Devenir Capitaine ? Yoshiko n'y avait jamais pensé. Ou du moins, pas tant que Tōjō n'avait pas eu cette discussion avec elle. D'ailleurs, la jeune femme avait toujours pensé qu'elle n'accèderait jamais à ce grade. Pourquoi ? Parce que ce n'était pas son genre. Non, à dire vrai, elle n'avait jamais aspiré à atteindre le Capitaine. Et pourtant, elle allait le devenir. Enfin, non, techniquement parlant, elle était déjà Capitaine maintenant. De lourdes responsabilités l'incombaient. Et dire qu'elle avait discuté de cela avec Tōjō il y avait déjà quelques semaines. Et on lui avait assuré que ça ne serait pas pour tout de suite, que sa promotion en tant que Capitaine, et bien, y'avait le temps. Comme quoi ... on l'avait fortement induite en erreur. Etait-ce gênant ? Non, pas vraiment à dire vrai. Mais on lui avait coupé l'herbe sous le pied, dans un certain sens. Et dire qu'elle ne serait plus avec Tōjō. C'était, sans doute, ce qui l'ennuyait le plus. Tous les deux faisaient une assez bonne équipe, même s'ils n'avaient pas réellement eu l'occasion de combattre ensemble. L'un contre l'autre, lors d'entraînement, oiui, ce qui était normal. Mais ils n'avaient pu combattre côte à côte. Ca ne voulait pas dire, pour autant, que ça n'arriverait jamais. Après tout, qui sait ce qui les attendait ? Peut-être qu'ils seraient envoyés, ensemble, sur une mission ? Non, ça n'arriverait pas. On n'envoyait pas de Capitaines sur des missions, hormis pour des missions dangereuses ou ultra importantes. S'il y avait, par exemple, un assaut sur Karakura, oui. Mais comme les Maho Tsukai avaient frappé il y avait de cela peu de temps, la brune doutait que ça arrive de nouveau. Enfin, elle pouvait se tromper, bien évidemment. Elle devait se faire à l'évidence : Tōjō et elle, en tant que duo Lieutenant et Capitaine, c'était terminé. Mais pas en tant que couple. Non, eux deux, c'était fait pour durer. Ou du moins, c'était ce que la brune n'arrêtait pas de se répéter. Ils avaient traversé tellement de choses ensemble et ils avaient mis tellement de temps à s'avouer leurs sentiments que ça ne pouvait pas se terminer ainsi. Enfin, s'ils avaient mis autant de temps à se mettre ensemble, c'était surtout la faute de Yoshiko qui avait le coeur, à l'époque, qui saignait des suites de la perte de Misaki. Mais tout ça, c'était loin, bien loin derrière elle maintenant.

Quoi qu'il en soit, Yoshiko était assise, derrière son nouveau bureau, dans les locaux de sa nouvelle Division. C'était ... étrange. Non, ce n'était pas la première fois qu'elle s'installait dans un bureau de ce genre. Mais là, elle le faisait en tant que Capitaine. Et ça lui faisait bizarre. Elle était, comme qui dirait, sur un siège éjectable. Et si elle faisait une bêtise, elle pouvait être éjectée à n'importe quel moment. Pas cool. Du tout même. Mais bon, avec Tōjō, elle avait été bien préparée. La seule chose qu'elle ne pourrait plus faire -et qu'elle adorait faire-, c'était partir sans rien dire. Nombre de fois où elle avait quitté leur bureau pour se promener dans la forêt bordant le Rukongaï ou bien les alentours dudit Rukongaï. Fini tout ça. Elle avait des responsabilités maintenant. Et elle ne pouvait plus se promener à sa guise. Ah la la ... Ca allait lui manquer ! Pour sûr ! Avec un peu de chance, sa Lieutenante serait "cool" et elle lui permettrait de se faufiler hors du Gotei 13 de temps à autre. Enfin, ça, elle aurait bien l'occasion de voir ça plus tard. Yoshiko n'avait pas encore eu le temps de discuter avec tout le monde. D'ailleurs, sans aucun doute que certains des hommes ou bien femmes de sa Division n'avaient pas encore eu le loisir de rencontrer leur nouvelle Capitaine. Du temps. Avec un peu de temps, et de patience, elle finirait par mettre un nom sur chaque visage. Ca ne se ferait pas du jour au lendemain, elle le savait mais bon. Elle était du genre patiente. Et elle savait que Rome ne s'était pas construite en un jour. Façon de parler, bien évidemment.

Tandis qu'elle jetait quelques coups d'oeil à des papiers, on frappa à la porte de son bureau. De sa voix douce, elle invita celui ou celle qui frappait contre sa porte à rentrer. On s'inclina devant elle. Une jeune femme, brune, aux cheveux longs, s'était présentée à Yoshiko. Porteuse d'un message elle était. Aokiji-Taishô ... Otsu-san souhaiterait vous voir." La brune la regarda, penchant la tête successivement vers la droite, puis vers la gauche. Ce nom lui était familier. Et soudain, ça fit tilt dans sa tête. Sa prédécesseuse. Elle eut un hochement de la tête. "Je vais la recevoir. Merci." Ca lui laissait juste le temps de faire chauffer un peu d'eau. Pour le thé, bien sûr. Il fallut quoi ? Peut-être cinq minutes avant qu'on en vienne, à nouveau, la déranger. Mais c'était bien parce qu'elle l'avait voulu. Et de sa même voix douce, elle invita Otsu à pénétrer dans le bureau. Elle secoua la tête. "Non, non, vous ne me dérangez pas. C'était l'heure du thé." Et elle s'arrêtait toujours à ce moment là pour se préparer un bon thé. "Vous en voulez une tasse ?" avait-elle demandé tandis qu'une bonne odeur de thé parfumait le bureau. "Merci beaucoup. J'ai été agréablement surprise quand j'ai appris que je viendrais dans cette Division." Surprise, c'était un faible mot. Elle ne s'y attendait pas. Pas maintenant en tout cas. D'ici quelques années. Mais le temps l'avait rattrapée, en quelque sorte. "J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur d'occuper votre poste. Je n'avais pas prévu, ni même demandé à venir expressément ici." En fait, ça s'était décidé dans son dos d'ailleurs. M'enfin, ainsi va la vie.

La présence d'Otsu ? Oh, ça ne dérangeait pas Yoshiko. Bien au contraire, elle aimait quand elle avait quelques visites. Seulement, elle savait, très bien, que ça pouvait être étrange. Dans le sens où Otsu avait dégradé. Dans le sens où Yoshiko occupait une place que l'ancienne Capitaine avait. Et tout cela pouvait paraître étrange. Les rôles eurent été inversés, sans doute que Yoshiko aurait eu ce malaise dont faisait preuve Otsu. Quoi que, en ce moment même, effectivement, la nouvelle promue n'était pas très bien dans ses baskets. elle se doutait qu'un jour ou l'autre elle aurait la visite d'Otsu. Mais si tôt ... Non, elle ne l'avait pas attendue si tôt. Mais bon, la borgne était là -d'ailleurs, faudrait qu'elle lui demande ce qui avait bien pu lui arriver-. Et Yoshiko n'allait pas la mettre à la porte. Ca ne se faisait pas. Voilà pourquoi Yoshiko lui avait proposée un thé. Parce que le thé ... avait tendance à arrondir les angles, en quelque sorte. Du moins, c'était l'avis de la nouvelle promue. "Bien. Je suis tout à fait d'accord." L'heure du thé, c'était quelque chose de spécial pour Yoshiko. Et elle ne loupait jamais l'heure du thé d'ailleurs. Ca n'arriverait jamais selon elle. Sauf si, bien évidemment, elle était sur Terre ou ailleurs -en plein combat, par exemple- et qu'elle ne pouvait pas se dégager un créneau pour boire le thé mais bon, ça arrivait.

Quoi qu'il en soit, Yoshiko avait versé du thé dans deux tasses. Une pour elle, une pour Otsu. Mais la jeune femme avait mis un peu de temps à récupérer sa tasse. Apparemment, elle s'était perdue dans ses pensées. Ca arrivait souvent à Yoshiko. Au moins une fois par jour. Il fut un temps où elle était souvent plongée dans ses pensées. Et Tōjō avait beaucoup de mal à l'y en sortir. Quand elle était revenue de son long exil, il aurait, sans doute, donné cher pour se plonger dans sa petite tête et savoir ce à quoi elle pensait. Et aujourd'hui encore, la brune se doutait qu'elle allait continuer à se perdre dans ses pensées, et ce durant des heures et des heures. Yoshiko attendit quelques instants. Elle aurait, effectivement, très bien pu interpeller son homologue. Mais elle n'en avait rien fait. Dans le sens où ce n'était pas très poli ... Quoi que ... Si, ça l'était, bien sûr. Mais Yoshiko n'aimait pas déranger les gens. Il fallut bien quelques bonnes minutes à Otsu pour sortir de ses pensées et se retrouva devant une brune, toute souriante, qui lui tendait la tasse de thé. Un bon thé. Comme elle savait si bien les faire. Oui, il était bon. Il dégageait une certaine saveur qui restait sous la langue.

Yoshiko posa sa tasse de thé lorsque Otsu en fit de même. Apparemment, il était temps ... Temps d'avoir une discussion sérieuse. Sans doute la raison de sa présence dans la Huitième Division. Sans plus attendre, Otsu lança le caillou dans la mare, lui expliquant qu'elle la jalousait, qu'elle l'enviait. Elle était en colère. Mais pas contre Yoshiko. Plutôt contre elle. Parce qu'elle n'était que peu mature à l'époque, parce que le vieux Shunsui l'avait destituée, mais pour de bonnes raisons. Yoshiko ne répondit rien. Elle voulait la laisser terminer son explication. Elle ne voulait pas dire quelque chose, réagir. Pas tout de suite. Elle se contenta d'avoir un sourire lorsque Otsu en eut terminé. "Si tu me permets de te tutoyer et tu peux en faire autant ..." Yoshiko récupéra sa tasse de thé pour boire une nouvelle gorgée. "Je comprends tout à fait ta position. Si les rôles avaient été inversés, je crois que j'aurais pu réagir de la même manière que toi. J'aurais été vexée ... Et j'aurais remis en doute mes capacités." Se serait-elle exilée, une nouvelle fois, sur Terre ? Non. Parce que Tōjō l'aurait attachée sur une chaise et qu'il l'aurait retenue, quitte à la garder enfermée auprès de lui. Réaliste notre Yoshiko. "Je me doute que nous n'allons pas devenir les meilleures amies au monde. Et je ne t'en voudrais pas si jamais tu n'en venais pas à me porter dans ton coeur. Je trouverais cela même normal. Et si jamais la colère passe, tu sauras où me trouver." Amicale ? Toujours. Elle ne pouvait pas en vouloir Otsu. D'ailleurs, pourquoi le ferait-elle ? Il était normal qu'elle soit en colère, envieuse à l'encontre de Yoshiko. Elle avait son poste après tout. "Quoi q u'il en soit, je me doute que cette rétrogradation ... ne te plaît pas tant que ça. Mais ne vois pas ça comme une punition. Mais plutôt ... comme une occasion de briller à nouveau et de repartir sur de bonnes bases. Cette première nomination en tant que Capitaine arrivait peut-être trop tôt et que tu étais loin d'en comprendre tous les tenants et tous les aboutissants." Optimiste Yoshiko. Elle ne voulait pas que Otsu déprime ou bien qu'elle se dise que tout était terminé. "Dis-toi que c'est un nouveau départ qui va te permettre de faire tes preuves à nouveau. Et d'acquérir une certaine maturité et une nouvelle sagesse. Et qui sait ? Peut-être que d'ici quelques mois, ou bien quelques années, on pourra te proposer de nouveau un poste plus élevé au sein du Gotei 13." Yoshiko se doutait que ça n'arriverait pas dans la minute, que ça serait un long chemin. Mais Otsu devait garder espoir qu'un jour ou l'autre, ça s'arrangerait, à nouveau, pour elle. "Traite-moi de naïve ou bien d'utopiste, mais j'aime à croire qu'il y a toujours une bonne raison sous chaque décision prise." Elle aimait voir le bon côté des choses, en quelque sorte.

Pourquoi Yoshiko était aussi agréable avec Otsu ? Difficile de dire. C'était dans son caractère, déjà. Et de deux, la jeune Capitaine ... elle aurait très bien se retrouver à la place d'Otsu. Et si les rôles avaient été inversés, elle aurait aimé avoir, justement, des encouragements. Ou bien une épaule sur laquelle se reposer. Bon, certes, Yoshiko se doutait qu'elle n'était pas là pour ça et qu'elle voulait juste avoir quelques explications avec Yoshiko. Néanmoins, la brune parlait à coeur ouvert. Et elle ne mettait pas de barrière. Elle ne voulait pas qu'Otsu se sente mal à l'aise. Et elle ne voulait pas non plus qu'elle pèse ses paroles. Tout ceci resterait entre elles. Et elles seules. Yoshiko n'était, de toute manière, pas du genre, effectivement, à aborder tout ça avec d'autres personnes. Sauf évidemment avec Tōjō, mais lui, c'était différent du fait que c'était son compagnon. Mais s'il ne lui demandait pas, elle n'en parlerait pas. Tout simplement. "Tu as raison. Tu dois tourner la page. Tu sais, à une certaine époque, moi-même je ruminais le passé, jour après jour. Moi même je n'arrêtais pas de penser à un événement assez marquant. Et j'en ai perdu le sommeil. Et je suis devenue aigrie. Renfermée. Si je puis te donner un conseil, ne fais pas comme moi. Et entoure-toi de tes meilleurs amis pour surmonter cette épreuve." A la mort de Misaki, Yoshiko était restée toute seule. Elle avait refusé de voir des gens. Et elle était partie, finalement, sans rien dire.

En tout cas, Yoshiko était sincère. Elle n'en voulait pas à Otsu. Comment le pourrait-elle d'ailleurs ? C'était elle qui lui avait "volé" sa place, en quelque sorte. Et il était donc normal que ... Et bien, qu'Otsu ne la porte pas totalement dans son coeur. Et normal aussi qu'elle ne voulait pas devenir son amie. "Oh, je n'y manquerais pas. Sans doute que j'aurais l'occasion de faire appel à toi dans les semaines qui suivent. Histoire d'en savoir peut-être un peu plus sur ceux qui furent tes hommes." Après tout, Otsu pourrait peut-être lui donner quelques trucs ? Qui sait ? Oui, bien évidemment, elle ne se fiait pas aux rumeurs ou bien à ce qu'on pouvait lui dire. Néanmoins, qui sait ? Elle pourrait peut-être apprendre quelques trucs sur ses anciens compagnons d'armes, qui sait ? En tout cas, Yoshiko gardait la proposition dans un coin de sa tête. Et qui sait ? Peut-être qu'Otsu et elle finiraient, lentement mais sûrement, par devenir des amies ? Va savoir ce qui pouvait se passer.

Otsu était très pessimiste et elle ne voyait pas les choses comme Yoshiko. Elle ne pensait pas qu'elle aurait une nouvelle chance. "Le vieux proverbe dit : "Ne jamais dire jamais". On ne sait jamais ce qui peut se passer." Mais elle comprenait l'allusion, celle de la poubelle non recyclable. Néanmoins, elle n'était pas tout à fait d'accord avec Otsu. Dans le sens où, organisation militaire ou non, Yoshiko avait eu l'occasion, justement, d'en apprendre plus sur l'organisation militaire dans le monde des humains. Et ceux qui avaient fait une faute grave, on les mettait à pieds durant quelques temps. Et on finissait par les sortir, à nouveau, du placard en temps de guerre. Toujours compter sur les effectifs fiables, même s'ils avaient pu fauter à un moment ou bien à un autre. Mais la brune n'allait pas épiloguer durant des heures et des heures avec Otsu sur le sujet. Parce qu'elle voyait très bien que celle-ci n'avait pas envie de s'attarder plus longtemps que cela dans les parages. D'ailleurs, Otsu était en train de prendre congé. Yoshiko eut un sourire. "Merci à toi d'être venue et de m'avoir dit ce que tu avais sur le coeur. Si tu veux repasser, n'hésite pas. La porte sera toujours grande ouverte." Et Yoshiko n'était pas une menteuse. Si Otsu voulait revenir la voir pour lui parler, ou que sais-je encore, elle l'accueillerait à bras ouverts. Elle l'accueillerait aussi à bras ouverts si ... Et bien, si elle décidait de revenir aussi dans les locaux de la Huitième Division.

Merci à toi ^^