent pas sur le personnage en lui-même ni sur la nature de son pouvoir.

Pourtant ses orbites caves fixèrent un instant les étranges panneaux reflétant son image difforme, son apparence monstrueuse. Cela ne lui déplut pas plus que de coutume, mais pouvait-on en dire autant de ses interlocuteurs ? A l’entendre le gradé ne la considérait guère plus qu’une simple condamnée à mort, et encore une fois la Tercera s’arma de son meilleur sourire en guise de réponse. Ces shinigamis, toujours persuadés de faire face à du bétail… Quel que soit leur niveau respectif, ils ne tarderaient pas à se rendre compte de leur erreur. Beaucoup pourraient aujourd’hui témoigner. Combattre la Principessa et sa meute en territoire conquit s’avérerait bien plus difficile que de chasser toute autre gibier de pareil acabit. Pourquoi ? Parce que leur résistance aux chocs et leur endurance surpassait de loin celle de tout autre membre d’élite du Hueco Mundo. Quant à la puissance de frappe, plus subtile, nous verrons.

Habitude aussi, de faire honneur au premier sang. Souvent la jeune femme s’expose au début des combats, jaugeant ainsi le potentiel de ses adversaires soumis à sa silhouette totalement dénudée en apparence, offerte. Une manière également de savourer la fougue des premiers instants, le doux frisson de la première bourrasque, quitte à ce que cela entame l’écorce immaculée. Ce fut donc sans la moindre esquive annoncée que Daestra vit fondre sur elle d’innombrables pétales. Là où son disciple veillait toujours à exagérer niveau cabrioles et gémissements, la jeune femme préférait l’indifférence. Aussi lorsque le nuage tranchant la percuta, il n’y eu le plus petit rictus sur son masque. Pour son corps en revanche, l’épreuve fut plus rude. A chaque nouvel impact ses talons creusèrent le sable, l’enfonçant toujours plus vers sa tanière infinie. Certains allèrent jusqu’à crever la muraille, d’où se mit à couler le précieux fluide plus noir que rouge. Puis une forte déflagration balaya la zone. Aleksi entrait dans la danse, et elle ne tarderait pas à en faire autant.

- Mais oui mais oui mon mignon, face à une femme tu auras toujours la plus grosse… Pas la peine de m’envoyer ton bouquet au visage, j’accepte volontiers cette petite danse ! Mais avant, laisse-moi te présenter ma famille, c’est ma « coutume »…

De son ignoble râtelier de crocs jaillit alors une sorte de cri strident, long, insupportable et haut perché. Un ralliement. Et lorsque celui-ci se perdit dans les ténèbres elle écarta ses deux bras avant de les claquer violemment. De la dune en arrière surgit l’escadrille d’acier, virevoltant une paire de fois autour de leur maîtresse avant de fondre à nouveau dans le sable et de former un tapis d’épines. Lequel fonça à vive allure vers le shinigamis, pour finalement disparaître. Elle reforma l’écart, mais en gardant au creux de chaque paume fermée un aileron qui se gorgea d’une brume rougeâtre pour bientôt le recouvrir entièrement et former un couple de sphères. Les poings s’ouvrirent, libérant ainsi deux Ceros qui, guidés par le noyau d’acier rejoindraient leur cible commune assez rapidement, mais par deux chemins opposés. Le temps de réfléchir à une meilleure approche, et pourquoi pas faire intervenir sa véritable famille…

Sa proie ne semblait pas apte à entamer la danse en sa compagnie. Pire, elle usa de ses remparts miroitants afin de lui renvoyer ses propres Ceros visiblement diminués par le processus. Ce qui lui fit tout d’abord arquer un sourcil, si tant est qu’elle puisse en avoir sous son épaisse armure ivoire. Ainsi donc toute attaque à base de projectiles spirituels ne ferait qu’être absorbée ou tout simplement déviée de sa trajectoire initiale. Une plaie pour des adversaires spécialistes en la matière. Or Daestra ne disposait que d’une connaissance relative dans ce domaine, il lui resterait donc quelques stratagèmes en réserve. Son fidèle acolyte dégénéré en revanche n’y prêta guère attention, et renouvela l’expérience mais avec cette fois plus de fougue. Une gigantesque boule d’énergie fusa vers l’intrus impassible, et tout portait à croire que celle-ci finirait par atteindre son but. L’ayant déjà vu à l’œuvre, la Principessa ne se faisait plus trop de doutes quant à l’efficacité d’Aleksi dont la puissance n’a d’égal que son incontrôlable folie sanguinaire.

Pour sa part l’hybride imita un temps le shinigami musicien, le fixa de ses orbites caves tout en plaçant ses deux bras tendus devant elle afin de recevoir la riposte. Très vite les orbes l’atteignirent, sans toutefois que cela ne l’affecte plus que de raison. En effet bien qu’il s’agisse de projectiles la Principessa en était la source. Leur noyau répondant à sa seule volonté, il ne fut dès lors trop difficile de les rediriger jusqu’à ce qu’ils se plantent tous deux dans une paume non sans se débarrasser de l’enveloppe énergétique au préalable, laquelle fit naître un souffle à peine gênant. Une subtile animation de sa carapace fut néanmoins nécessaire pour que ses avant-bras ne subissent aucun dommage. Pour au final se retrouver dans la situation précédente, à réfléchir sur l’art et la manière de frapper sa cible. Si l’impalpable ne pouvait clairement pas l’atteindre, restait à voir ce qu’il en serait en s’aidant de la matière.

- Bien, bien… Nous passerons donc au repas. Un peu de poisson, pour commencer ?

Après avoir ramené ses deux bras le long du corps, elle serra brutalement les poings puis les ouvrit. Quatre fragments de lame tombèrent à même le sable pour s’y enfoncer lorsque ses mains claquèrent dans un bruit sec. Il y eu une série de déflagrations souterraines soulevant chacune un minuscule nuage granuleux. Puis plus rien. Daestra, armée de son éternel sourire montra clairement son ennui face à l’inactivité de son vis-à-vis en posant son impérial derrière sur le manteau ivoire, lotus et poing gauche sous le menton. A mesure que ses protégés convergeaient vers leur proie commune, l’attraction eu raison de la jeune femme qui tranquillement s’enfonça. A moins bien sûr, que tout ce petit manège soit volontaire.

Lorsque quatre requins rouges surgirent autour du shinigami, la Tercera parût amusée. Déjà le sable lui montait aux genoux.

Enfin, il bougeait. Ou plutôt se téléportait afin d’éviter la sphère d’Aleksi, qui fidèle à lui-même retourna aussitôt vers sa cible initiale. Quant au shinigami musicien, sa manœuvre eu pour conséquence de déclencher le piège tranchant posé quelques dizaines de secondes auparavant à son insu, ce qui en plus de le lacérer par endroit offrit une ouverture non négligeable à ses petits protégés explosant au contact. Pourtant, lorsque le voile granuleux généré par ses attaques combinées se dissipa le bougre ne présentait aucune marque visible. L’hybride plissa ses orbites creuses en signe d’incompréhension, et son éternel sourire se figea l’espace d’un souffle. Quelque chose ne tournait définitivement pas rond chez lui, puisqu’à en juger par la violence des impacts n’importe quel individu se serait au mieux contenté de brûlures, de déchirures. Or ce ne fut pas le cas ici. Pire, sans même sortir de son palais des glaces ni faire preuve d’un énervement qui serait tout à son honneur l’homme claqua une nouvelle incantation. Pas de mise en garde, pas de rire moqueur, rien de plus qu’une dizaine de pieux d’énergies naissant devant lui. De l’énergie rose et dense qui ne tarda pas à fondre sur le requin à vive allure, tandis que celle-ci se redressait avec stupeur.

Fort heureusement son armada venait tout juste de reprendre position. La Principessa siffla donc comme pour leur ordonner quelque chose. Deux épais boucliers d’épines ornèrent aussitôt chacun de ses bras et se braquèrent instinctivement vers la pluie adverse. L’une après l’autre, les lames s’empalèrent sur ses pavois, avec une force telle que son corps tout entier s’ébranla au rythme des coups, l’enfonçant toujours un peu plus dans le sable. Si bien et si fort que la dernière salve finit par briser net son rempart avant de se planter sur chacune de ses omoplates, la projetant ainsi dos contre la dune.

- En voilà une danse comme je les aime… A vous foutre le cul par terre, heh… Malgré tout ça manque un peu de rythme, on va tenter d’y remédier pour voir… Les filles ?

Elles étaient là, tapies dans l’ombre depuis le départ, à observer la proie de leur maîtresse dans le but d’analyser sa façon de combattre. Leur mentor, jouait le rôle d’appât pour le bien du groupe. S’exposant sans trop répondre aux assauts, en tâtant le terrain. Pour son propre intérêt certes, mais également pour celui de ses filles en attente, prêtes à bondir. Ce qu’elles firent d’ailleurs dès les premières notes de l’appel, jaillissant à tour de rôle des flancs de la Tercera sous couvert de multiples geysers de sable. Après que le banc se soit placé pour faire front à toute nouvelle tentative, la jeune femme reprit tant bien que mal une stature convenable et s’adressa brièvement au groupe, tout en laissant suinter de ses branchies la mort pourpre et vaporeuse, signe annonciateur d’une riposte terrible et dévastatrice.

- Flip, je te laisse la baguette. Orchestre-moi tout ça le temps que je lui enlève son balai du cul tu veux ?

A peine eut-elle prononcé ces mots que la gamine se transforma. La timide enfant disparut sous les traits d’une créature improbable, mélange de pieuvre, d’humanoïde, et de créature ailée. On aurait eu peine à discerner la rascasse, son animal attitré. Toujours est-il que l’instant suivant la bête disparut sous l’épais manteau ivoire, et ce geste visiblement fort éloquent pour ses sœurs leur donnèrent le signal de départ. Chacune d’elle bondit dans une direction différente afin d’encercler la cible avant de fondre sur elle. Pendant ce temps Daestra creva les cieux de sa silhouette éclatante et, accompagnée de sa fidèle escadrille se mit à dessiner des cercles au-dessus du shinigami tout en larguant au hasard de sa fureur quelque uns de ses fragments qui exploseraient alors au contact du sol. Le but ? Blesser, bien entendu, ou tenter de le faire. Mais surtout ouvrir la voie pour l’offensive terrestre.

Les sœurs foncèrent à l’unisson. Hammer, fidèle à elle-même usa de son propre corps, martelant à coups de tête sa proie en ne comptant que sur la dureté de sa carapace primitive. Stup et Betelgeuse quant à elles dardèrent avec plus ou moins de précision le périmètre à grand renfort de ceros. Un grand nombre, pour une force de frappe clairement diminuée. Flip, toujours sous l’écorce granuleuse et de surcroît sa cible, tenta à plusieurs reprises de lui agripper les chevilles de ses tentacules tout en lui projetant quantité de pics, lesquelles ornaient habituellement sa cuirasse bestiale et donc soumis à une robustesse non négligeable. Et perforants avec ça…

Pour finir, la Principessa se laissa tomber à pic en plein cœur de ce formidable chaos, telle une feuille morte. Armée d’un Cero censé accroître la force de la déflagration lors de l’impact, on pouvait malgré tout percevoir un sourire sur son visage. Un sourire éternel, mais qui prenait tout son sens dans la situation actuelle.