L'assemblée de l'astre rouge [Réunion du Capitanat]

La réunion suivait son cours, et les évènements allaient de Charybde en Scylla. Alors qu'une accalmie semblait être proche, avec Shinjirô apaisé, voilà que les deux Vizards du Capitanat signalaient un comportement assez inquiétant de leur hôte masqué, ce qui ne manqua pas d'inquiéter Taka: il avait vu à l’œuvre Shu avec son masque, et son potentiel était sans commune mesure avec sa puissance en temps normal. Et il n'était pas le seul hybride de la Soul Society: si tous perdaient le contrôle en même temps... Il secoua la tête pour chasser ces pensées, et reprit le fil alors que Dame Asuna chargeait le Capitaine de la Seconde à se préparer pour mener quelques raids à l'intérieur du Hueco Mundo. Puis, elle choisit ce moment pour planter le dernier clou dans le cercueil de la bonne humeur, laissant le champ libre à la morosité: il allait falloir exterminer trois millions d'âmes du Rukongaï. Le Capitaine de la Cinquième accueillit la nouvelle dans un parfait mutisme, ne bougeant pas d'un pouce, ne cillant même pas. Le temps que ça monte au cerveau, sans doute, cerveau qui tournait à plein régime. Par accoups, ses souvenirs au sein du Rukongaï lui revenaient, aussi bien ceux dans la masure avec son monstre de mère, et les autres, avec Dame Farune et la famille de son père. S'il avait été victime d'une de ces purges, il ne serait pas là aujourd'hui. Et même s'il ne valait pas grand chose, peut-être que son absence aurait drastiquement changé la Soul Society.

Déjà trois des homologues du Faucon avaient réagi, tandis que ce dernier était toujours muet. Le Capitaine de la Première était le seul à avoir accepté stoïquement la nouvelle, et si Shu comme la dirigeante de la Huitième y semblaient opposés, l'ancien Vice-Capitaine de la Dixième était mitigé. A certains moments, il convenait d'agir, quelle que soit la dureté de la chose. S'il y avait eu une autre solution pour la balance des âmes, elle aurait déjà été trouvée. Certains quartiers du Rukongaï ne valaient pas mieux que des ghettos où hommes, femmes et enfants étaient parqués comme du bétail et souffraient chaque jour: la faim, la violence, le froid... Taka soupira imperceptiblement, puis croisa les bras dans son dos, avant de jeter un regard à Shu. Ce qu'il dirait ne lui plairait certainement pas, mais bon... Ouvrant sa paupière droite, il dévoila une émeraude qu'il posa sur la Kuragari, et prit la parole d'un ton sans émotions, celui de l'homme déterminé à faire ce qu'il fallait parce qu'il faut bien que quelqu'un le fasse:

- Le Capitaine Kireru n'a pas forcément eu la meilleure idée. Je suis né dans un district éloigné, plusieurs Shinigami le sont sans doute également, et j'ai le souvenir d'un Kenpachi issu de Zaraki... Les gens là-bas sont habitués à vivre à la dure, et ont de fait plus de chances de développer un potentiel et de venir gonfler nos rangs. Ce qu'il faut, c'est éliminer les plus âgés, les impotents et les malades. Les jeunes sont eux aussi de potentiels Shinigami, il faut les préserver au maximum. Non seulement trouver nos "victimes" occupera un temps certains de nos hommes, mais qui sait, peut-être trouvera-t-on un autre moyen d'ici à ce que les listes soient prêtes. Enfin, ce que n'est que mon avis.

Taka se tut. Ce devait être la première fois qu'il dévoilait quelque chose sur ses origines. Visiblement, ce poste de Capitaine avait encore renforcé son attachement à la Soul Society...

Shinjirô ignora la remarque de Reisen. Qu'il soit un paramètre à intégrer, il le savait. Mais est-ce que cela importait réellement ? Pas le moins du monde. Il avait pris ses ordres, donné ses avertissements et écoutés Noboru et Shu. Ces informations le dépassaient et il laissait la compréhension de ces données aux autres. Mais ce fut les propos d'Asuna qui atteignirent Shinjirô. Il l'avait déjà entendu prononcer ces propos. Il l'avait déjà entendu proférer pareilles menaces. Et c'était il y a des années de cela, alors que la belle s'était encanaillée dans un bar. Et il comprit. Il comprit qu'elle n'avait jamais plaisanté à ce moment-là. Le Rukongai... Il s'agissait de sa demeure. De ses racines. Et en Conseil, on commençait à débattre du bien-fondé d'un massacre sur ces âmes ?

Ce fut l'information de trop. Mais Shinjirô comprit aussi que sur ce sujet, il n'aurait pas le dernier mot. Les autres l'empêcheraient d'exposer son avis. Les autres l'empêcheraient de se dresser face à cette décision. Il paraissait évident aux yeux de tous que l'équilibre était défait. Mais avaient-ils la certitude que d'agir ainsi rééquilibreraient les choses ? Les Reapers n'étaient pas derrière cette décision. C'était elle. Elle seule.

- Comme à l'époque, hein. T'as déjà souhaité détruire le Rukongai. Tu me l'as dit.

Pour la première fois, il n'exposa pas son point de vue de manière virulente. Pour la première fois, il sut qu'il perdrait cette bataille s'il s'engageait sur cette voie. Son regard passa sur chacun des visages présents avant de s'arrêter plus longuement sur Reisen et Asuna. Le premier s'était perdu. Il n'était plus que l'ombre de ce qu'il avait été par le passé. La seconde révélait sa véritable nature. Il poussa un long soupir. Ce qu'il allait faire pourrait lui causer du tort, il le savait. Mais il ne pouvait accepter de participer à un tel génocide. La disparition de Shunsui avait vraiment modifié le Gotei. Plus encore qu'il ne l’avait cru. D'un geste, il frappa la pointe de sa lame sur le sol. Celui-ci se fissura autour de sa personne. Mais c'est très calmement qu'il reprit la parole.

- Aucun Shinigamis de la Onzième division ne participera à votre petite mascarade, je m'en porte garant. J'attendrais ma sanction dans mes quartiers. Asuna, prends garde à qui tu m'enverras.

Et il se détourna d'eux sans un regard, gagnant la sortie. Il venait de s'opposer à son Commandant et s'attendait à des sanctions. Mais pour le moment, il s'en moquait. Reisen et Asuna auraient rapidement à faire à lui. Mais pour l'heure, il allait donner ses ordres. Il l'avait juré : aucun de ses gars ne participerait à un tel génocide. Et il allait sécuriser son propre fief : "Aux Phalanges Brisées" serait désormais son camp de base principal. Et comme tout camp de base, il allait le sécuriser. On viendrait le chercher. Mais si le malheureux était Reisen, alors il faudrait trouver un nouveau Capitaine de la Première division. Cela aussi, il se le jurait.

[Fin du rp pour ma part]

Du peu qu'il avait pu en voir depuis son accession au rang de capitaine, Haiko ne pensait pas assister un jour à une réunion pareille. Calmement, mimant presque l'absence d'intérêt vis-à-vis des propos proférés, il se contentait du rôle de statue, bras croisés dans son haori. Alimenter un brasier tel que celui-ci ne servirait à rien, même s'il rejoignait mentalement les paroles du Kenpachi. Laisser couler ? Cela faisait bientôt deux ans qu'ils se faisaient marcher sur les pieds sans remords. A l'Académie, une atmosphère de doute et d’incompréhension avait gangrené l'ensemble du corps enseignant pendant près d'un an. Sans le soutien de l'Ardent et de sa division, ce climat puant la dépression aurait sans doute perduré. Asuna réclamait à ses hommes de faire profil bas, de se préparer sans broncher à ce qui – de l'avis de la plupart des autres gradés – n'allait pas tarder à éclater. Une guerre. Ce mot avait encore plus d'impact prononcé par le commandant. De l'avis du chef de la sixième, le conflit était inévitable...

Des inquiétudes avancées par Noboru et Shu en rapport à leur hollow, le petit capitaine les dévisagea un bref instant, les jaugeant à leur insu. Leur situation dans le cadre actuel des choses, avec ces reapers... Haiko n'aurait su dire si la bête au fond d'eux leur suggérait la fuite, par instinct, ou alors si cette chose provoquait en eux un besoin irrépressible de renouer le contact avec leur monde d'origine, au risque de les consumer. Voir même les deux à la fois. Le bretteur avait foi en ces deux shinigami et si la mort brutale d'Otsu le poussait à la prudence, il se dit que si ces deux hommes parvenaient à mettre des mots sur le malaise habitant leur être, le risque en demeurait moindre. C'est d'ailleurs dans ce sens que le commandant montra malgré elle sa confiance au colosse de la deuxième, en l'envoyant dans l'antre des bêtes masquées. Encore une fois, Haiko appuya silencieusement cette directive.

De la sérénité latente affichée par l'Ardent depuis le début de la réunion, il n'en était désormais plus rien. Tétanisé par la stupeur et l'horreur des mots prononcé par le commandant, ses bras se décroisèrent, ses pupilles, comme éveillées après un long sommeil, se mouvèrent pour accrocher chacun de ses collègues ici présent. Lui-même se redressa en fixant enfin l'origine de cette décision. Un raz de marée venait de s'abattre sur les draperies écarlates de la pièce, lui donnant un aspect plus morbide encore. C'est en spectateur qu'Haiko assista au défilé des arguments de certains de ses collègues. A chacun des intervenants, il montra clairement son avis. Un regard triste et résigné à l'encontre de Shu et de Yoshiko. De colère mêlé d'incompréhsension devant les remarques de Reisen et Taka. Comment pouvaient-ils organiser, planifier, un tel massacre ?! Dégoûté et indigné, le capitaine détourna le regard. Les mots du commandant résonnaient sans équivoques aux oreilles du petit shinigami. A la fin de cette réunion, ils commenceraient à exterminer trois millions d'âmes.

Comme si la méthode importait... Rien que d'y penser... Cette directive lui était intolérable. Tout comme au Kenpachi qui monta aux créneaux, terriblement calme. Sa décision coupa d'ailleurs le sifflet au Kaogake qui l'observa presque bouche bée, quitter la salle de réunion. Son action avait été courageuse, mais dangereuse s'il comptait se dresser contre une décision du commandant. Haiko était tiraillé. La balance des âmes aurait dû commencer à s'équilibrer ces deux dernières années. Le trou laissé par ces millions d'âmes soufflées par les Mahô Tsukaï était sans doute trop vaste pour être comblé en aussi peu de temps. Il se souvenait de la révolte Quincy et de ses conséquences. Une révolte du Rukongai dans le même genre pourrait s'avérer possible et terrible. Sa pensée se tourna vers sa famille habitant le troisième district... La balance pencha alors dans son esprit et sans bouger, il prit la parole. Ses yeux fixaient le commandant, une lueur incisive dans le regard.

« Commandant... Même si je comprends votre décision, je comprends également celle du Kenpachi. Je ne porterai pas le poids d'un massacre d'une telle ampleur sur ma conscience. Je viens de là-bas, ma famille y habite. Ce genre de solution radicale est une erreur. Nos prédécesseurs en ont déjà fait les frais par le passé avec la révolte Quincy. »

Sans ciller, il continua non sans détermination, apportant son soutien au colosse déjà sorti de la pièce.

« Je ne m'oppose en rien à votre décision commandant, mais jamais je ne participerai à une telle abomination, quels qu'en soient les enjeux. »

Il soutint le regard de la froide jeune femme pendant encore de longues secondes avant de parcourir la salle du regard. Enfin, il croisa de nouveau les bras.

« Plutôt mourir que d'avoir le sang de millions de personnes sur les mains... »

Ces derniers mots tombèrent comme la guillotine sur la nuque du monarque. Aucune hésitation ne pouvait se lire dans sa gestuelle. Sa détermination était telle qu'il pensait chacun des mots qu'il venait de prononcer, ainsi que les conséquences de chacun d'entre-eux....

« Ne vous dissipez pas, dit-elle en se désintéressant du départ du Kenpachi, parti furieux à l’idée de devoir verser le sang. »

Une onde frémit sur le visage d’Asuna, de doute peut-être, néanmoins la dureté qui s’ancra ensuite en ses traits chassa cette fugace impression. Elle les avait écoutés dans le calme le plus royal, mais à présent on pouvait supposer qu’un sentiment proche de la colère couvait derrière ses prunelles amarante.

« J’ai caressé chaque aspect du problème. Il n’existe aucune autre solution à l’heure actuelle. »

Son ton était posé, ses mots choisis avec soin, pourtant les ombres qui affluaient en marées dans les coins de la pièce ne laissaient plus le moindre doute sur sa patience.

« Nous sommes des âmes immortelles. Ni la maladie, ni la faim, ni la pauvreté, n’ont d’emprise sur nous. Nous mourrons seulement quand l’on nous tue. Pensez-vous qu’au cours de ces deux années, suffisamment d’individus au Rukongaï ont disparu, que suffisamment de Shinigamis sont morts, pour pallier au manque de trois millions d’âmes sur Terre ? »

Elle les jaugea tour à tour de son air inflexible, mais son regard s’attarda plus longuement sur Kaogake et Aokiji.

« Le Goteï est sorti exsangue d’une guerre contre les Maho-Tsukaï. Une autre couvre à l’horizon. Chacun d’entre vous est un dirigeant. Vous n’avez pas le luxe de choisir ce qui est juste et moral. Ce que l’on attend de vous, c’est l’efficacité au service du bien commun. Les sacrifices seront votre quotidien. Vous devez vous y préparer. »

Les paupières mi-closes, la bouche tordue en une moue ennuyée, la Mère laissa voir sa déception.

« J’entends vos réserves. Nous agirons ainsi malgré tout. Nous distillerons de l’intelligence dans cette entreprise. Nous donnerons du sens à cette absurdité. »

La Commandante porta son attention vers les Capitaines de la Première et Cinquième Divisions, les seuls à avoir avancer des propositions.

« Nous commencerons d’abord par vider entièrement les prisons de la Seconde Division. Puis, nous partirons des districts les plus éloignés du Rukongaï. Nous n’éliminerons pas ces âmes à l’aveugle, bien sûr. Chaque homme, femme et enfant devra passer l’évaluation du potentiel spirituel. Ceux qui échoueront seront sacrifiés pour l’équilibre. Les autres seront envoyés à l’Académie où ils suivront une formation spéciale. Le Capitaine Kaogake aura la mission de forger ces âmes et de les changer en soldats loyaux. À leur sortie, ces Shinigamis devront être absolument convaincus du bien fondé du carnage auquel ils ont échappé. J’insiste sur la nécessité de cette charge, Capitaine Kaogake. Ou souhaitez-vous vous destituer de cette mission également ?, demanda-t-elle en ne regardant pas l’intéressé. Elle ne lui accorda pas le temps pour répondre et continua avec cette même fermeté. La Capitaine Aokiji, avec la collaboration du Capitaine Kazegai, seront chargés de tenir les comptes sur le nombre d’âmes éliminées. Trois millions, ni plus, ni moins. Enfin, le Capitaine Kiryû s’étant retiré, je crains que le Capitaine Igarashi ne doive se charger du rôle de bourreau. »

Elle lança à celui-ci un sourire navré, empreint de la douceur d’une mère se repentant d’affliger de maux odieux l’un de ses petits.

« Exceptionnellement, le Capitaine Igarashi a, dès à présent, autorité sur les Divisions dépourvues de capitanat, et pourra s’attribuer le commandant d’autant d’hommes qu’il juge nécessaire pour sa tâche. Cette entreprise va créer rapidement un vent de panique si nous ne la dissimulons pas. Il n’est pas question de raser des quartiers à la vue et aux sus de tous. Le sort des sacrifiés ne doit pas être connu, ou vous devrez gérer une plus grande hostilité. Par ailleurs, choisissez bien vos subordonnés, ne prenez que les plus déterminés.
Voici vos ordres à tous. Cette réunion est terminée.»

Elle se tut, l’œil hagard, et se rassit, mollement, dans la position avec laquelle elle les avait accueillit. Toute vitalité l’ayant désertée, sa tête subitement lourde comme ses paupières, Asuna se ploya en elle-même.

« Si certains d’entre vous ont des proches, vous avez jusqu’à demain pour les évacuer, conclut-elle en un dernier vœu ensommeillé. »

Ce qui était certain, c'était que la situation échappait complètement au contrôle du Gotei, sur bien des aspects. Les heures étaient bien plus sombres qu'elles ne l'avaient été jusqu'alors, et chacun était en droit de douter du bien fondé de leur mission en tant que Dieux de la Mort. Le Kyuusei avait reçu ses ordres, marque de confiance de la part de la Commandante, qui signifiait à tout le monde que, malgré ses démons intérieur, elle le savait assez fort pour tenir la tête à la Mort elle même. Ou du moins capable de mettre fin à ses jours si jamais la situation le concernant en arrivait à un point critique. Ce qu'il ferait sans hésiter. La mort n'était que le commencement, hein? Sa place ici en était bien la preuve. En tout cas, il avait maintenant un objectif, et de quoi tenir ce qu'il appelait maintenant sa "Meute" en appétit. Fini, les marioles en collant. En plus de deux années, avec tout ce par quoi la division était passée, les hommes s'étaient endurcis, atteignant le niveau autrefois brillant de l'Omnitsukido. Bien sûr, tout était nuancé, mais il faisait confiance à présent à ses ouailles. Et pensait mériter la leur.

La décision de suppression des âmes ne l'étonna pas outre mesure. En fait, elle était même logique, et avait déjà été menée par le passé, du temps de l'invasion par les Sternritters. Le tout, c'était de savoir comment ce rétablissement dans la balance allait être fait. A l'époque, si les souvenirs de lectures du Vizard était bons, c'était le département scientifique qui avait été acteur de cette action. Peut être y avait-il alors un moyen d'alléger ce qui passait dans la bouche d'Asuna comme une boucherie pure et simple. En grand pragmatique, l'homme savait que c'était une chance bien ténue, mais en tant que défenseur des âmes, il ne pouvait se résoudre à trancher purement et simplement dans des citoyens du Rukongai. Son avis était partagé par bien des Capitaines, autour de lui, et finalement la dissension grondait plus que jamais dans les rangs des Shinigamis. En regardant bien, sa voix serait déterminante, puisqu'elle apporterait l'équilibre, ou ferait pencher la balance dans le sens des insurgés contre le massacre. Pouvait il adhérer à l'idée de Reisen, qui consistait à éliminer les districts les plus éloignés? Il venait de là bas, et connaissait bien des enfoirés de première, mais aussi des personnes pures, pleines de bonté. Le poids de ces âmes hors du commun l'emportait sur la fange, à ses yeux. Ça ne faisait aucun doute.

- On voit que certains ici sont nés dans l'après vie avec une cuillère en argent dans la bouche. Les districts éloignés du Rukongai ne méritent pas la première place dans ce massacre, juste parce que leur situation est instable. Faut déjà un putain de karma pour être arrivé par là et y passer l'éternité, c'est pas en plus pour se faire zigouiller par ceux qui font déjà pas le boulot de les protéger convenablement.

Ça, c'était dit. A les écouter, on entendait parler de bétail, ou de simples données. Par contre, on pouvait aussi nuancer la chose.

- Cela dit, on peut aussi trouver des solutions moins sales. A savoir proposer à ceux qui le veulent de se forger une nouvelle vie sur Terre. Une tabula rasa, un peu comme si on les envoyait comme des colons entre les mondes. Et puis, c'est quoi une vie, quand on est habitué ici à en vivre plusieurs? Le temps est relatif. En plus si je me souviens bien, on a déjà eu à réguler le flux comme ça. Doit bien y avoir une trace, un rapport disant comment ils s'y sont pris à la Douzième, du temps des Sternritters? Faudrait voir à pas gérer ce problème comme des sagouins, être un peu moins bas du casque et réfléchir avant de trancher dans le tas.

Et c'était un ancien membre de la Onzième qui devait sortir ça pour remettre tout le monde à sa place. La honte. Mais en même temps, il représentait l'équilibre, de par l'esprit sommeillant dans son Zanpakutô. Il devait toujours voir une situation sous différents angles.

- Cela dit, si la décision est irrévocable, et qu'on doit faire passer le test aux âmes capables de développer un potentiel, c'est que l'on est déjà dedans. Ne pas en parler reste pour moi un non sens, une perversion. Mais j'ai ma mission, je sais où je dois aller pour éviter ce qui pourrait être un potentiel danger pour tous et glaner assez d'infos pour savoir à quoi nous attendre. J'espère juste qu'en revenant je n'aurais pas à ramasser la Soul Society à la petite cuillère. Je ne m'oppose à rien, je fais ce qu'on me dit, et je laisse le problème à ceux qui doivent s'en charger.

Un regard pour Shu, qui se voulait être compatissant. Connaissant la nature du bonhomme, il ne tiendrait pas longtemps avant de rendre son tablier. Ce gars là était un pur, un altruiste jusqu'au os, le type le moins bien placé pour faire cette besogne. Nul doute qu'il crèverait plutôt que de zigouiller la moindre âme.

- Dernière chose, je vous laisse l'accès aux geôles. Veillez juste à pas faire sortir n'importe qui, y en a là dedans qui voient pas d'un bon œil le fait de se faire exécuter sans sommation, et qui seraient capables de se rebeller un tantinet. Ou peut être de vous aider à faire le boulot et de mériter leur galons de Capitaine, qui sait?

Message personnel pour Reisen. Il avait eu chaud aux fesses, apparemment. Peut être que ça le ferait méditer sur la précarité de sa situation. Ou alors avait il sombré dans l'ingratitude la plus complète. Toujours est il que certains prisonniers étaient ingérables, et le fait de vouloir les exécuter pourrait potentiellement être un vecteur de brèche dans la sécurité. Le pire scénario étant l'évasion des éléments les plus dangereux. Et personne ne voulait ça. Personne.

- Sur ce, je vais donner mes instructions à mes hommes, à la revoyure, les Dieux de la Mort. Veillez à pas vous faire de tendinite à zigouiller du civil.

Et des instructions, il en avait. Primo; organiser un groupe de traque. Secundo, envoyer un contingent aux Phalanges Brisées, afin d'aider le Kenpachi dans l'évacuation et la sauvegarde de la population. Ses hommes étaient les meilleurs pour la guérilla urbaine, et savaient comment agire de façon clandestine. C'était le meilleur atout du Kenpachi.

En dépit des remarques du Capitaine de la Sixième, et du refus ouvertement proclamé par le Kenpachi, la Commandante persistait dans son idée, confirmant qu'il n'y avait effectivement pas d'autres solutions. Cela dit, malgré tous les points positifs de la chose qu'elle essayait désespérément de pointer, Taka gardait un goût amer dans la bouche. Il ferait ce qu'on lui dirait, point final. Quand donc était-il devenu ainsi? Était-ce seulement sa nomination en tant que Capitaine, ou un changement plus profond s'était-il opéré en lui? L'avenir le lui dirait. Il continua de fixer Asuna à travers ses paupières closes, tandis qu'elle attribuait sa tâche à chacun des Capitaines ici présents. A l'évocation de son nom, précédé par celui de la dirigeante de la Huitième Division, il hocha vaguement la tête: compter, c'était dans ses cordes. Par contre, il plaignait sincèrement Shu qui avait droit au sale boulot. Et il plaignait Asuna, qui devrait peut-être trouver quelqu'un d'autre en catastrophe: même s'il n'avait pas côtoyé le Vizard très longtemps, le Kazegai savait qu'il ne parviendrait pas à tuer des innocents. Et même s'il y mettait tout son cœur, il craquerait dès les premières victimes. Alors, en exterminer trois millions...

L'ancienne Capitaine de la Quatrième Division termina son monologue en laissant quelques heures aux Capitaines pour évacuer d'éventuels proches. Taka repensa à Dame Farune, à sa famille... Devait-il les prévenir? Ou devait-il considérer qu'il n'y avait aucune chance de les voir éliminés, étant donné qu'ils étaient installés dans l'un des districts les plus riches? Il n'avait que peu de temps pour y réfléchir. Mais l'idée de la voir le faisait frisonner d'avance. Il avait le sentiment que s'il la voyait, tout ce qu'il avait accompli, tout ce pour quoi il avait lutté, volerait en éclats, et il redeviendrait le gamin pauvre, honni de tous, attendant de mourir dans la neige et ramassé par une gamine excentrique... Il enverrait un messager. C'était le mieux à faire. Perdu dans ses pensées, il n'avait que distraitement écouté le Capitaine de la Deuxième, et il ne reprit pied qu'au moment où ce dernier annonçait son départ. Au vu de l'état de Kuragari Asuna, la réunion était d'ores-et-déjà terminée. Tirant sur la manche gauche de son Haori, Taka jeta un dernier regard à Shu, comptant sur leur ancienne complicité pour lui faire comprendre qu'il était sincèrement désolé, et qu'il savait où le trouver s'il avait besoin de parler. Il fixa un moment la seconde femme ici présente, et lui adressa un léger signe de tête: il faudrait qu'ils se rencontrent pour planifier leurs comptes macabres. Puis, s'adressant à la totalité de l'assemblée:

- Je vais dès à présent me retirer, Capitaines, Capitaine-Commandante, et choisir mes apprentis mathématiciens. Mes hommages.

Il s'inclina, réalisant même une légère révérence, selon l'usage qu'on lui avait enseigné, et quitta la salle de réunion. Au sortir de la vaste pièce, il remarqua qu'il s'était presque habitué à l'ambiance glauque. Ambiance plus qu'appropriée pour ce qu'il s'y était dit... Néanmoins, il se sentait grandi. Même si une guerre civile risquait d'éclater à tout moment, même s'il allait devoir se décider sur comment contacter sa famille, même s'il repensait, bizarrement, à son affreuse mère, et même s'il allait devoir s'assurer que trois millions d'innocents, ceux qu'il était censé défendre, meurent, il se sentait, pour la première fois, véritablement un Capitaine au sein du Gotei 13.

Assassiner des âmes ... détruire trois millions d'âmes ... Non. Yoshiko avait beaucoup de mal à comprendre la décision d'Asuna. Et pire encore, Reisen approuvait. Pourquoi diable approuvait-il ? Certes, il devait y avoir un rééquilibre des âmes. Dans le cas contraire, ça serait ... non pas dangereux mais bon. Oui, ça pourrait provoquer quelques problèmes. Néanmoins, pour Yoshiko, elle était sûre et certaine qu'il devait y avoir d'autres moyens pour se faire. Elle ne savait pas quoi. Ni comment. Peut-être que les Reapers avaient la solution à ce problème épineux. Ou pas du tout. En tout cas, elle n'allait, sans doute, pas rester les bras croisés en attendant que les âmes soient exterminées. Quoi qu'il en soit, tous étaient contre cette idée. Taka n'approuvait pas, évoquant le fait qu'il y avait des âmes qui en valaient la peine dans les districts les plus reculés du Rukongaï. Ce qui n'était pas rien. Après tout, nombreux étaient ceux qui venaient d'un district isolé. Et voir que leur district allait se retrouver à feu et à cendres ... Yoshiko avait beaucoup de mal à supporter l'idée. Elle n'était pas du genre rebelle. Elle serrait le poing. Le bon choix qu'ils devraient faire. Eviter de supprimer des âmes qui pourraient venir gonfler les rangs. Mais tuer les autres pour autant parce qu'ils n'avaient pas d'avenir au sein du Gotei 13, c'était tout autant cruel. Et dégueulasse. Enfin, c'était difficilement qualifiable.

Si Yoshiko n'appréciait guère la nouvelle, pour Shinjirô, c'était encore pire. Le colosse de la Onzième réfutait tout ordre de la Capitaine Commandante. Ce qu'il en vint à lui dire ne tomba guère dans l'oreille d'une sourde. Se pouvait-il que cette décision était quelque chose de mûrement réfléchi, et ce depuis quelques années déjà ? Se pouvait-il qu'Asuna prenne cette décision non pas pour rééquilibrer la balance, mais parce qu'il y avait anguille sous roche ? Peut-être bien. C'était une histoire à creuser. Shinjirô, las de ces bêtises, ne tarda pas à s'éclipser, tout en clamant haut et fort que les siens et lui même ne prendraient pas part à cette ignominie. Haiko rejoignait, avec ferveur, l'avis du Kenpachi, ne souhaitant aucunement prendre part à ce massacre. Mais ce ne fut pas pour autant qu'il rejoignit le Capitaine de la Onzième. Il n'était pas parti. Sans doute attendait-il la réaction d'Asuna.

Une Asuna exaspérée et lasse. Sans doute s'attendait-elle à une réunion sans heurts. Oui, la première partie de la réunion s'était plutôt bien déroulée. Avec des hauts et des bas. Mais depuis l'annonce de ce génocide, les esprits étaient bien plus échauffés. Elle se justifiait, tapait du point pour faire rentrer dans leurs crânes que c'était hélas l'unique solution et qu'ils devraient s'en contenter, et faire en sorte que l'extermination se passe bien. Il y aurait des tests. Pour ceux qui seraient utiles. Et les autres seraient ... je vous laisse devenir comment ils termineraient. Chacun avait une tâche bien précise. Yoshiko ferait équipe avec le Capitaine le plus récent, le petit Taka. Elle n'avait guère eu l'occasion de le côtoyer. Elle ne savait pas comment il fonctionnait. Elle aurait bien l'occasion de voir ça par ses propres yeux dans les jours qui allaient suivre. Certains auraient pu qualifier sa tâche d'ingrate. Compter les âmes qui étaient exterminées, et faire en sorte d'arrêter le massacre à trois millions, et pas une de plus, ce n'était pas ... très glorieux, si on pouvait dire cela ainsi. Mais elle s'en contenterait. Et elle en était contente. Elle n'aurait pas aimé, par contre, se retrouver à la place de Shu. La brune se sentait extrêmement mal pour lui. Son pauvre ami de toujours. Elle discuterait de tout cela avec lui. Une fois cette maudite réunion terminée.

Le silence est d'or, comme on le dit si souvent. Et Yoshiko quitta la salle de réunion sans un mot, bien qu'elle n'en pensait pas moins. Que dire ? S'opposer aux ordres d'Asuna ? A quoi bon, elle trouverait quelqu'un d'autre pour se charger de la sale besogne. Faire travailler son cerveau. Voilà ce qu'elle allait faire. Peut-être qu'au petit matin ils auraient trouvé autre chose qu'une telle extermination. L'idée de Noboru de faire déplacer tout ce petit monde sur Terre, ou du moins, une partie, n'était pas stupide. Bien au contraire. Elle ne se rappelait pas du précédent, du fait qu'elle était revenue après les Sternriders. Mais peut-être que c'était là la solution. Qui sait ? Advienne que verra. Le sort en était jeté.

Je manquais de vaciller. Le souffle définitivement coupé, je faisais mon possible pour me contenir. Mon énergie fluctuait, Heyshiro faisant tout son possible pour s’échapper. Je n’allais pas bien, pas un mot n’était sortit de ma bouche et mon Hollow le ressentait. Il était une partie de moi, il réagissait comme son instinct le lui dictait. Heureusement pour moi je réussis à le garder sous contrôle, aidé d’Onibi, qui faisait son possible pour le maintenir enfermé dans mon esprit. Je ne pouvais pas craquer maintenant, trois millions d’âmes comptaient sur moi.

Le fil de mes pensées complètement déréglé, je n’arrivais plus à suivre ce qui se disait depuis l’annonce fatidique. Je l’avais vu venir, venir de tellement loin, sans y croire, comme un mauvais rêve. Comme si j’allais me réveiller avant qu’elle ne le dise. J’étais le dernier sur la liste, et pourtant le choix le plus improbable. Comment pouvait-elle ne serait-ce qu’un seul instant penser que j’étais fait pour ça ?!? Ne connaissait-elle pas mon histoire ? N’était donc elle pas informé sur ses propres hommes ? J’avais fini par déserté la dernière fois que j’étais censé participer à un Génocide de la sorte, et voilà qu’elle osait me confier l’ordre de bourreau. Les circonstances avaient peut être été différentes à l’époque, elle ne l’étaient clairement pas pour moi. Je me retrouvais 200 ans en arrière, incapable de bouger. Mon Capitaine n’était plus là pour me pousser, pour me remettre en place, non sur ce coup je serais seul, et c’est seul que je devrais prendre mes propres décisions !

Je me forçais de revenir à la réalité. D’essayer de ne pas sombrer dans la folie, de ne pas lui laisser l’opportunité de prendre le dessus et surtout de garder mon calme ! Je regardais Taka, j’avais parfaitement entendu ce qu’il avait pu dire plus tôt. Et j’étais partagé. D’un côté j’étais déçu, déçu qu’il puisse penser ainsi et qu’il soit prêt à sacrifier tous ces gens sans réels motifs. Malgré tout une petite part de moi était fière de lui. Il avait le courage de dire ce qu’il pensait et en sachant d’où il était parti c’était un progrès nécessaire à son rôle de Capitaine. Mon regard croisa une dernière fois le siens au moment de son départ, il comprit que je viendrais le voir, nous aurons de toute façon à travailler ensemble, si l’impossible finissait par arriver…

Je n’avais toujours pas décoché le moindre mot, laissant à chacun le temps de s’exprimer, sans avoir quoi que se soit de plus à dire. Les jeux étaient fait, il ne tenait plus qu’à moi de faire en sorte que tout se déroule comme prévu, ou pas… Je ne savais que penser, que dire, tout était encore bien trop frais dans mon esprit pour que je sois capable de prendre une décision sérieuse en cet instant. En serais-je capable ? En arriverais-je jusqu’à là ? J’avais du temps avant que l’on ne passe à l’exécution pure et dure… Une pensée à mon Capitaine alors que des images de moi déserteur retraversaient mon esprit. Devrais-je en arriver là une fois de plus ? Je n’espérais pas, de tout mon coeur…

Qu’il en soit ainsi.

Je lâchais ces quelques paroles d’un ton qui se voulait fort, et qui le fût pratiquement. Je ne pouvais laisser tomber ces 3 Millions de personnes sans tout essayer ce qui était possible de l’être. Un passage à la douzième et au Archives, qui sait, peut être y trouverais-je des réponses. Il le faudrait…

J’avais vu les regards de chacun se poser sur moi lors de la réunion, tout le monde le savait, tout le monde savait que je n’étais pas fait pour ce rôle, et pourtant personne ne dit rien. Je compris facilement vers qui je pourrais me tourner, et vers qui je ne le pourrais pas. La route s’annonçait d’ores et déjà sinueuse ! Serais-je alors capable de la traverser ?

Seul l’avenir nous le dira !

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